Swissmade : le tennis suisse en dix exploits (2/2)

By  | 20 juillet 2010 | Filed under: Histoire

6. 20h02, l’Odyssée de Wimbledon : un Suisse réalise l’impossible.

Oui, oui, c’est le même titre que pour l’exploit n°5. Parce que ce qu’a fait Roger Federer en 2001, un autre Suisse va le faire en 2002 : un sans-grade du nom de George Bastl, pratiquement oublié de tous, hormis des fans de Pete qui le maudissent aujourd’hui encore.
Le même titre donc, mais un titre mensonger parce que je m’autorise l’impensable : ne pas parler du seul fait de gloire de la carrière de Bastl, que l’on peut pourtant résolument ranger au panthéon des plus grands exploits tennistiques suisses tant l’improbable s’est produit ce jour-là. Mais, n’ayant pas vu son match du deuxième tour de Wimbledon remporté en cinq sets contre Sampras (le seul de cette liste que je n’ai pas pu vivre directement), je ne vais pas ergoter davantage dessus. Je ne vais d’autant plus pas le faire que pour moi, le nom de George Bastl évoque bien plus que cette victoire restée sans lendemain (défaite au troisième tour contre Nalbandian en trois sets secs – tiens, ça aurait pu donner un intéressant et inédit Sampras – Nalbandian !).
George Bastl – tennisman au parcours atypique puisque joueur universitaire US jusqu’à 24 ans – c’est avant tout un énorme joueur de Coupe Davis qui a fait vibrer la Suisse entière. Hélas, comme souvent dans notre pays, l’exploit se traduit sous forme de « lose ». En 2000, Jakob Hlasek est devenu capitaine de Coupe Davis (contre l’avis des joueurs) et évince Rosset le fort en gueule de l’équipe. Bastl, alors dans le Top 100, devient immanquablement le n°2 du team suisse. Le premier tour se dispute dans une petite salle de Zurich contre l’Australie ; George, valeureux, prend un set à Hewitt le vendredi avant de réaliser un monument de cinquième match décisif contre un excellent Philippoussis, alors 16e mondial. Bastl rend l’exploit possible en jouant systématiquement service-volée et en tentant aussi souvent que possible le chip and charge. Cette stratégie lui permet d’empocher le premier set au jeu décisif. Les occasions de break sont rares, autant dire qu’il s’agit d’être solide sur son propre engagement. Hélas, un mauvais jeu de service lui coûte la seconde manche. Voilà les deux joueurs à égalité. La suite du match voit les deux joueurs poursuivre leur mano a mano d’enfer. Bastl remporte le troisième set, Philippousis le quatrième. Tout se jouera dans un cinquième bien mal emmanché par le Vaudois. Pourtant, jusqu’au dernier point, il luttera avec son coeur, avec ses tripes, envoûtant le public comme cela a rarement été le cas dans un match de tennis. Malgré des balles de débreak, Bastl doit s’incliner, sans rien avoir se reprocher ; avec, au contraire, la fierté d’avoir fait rêver tout un pays.

L’histoire ne s’arrête pas là. Car le même George Bastl a l’occasion de remettre cela une année plus tard, contre la France cette fois-ci, à Neuchâtel. Le week-end est totalement fou : le vendredi, Rosset – revenu en grâce – et Clément luttent pendant plus de six heures. Le Genevois, à bout de souffle, ne tient que par son service dans les deux derniers sets. Mais Clément offre un break au sosie géant de Koubek en commettant trois double fautes consécutives. Hélas, Rosset ne parvient pas à conclure et le Genevois d’adoption l’emporte sur le natif de Genève. Dans le second match, Escudé profite du non-match livré par Federer pour l’emporter. Ce dernier, fâché contre son capitaine Hlasek, a décidé d’avoir sa peau et n’hésite pas à balancer son match. La nuit de vendredi à samedi est longue, très longue : il s’agit de régler les problèmes relationnels pour l’intérêt de l’équipe. Le samedi matin, le président de Swisstennis annonce que Hlasek sera démis de ses fonctions à la fin de la rencontre. Federer, couché à 4h du matin, entre quelques heures plus tard sur le terrain aux côtés de Manta pour livrer un double d’anthologie contre la paire Santoro – Pioline. Les Suisses l’emportent 9-7 au cinquième set. Tout reste possible pour le dimanche, ce d’autant plus que le Bâlois, s’il laisse un set à Clément, ne doutera jamais durant la quatrième rencontre. Tout se jouera dans un cinquième match décisif que Rosset, perclus de crampes après son marathon du vendredi, ne peut jouer. George Bastl entre donc dans l’arène pour un nouveau match à couteaux tirés. L’ambiance est indescriptible. Votre serviteur le clame : il n’a jamais vu nulle part une telle ferveur, une telle passion, une telle tension. Il n’a vu aucun autre public vivre un match comme celui-ci. Et cette ambiance doit beaucoup au Vaudois, capable d’haranguer la foule de manière extraordinaire (et bien plus naturelle qu’un Monfils). Le premier set est une formalité et semble porteur d’espoirs pour le 138e ATP. Mais Escudé revient dans la partie et les sets 2 et 3 se jouent sur des petits riens. Chaque joueur en empoche un. La Suisse, par l’intermédiaire de son Vaudois, est à un set d’un improbable exploit : remonter un handicap de 0-2. Mais le frère du hockeyeur Mark Bastl connaît un coup de mou au quatrième set. Tout se jouera donc à nouveau dans un cinquième set décisif. A la fin du quatrième, Bastl est sorti aux toilettes et en a profité pour donner un grand coup de pied dans une poubelle, ce qui, dira-t-il plus tard, lui a redonné la gniaque au moment d’entrer dans le « money time » de cette rencontre à rallonge. Les deux joueurs se tiennent de très près. Le Villardou, à 6/5, se procure une balle de match. L’échange est long, très long. Une balle d’Escudé est longue, très longue… trop longue pour moi, trop longue aussi et surtout pour un spectateur – celui-là, si je l’attrape, il passera un mauvais quart d’heure – qui a le reflexe idiot de crier « out » ; Bastl, déconcentré – il avouera avoir pensé que le cri provenait du juge de ligne – joue tout de même la balle… laquelle vient mourir quelques milimètres derrière la ligne de fond adverse. Le Vaudois vient de laisser passer sa chance. Escudé remporte le jeu et les deux suivants dans la foulée. 8/6 au  cinquième ; la France accède à la demi-finale de la Coupe Davis et sa route jusqu’à la victoire finale est lancée. Pourtant, le vrai héros de la rencontre est Suisse et se prénomme George. Face au croque-mort français, c’est lui qui est parvenu à donner de la vie à la rencontre. Merci George pour ce que tu as accompli ce jour-là : l’un des moments de tennis les plus excitants que j’ai pu suivre.

7. 20h03 : Micha, le loser devenu héros

Le temps semble s’accélérer. Le début des années 2000 voit naître un autre sans-grade suisse : Michel Kratochvil. Lui aussi, comme Hlasek, comme Bastl, est Tchèque d’origine et… aurait pu devenir hockeyeur professionnel puisqu’il faisait encore partie de la sélection suisse des moins de 20 ans ! Finaliste de deux tournois asiatiques en 2001 (dont celui de Tokyo, tout de même réputé), ayant atteint le 35e rang mondial en 2002, le Bernois semblait destiné à être le vrai numéro 2 de l’équipe de Suisse. Hélas pour lui, son niveau en Coupe Davis fut le plus souvent désastreux : 12 matchs disputés, dont seulement 10 à enjeu ; bilan: 9 défaites ! Après une victoire pour du beurre en 2000, il enchaine 6 défaites consécutives dans la compétition entre 2001 et 2003, alternant non-matchs ou matchs à sa portée livrés à l’adversaire, comme ce fut le cas contre Kafelnikov en 2002 alors qu’il menait 2 sets à 1 et avait un break d’avance dans la quatrième manche.

C’est avec ce lourd passif que Micha se présente à Arnehm  en 2003 pour jouer le premier tour contre les Pays-Bas. Kratoch’ perd une nouvelle fois en cinq sets son premier match contre Sjeng Schalken (avant que, pour la petite histoire, Fed n’expédie Sluiter dans l’un des plus beaux matchs que je l’ai vu jouer). Le samedi, un inconnu Hollandais va se révéler l’arme invincible : un certain Martin Verkerk, qui atteindra la finale de Roland-Garros quelques mois plus tard et qui sert déjà la poudre. Totalement décisif durant le double, il est le patron sur le court. La Suisse est menée 2-1. Comme d’hab’, Roger remportera son deuxième simple et, comme d’hab, tout se jouera sur le cinquième match. Le supporter suisse n’a que peu d’espoirs : il connait la « lose attitude » du Bernois et il a vu jouer Verkerk la veille. Pour l’emporter, il faudrait un vrai miracle. Le premier set expédié en une vingtaine de minutes vient confirmer l’impossibilité de l’exploit: 6/1 pour le Néerlandais qui sert des parpaings en première comme en seconde balles. Finalement, tout  ce qu’on va demander à Micha, c’est d’opposer le plus de résistance possible. Ce qu’il fait de fort belle manière dans le deuxième set : sauvant des balles de break dans tous ses jeux de services (!), il arrive miraculeusement au tie-break où Verkerk est encore dominateur et fait le premier mini-break. La première grosse faute du Hollandais sur une volée facile permet au Suisse de recoller… puis d’empocher de manière inespérée le set ! 1/6 7/6, totalement à l’encontre du jeu, c’est à croire que Kratochvil a laissé sa peau de perdant au vestiaire. Ce d’autant plus que, dans un scénario pratiquement identique au set précédent, il remet cela dans le troisième, remporté 8-6 au tie-break. C’en est trop pour Verkerk qui craque complètement dans la dernière manche (6/1); on aurait flanché pour moins tant sur le plan du jeu, le futur finaliste de Roland était supérieur au point qu’il aurait dû coller trois sets secs au Bernois. Rarement un tel hold-up eut lieu en tennis ; ironie du sort, ce braquage du siècle dans la banque hollandaise, c’est un Suisse qui l’a commis ; et ce Suisse, c’est Kratochvil-la-lose ! Il envoie son équipe au deuxième tour ; celle-ci prendra sa revanche sur la France et ira même menacer l’Australie chez elle (ah, si Federer-Rosset avaient pu gagner le double… mais c’est une autre histoire).

L’année suivante, la Suisse joue (encore) contre la France et l’on a droit (encore) à un cinquième match décisif avec (encore) Kratochvil contre (encore) Escudé. Le Français l’emporte le plus logiquement du monde. C’est la dernière apparition du Bernois dans la compétition. Enchainant les blessures, il chute au classement et ne réintégrera plus jamais le Top 100. Michel Kratochvil fut une météorite dans le ciel tennistique helvétique et aura laissé dans les mémoires, aux côtés de Bastl et de Wawrinka, l’image du Suisse qui perd en Coupe Davis. Sauf en cet improbable 9 février 2003.

8. 23h01 : Un Suisse maître du monde.

2003, c’est donc l’année d’une belle épopée pour l’équipe nationale de Coupe Davis mais c’est aussi une année de consécration totale pour Roger (prononcez « Rodgeur », comme vous le feriez pour l’oncle américain que vous revoyez deux fois par décennie). Le Bâlois, qui avait manqué des belles opportunités à Wimbledon 2001 et aux Opens d’Australie 2002 et 2003 avec des tableaux ouverts et des défaites mortifiantes contre Haas et Nalbandian, profite cette fois d’un bon tableau (Lee, Koubek, Fish et Lopez, aucun dans le Top 40) jusqu’en quarts de finale. Le Suisse se rachète ainsi une crédibilité après une défaite atterrante contre Horna – en trois sets ! – au premier tour de Roland-Garros. Hélas, la veille de son quart contre Schalken, Roger se coince le dos (déjà…) et au petit matin, il hésite à déclarer forfait car il ne peut pratiquement pas plier son dos. Il se présente néanmoins sur le court, la douleur s’étant un peu réduite dans la journée et surtout… son adversaire, déjà très raide au naturel, étant également diminué par une blessure au genou. Dans ce bal des éclopés, c’est le Suisse qui tire les marrons du feu et s’impose en trois sets. Il dispose de deux jours pour se remettre d’aplomb avant une demi-finale qui s’annonce explosive contre l’autre jeune qui monte, Andy Roddick. La suite (faut-il vraiment la raconter ?) appartient à la légende. A la fin d’un premier set où les deux joueurs font jeu égal, Roddick manque une balle de set sur un coup droit pénalty au jeu décisif. Opportuniste, Federer – qui joue encore service-volée – ne se fait pas prier et remporte le set. Le reste du match est un cavalier seul où le Bâlois oppose à la puissance de l’Américain une patte qui fait mouche à tous les coups. Voilà le Suisse prêt à jouer la première finale de Grand chelem de sa carrière, là même où, cinq ans plus tôt, il avait remporté le titre junior. Face à lui, le canonier australien Mark Philippoussis. Le niveau de jeu est très élevé et Roger, une nouvelle fois après avoir remporté le premier set au jeu décisif, récite sa partition, celle qui, pendant et après le match, fera dire à McEnroe : « Federer, c’est Mozart avec une raquette à la main » et « Ce que Federer a fait en demi-finale et en finale, il faut en faire une cassette et le montrer dans toutes les écoles de tennis ». Voilà la cassette : http://www.youtube.com/watch?v=cuCsBXuiFes et http://www.youtube.com/watch?v=iEysBocPWOE.

Un Suisse triomphe en Grand Chelem. Toute la Suisse est en émoi. Gstaad lui offre une vache. Il fait la Une de tous les journaux nationaux. Et certains fans fous furieux discutent déjà : « Combien tu penses qu’il peut remporter de Grands chelems ? » ; « 15 » ; « T’es fou ? Tu vois beaucoup trop loin ! » La vie est merveilleuse.
Après une fin d’été et un automne un peu décevants (défaite au tie-break du troisième set en demi-finale de Montréal contre Roddick dans un match qui aurait pu l’introniser n°1 mondial – et lui permettre 7 ans plus tard de battre le record de semaines en n°1 mondial de Pete ; défaite en huitièmes contre sa bête noire Nalbandian à l’US Open ; défaite en demies à Madrid contre Ferrero contre qui il lutte pour la place de numéro 1 mondial en fin d’année ; défaite au deuxième tour de son tournoi de Bâle contre Ljubicic), Federer se pointe au Masters de Houston qui symbolisera clairement sa prise de pouvoir au sommet de la hiérarchie mondial. Ce tournoi, c’est l’amorce de sa domination à venir. A priori, cela ne semble pas facile pour lui : dans sa poule, il se retrouve avec trois joueurs contre qui il est déficitaire : Agassi,  Nalbandian et Ferrero. Avant le tournoi, il n’a même jamais battu les deux premiers cités. Le premier match contre Agassi est un déclic dans la carrière de Roger. Dans un match tendu, il sauve une balle de match avant de l’emporter au jeu décisif du dernier set. Le « FedExpress » est lancé : il exécute ensuite coup sur coup Nalby, Moskito et A-Rod en demi-finale ; il retrouve donc Dédé en finale. Cette fois, de match il n’y a pas. Pour la première fois, le monde écarquille les yeux devant une démonstration de la mécanique suisse. C’est du tennis champagne, dans la filière de l’Américain, surpassé en cadence. Tout rentre et Agassi ne voit pas la balle. 6/3 6/0 6/4. Même l’interruption due à la pluie ne remet pas en cause la domination du Suisse qui termine, avec cette victoire, l’année en n°2 mondial. Quelques semaines plus tard, en Australie, Roger passe à nouveau en revue un quartet de choix (Hewitt, Nalbandian, Ferrero, Safin) pour prendre la place qui est finalement la sienne depuis ce fameux Masters (c’était en tout cas l’avis de celui qui n’est déjà plus son coach, le buveur de bière Peter Lundgren) : celle de numéro 1 mondial. On connaît la suite : Federer ne lâchera plus cette place pendant 237 semaines.

9. 23h08 : Stan champion olympique.

Je passe comme chat sur braise sur la grande période de domination de Rog’ (prononcez « Rodj’ » comme vous le feriez pour un bon copain de fac’) qui est, à n’en pas douter, le plus grand exploit du tennis moderne international, parce que le lecteur est déjà fatigué par sa longue lecture, parce qu’il faudrait tripler ou quadrupler la taille dudit article et enfin parce que cela a déjà été détaillé en long, en large et en travers un peu partout sur la Toile.
Durant cette période d’un invraisemblable faste pour le tennis suisse, un autre joueur helvétique fait gentiment son trou dans l’élite : c’est un Vaudois aussi charismatique que la tortue de mon arrière-grand-mère, ayant remporté Roland-Garros chez les juniors en 2003, possédant un revers à une main de feu et répondant au doux nom de Stanislas Wawrinka. Ce dernier, après avoir stagné longtemps, sort du bois en mai 2008 lorsque, profitant des circonstances, il se retrouve en finale de Rome et fait son entrée dans le Top ten (n°9). Y restant pendant six mois environ, il profitera également de cette heureuse période pour réaliser son plus haut fait de gloire à ce jour : remporter le titre olympique de double à Pékin, aux côtés d’un Roger Federer alors dans la période la plus difficile de sa carrière : mononucléosé et dépassé par Djokovic en Australie, écartelé à Roland-Garros, vaincu à Wimbledon et détrôné au classement, le tout par le même Nadal, « RF » connaît un été désastreux (défaites contre Simon et Karlovic !).

Le duo helvétique se pointe donc aux Jeux de Pékin avec un état d’esprit différent. Federer tient absolument à remporter une médaille d’or olympique après une échec frustrant dans la petite finale en 2000 et un échec surprenant en 2004. Il a d’ailleurs clairement annoncé qu’il avait deux opportunités d’y parvenir : le simple et le double. Pour se laisser un maximum de chances dans cette compétition, Roger a longtemps hésité à faire équipe avec son très bon copain Yves Allegro. Finalement, dans un éclair de sagesse, il a estimé que Stan lui offrait plus de garanties. Wawrinka, quant à lui, espère surtout jouer son tennis et, pourquoi pas, créer un exploit. Celui-ci n’a pas lieu en simple, avec une élimination sans gloire contre Melzer au deuxième tour.
Federer subit à son tour une défaite amère, contre Blake cette fois-ci, en quarts de finale. Quelques heures plus tard, le champion suisse doit revenir sur le court pour jouer les quarts de finale du double qui peut servir de lot de consolation. Après deux tours de chauffe contre les Italiens et les Russes, la paire helvétique se retrouve cette fois confrontée aux Indiens Bhupathi – Paes, lesquels sont de grands spécialistes du double mais sont minés par des difficultés relationnelles. Cette dissension est redhibitoire face à un duo qui a fait l’union sacrée : Wawrinka a tout entrepris pour remonter à bloc son pote Federer et est très bon. Il permet à Roger d’espérer pouvoir encore glâner l’or olympique : 6/4 6/2.

L’heure de vérité, c’est cette demi-finale contre l’incontestable paire numéro 1 mondiale de double composée des jumeaux américains Bob et Mike Bryan. Stan est en feu, ses passings sont perforants et le gain de la première manche 8-6 au tie-break le transcende un peu plus. C’est lui le patron sur le court dans la deuxième manche, bouclée 6/4. Les deux Suisses font la fête sur le court dans une gestuelle restée dans les mémoires : http://www.youtube.com/watch?v=D5LdAM8d5aE&feature=related. La facilité avec laquelle la victoire est acquise ne rend pas vraiment la dimension de l’exploit accompli. Il fallait se remobiliser, ils l’ont fait. Il fallait trouver ses marques ensemble, ils l’ont fait. Il fallait prendre le dessus sur deux des meilleures paires au monde, ils l’ont fait. Cette fois, ça y est : après deux tentatives infructueuses, Federer obtient bel et bien une médaille olympique. Il ne reste plus qu’à en connaître le métal, qui se jouera face au duo suédois Aspelin – Johansson, eux-mêmes tombeurs des Français Llodra – Clément au terme d’un match fou, terminé 19-17 dans la troisième manche.
En finale, Roger est bon, Stan est excellent. Le gain des deux premiers sets est donc logique. Toutefois, le tension monte d’un cran dans le tie-break du troisième set qui se déroule en même temps que la finale du 100m. Les Suédois reviennent à 2 sets à 1. Mais les Suisses sont intraitables dans le quatrième acte et Federer ne tient pas à lâcher son os, si près de l’un des objectifs qui lui tient le plus à coeur. La dernière manche est conclue 6/3. Wawrinka et Federer sont champions olympiques ! Et à voir les larmes de Roger pendant la cérémonie (l’image des Jeux selon Jacques Rogge lui-même : http://www.youtube.com/watch?v=3ZD5uNu1zx4&feature=related), ce titre semble effectivement valoir autant qu’une victoire en simple. Aux Jeux Olympiques, il n’existe plus de hiérarchie entre les disciplines ; toutes se retrouvent sur un pied d’égalité. Cette médaille, elle vaut de l’or !  Wawrinka et Federer, comme Rosset 16 ans plus tôt, seront champions olympiques à vie.

10. 23h59 : la rédemption.

Ce titre olympique a relancé la machine Federer qui enchaine avec son treizième Grand chelem à l’US Open. Mais après une nouvelle défaite contre Nadal en Australie, Federer connaît une nouvelle période trouble, dont on a déjà abondamment parlé. Puis survient l’inattendu, l’impensable même. Nadal est au bout du rouleau et Federer en profite : les astres sont alignés et Roger signe un doublé Roland-Garros – Wimbledon qui lui permet de glaner ses 14e et 15e sacres en Majeurs, battant du même coup le record de Pete Sampras. Après des mois de galère, c’est la rédemption pour celui qui est désormais unanimement reconnu comme le GOAT. Épisode connu parmi tous, il me parait parfaitement inutile de m’y attarder davantage.

00h00 : bilan.

La Suisse, en 20 ans, a eu une trajectoire ascendante, voire assymptotique. Après une première qualification pour un Masters, elle a connu un titre olympique et une finale de Coupe Davis. Ensuite, un joueur s’est qualifié pour une demi-finale de Grand chelem et un autre a réussi à en remporter un avant de seizetupler la mise et à devenir le numéro 1 mondial, avant de goatiser son talent.
Au bilan de ces 22 dernières années, la Suisse a donc connu quatre joueurs Top 10, neuf qualifications pour le Masters, deux titres olympiques, une finale et une demi-finale de Coupe Davis et… 16 Grands chelems engrangés par un numéro 1 mondial resté sur le trône 285 semaines – ce qui fait d’elle la… deuxième nation (après les USA) la plus représentée de l’histoire au sommet de la hiérarchie mondiale. Evidemment, la présence d’un joueur d’exception comme Federer fausse totalement les statistiques.

Toutefois, il faut noter que parmi les joueurs suisses cités dans ce texte, Roger est le seul vrai « produit » pur souche du Centre national suisse de tennis. Malgré tout, même sans lui, les performances moyennes des Suisses en tennis seraient au-dessus de la moyenne pour un pays ne comportant que 7,7 millions d’habitants : depuis 22 ans, la Suisse a toujours été présente au plus haut niveau.
Ce constat appelle malheureusement une inquiétude : la relève helvétique semble inexistante. Federer fêtera ses 29 ans et entame la dernière partie de sa carrière, Stan a déjà 25 ans et les viennent-ensuite sont plus âgés (Chiudinelli, Bohli, Lammer). Certains espoirs (Valent, vainqueur de Wimbledon chez les juniors ; Bohli, vainqueur de l’Orange Bowl) ont déçu. Actuellement le joueur helvétique de moins de 20 ans le mieux classé (Sandro Ehrat) est 818e mondial. Le joueur le mieux classé chez les juniors (Dimitri Bretting), il faut aller le chercher au 113e rang du classement ITF. La Suisse semble ainsi condamnée à vivre une vraie période de vaches maigres lorsque Rog’ et Stan prendront leur retraite.
Les enfants ayant rêvé pendant « l’ère Federer » sont actuellement en train de sortir de l’adolescence. Le Bâlois est-il parvenu à créer une émulation chez cette tranche d’âge-là ? Y aura-t-il un effet Federer ? Si c’est le cas, un nouveau jour se lèvera alors pour le tennis suisse…

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158 Responses to Swissmade : le tennis suisse en dix exploits (2/2)

  1. Guillaume 22 juillet 2010 at 17:57

    Oh put… Pour revenir à l’article, je viens de voir que Georges Bastl, 35 ans tout de même, était engagé cette semaine au Challenger de Recanati… où il a perdu au premier tour contre son compatriote Stéphane Bohli, dont il n’a jamais été question dans ce très complet Swissmade, c’est dire son importance dans le paysage tennistique helvète.

    • Colin 22 juillet 2010 at 18:11

      Tut tut tut, tu as mal lu, il y a bien une allusion à Bohli dans l’article (dernier paragraphe du n°2).
      Une ENCYCLOPEDIE (en deux volumes) que cette bilogie! (oups pardon Christian, ce diptyque)

      • Ulysse 22 juillet 2010 at 18:33

        Tu te fatiques pour rien. Il suffit de dire « trilogie en deux volumes » et ça roule.
        Je sais, j’aurais même jamais dû rentrer.

        • karim 22 juillet 2010 at 19:41

          non non moi j’ai adoré. Mais en même temps je ris à tout aujourd’hui, mes chiffres annuels sont très bons et mon évaluation devrait passer comme une lettre à la poste.

      • Colin 22 juillet 2010 at 19:01

        Ouais, va plutôt mettre à jour l’Odyssée!

        • karim 22 juillet 2010 at 19:42

          décidément tout me fait rire, j’ai quoi moi?

          ourf ourf ourf

        • MarieJo 22 juillet 2010 at 21:34

          t’inquiète pas pour l’odyssée… on a une mise à jour dans les cartons :) tu vois même Ulysse n’est plus indispensable ! il doit être vachement content d’avoir des vacances celui là !

  2. Robin des bois 22 juillet 2010 at 19:00

    mdr, y a personne qui suit hambourg, ici ?
    c’est la déprime ou quoi chez les amoureux du beau jeu ?

    • karim 22 juillet 2010 at 19:43

      Robin des Bois fais attention que Jean ne traîne pas sur le site, d’ici-là qu’il te fasse goûter de sa Prince… Jean… Bon ben c’était moi, ciao!

      • Le concombre masqué 23 juillet 2010 at 10:09

        HAHA Remember: Merci bakou laser by jean.
        J’en ris à nouveau.
        Jean semble réellement être la source d’inspiration de tes meilleurs calembours ami Karim….

        • karim 23 juillet 2010 at 11:57

          Jean passe est des meilleurs.

  3. Alexis 22 juillet 2010 at 22:54

    Excellente paire d’articles que voilà, suis impressionné par le temps que tu as dû mettre à rassembler et mettre en forme toutes ces infos. J’ai beaucoup appris sur un domaine auquel je ne connaissais vraiment pas grand chose.Et moi aussi j’ai douté sur le vrai-faux Rosset du blog…

  4. Kristian 23 juillet 2010 at 08:09

    Ben moi ca m’attriste de voire ces grands tournois sur terre battue joues en Allemagne (je parle d’Hambourg et Stuttgart) devenus aujourd’hui totalement secondaires.
    Quand on pense qu’Hambourg etait un des fiefs de Roger Federer sur lequel il a meme battu Nadal, et qu’aujourd’hui il n’y a aucun top10 en quart de finale. Quant a Stuttgart qui dans les annees 80, 90 et debut 2000 a couronne une qinzaine de fois des vainqueurs de Grand Chelem, je ne me souviens meme plus de qui a gagne.. cette annee. Tout fout le camps..

    • Robin des bois 23 juillet 2010 at 09:08

      Hambourg donne encore de beaux matches, mais les top-players vont pas jouer la TB après le gazon pour préparer l’USO
      Enfin y a quand même 500 points ATP à la clé, ça se prend

    • karim 23 juillet 2010 at 09:34

      Moi je suis tombé sur Monfils vs je ne sais plus qui sur la finale dimanche dernier, il y avait moins de monde dans les gradins que pour le M1000 de Shanghai l’an dernier (c’était un M1000 non?).

      • Robin des bois 23 juillet 2010 at 09:56

        ah non, la finale perdue par monfils contre montanes, c’est un atp250.
        A la rigueur, le grand frère de Mina peut viser une wild-card dans un atp500 comme tokyo, mais les M1000 et les GC, c’est pas trop son truc

      • karim 23 juillet 2010 at 11:58

        Non non je sais bien que c’était un petit tournoi, quand je parle de M1000 c’est le Shanghai justement. Monfils c’était chez les teutons.

    • Le concombre masqué 23 juillet 2010 at 09:54

      A Hambourg, après l’élimination du goat de canape-man par golubev (!) et la défaite d’almagro face à Istomin, Ferrero a un coup à jouer. m’enfin il ne fait plus grand chose depuis s atournée sud americaine de folie…
      Peut-être sera-ce le tournoi-déclic de Bellucci, qui sécurise tranquillement sa place dans le top 20 et fait preuve d’une très bonne régularité cette annnée…avant d’enchaîner 4 tournois d’affilée comme DElPO et de taper Nadal sur TB next year?

      Kristian, je me suis donné là, pour faire comme si on s’y intéressait à Halbourg, j’espère que ça t’as plus, j’ai peur d’en avoir trop fzit en même temps, ça s’est vu…?

      • Nath 23 juillet 2010 at 10:10

        Mais non, puisque tu as oublié Melzer… qui est le mieux classé parmi les quart-finalistes !

        • karim 23 juillet 2010 at 12:00

          Melzer, joueur effervescent. j’arrive pas à penser à autre chose quand je lis son nom.

          • Fart-Burna 23 juillet 2010 at 13:08

            AH, le cas Melzer…

            Pschitt…

    • Robin des bois 23 juillet 2010 at 09:57

      Perso je crois assez en Bellucci

    • Nath 23 juillet 2010 at 10:50

      J’avais commencé une réponse un peu détaillée et j’ai confondu « Ctrl Z » avec « Ctrl W » :cry:

      Bref ton intervention m’a fait penser à cet article de MarieJo : http://www.15-lovetennis.com/?p=2959
      Ces tournois ne sont pas inscrits dans la continuité de la saison, et n’attirent du coup pas les tout meilleurs puisque pas assez rentables (250 + 500 points…) et ne préparent à rien.

      Je regarde quand même quelques matches, vu qu’après c’est une longue période que sur dur. D’ailleurs j’ai l’imression que la TB de Hambourg prend très très bien les amorties, la balle ne rebondit quasiment pas. Kohl a l’air du même avis, puisque sur le seul point que j’ai vu de son match contre Bellucci, il en a tenté une, lamentablement échouée dans le filet alors qu’il était très bien placé. Du coup j’ai lâché le match et fait autre chose. Je me demande quand même ce qui arrive à ce joueur :|

      • Kristian 23 juillet 2010 at 11:12

        Ah, mais la terre battue d’Hambourg est tres particuliere. Le rebond y est repute plus bas, et c’est une des raisons pour laquelle Nadal s’y sentait moins a l’aise car son lift prenait moins. Et encore, quand le tournois se jouait au mois de mai, les conditions etait plus froides et plus humides, et le rebond encore plus bas. Agassi disait que pour bien jouer a Hambourg, il fallait s’entrainer dans un refregirateur.
        Et c’est certainement le plus beau stade a toit retractable au monde. Enfin bon, tout cela n’interesse plus personne..

        • Coach Kevinovitch 23 juillet 2010 at 17:32

          Effectivement, le Rothenbaum d’Hambourg est une très belle arène de tennis, plus belle que la Boite pas magique grise et carrée façon est-allemande de Madrid.

  5. MONTAGNE 23 juillet 2010 at 11:13

    J’ai vu Hlasek se faire battre par Mac Enroe en finale du tournoi de Lyon (en 89 je crois) après un match qu’il n’aurait jamais dû perdre. Ce jour là, à Gerland, moi le toquard de quatrième série, l’inconditionnel du grand Mac (THE GOAT), j’ai vu ce qui me semblait impossible : un joueur qui avait une plus belle volée que mon idole !!
    Si mes souvenirs sont bons, juste après la finale, ils ont joué (et perdu) ensemble la finale du double.

  6. Fart-Burna 23 juillet 2010 at 13:15

    La Suisse pour les souvenirs que j’en ai en tennis c’était surtout les rencontres de Coupe Davis du début du siècle.

    Un peu avant, j’ai de vagues souvenirs de Marc Rosset, surtout pour ses déclarations plus que pour ses matchs. Un personnage sympathique. J’ai le souvenir d’une anecdote le concernant, il devait prendre un avion pour rentrer en Suisse après l’US Open de je ne sais plus quelle année mais il avait décalé son retour au dernier moment. Et l’avion s’était crashé.

    En tout cas merci Elmar pour la découverte de certains joueurs qui bien souvent n’étaient que des noms dans un tableau pour ma part.

    • karim 23 juillet 2010 at 16:20

      L’avion qui s’est crashé je pense que c’était Derrick Rostagno à qui c’était arrivé; ou en tout cas ça lui est arrivé aussi. L’année où il a balle de match contre Boris à Flushing, mais perd la rencontre et Boris remporte le tournoi au finish deux semaines plus tard.

      • Le concombre masqué 23 juillet 2010 at 16:48

        Alors? Battu? :)

    • Elmar 23 juillet 2010 at 19:08

      Je confirme pour Rosset, en 96. Le vol SR 112, sauf erreur, crashé à Halifax.

      • Elmar 23 juillet 2010 at 19:08

        ou 97.

  7. Robin des bois 23 juillet 2010 at 22:29

    Question suisse : comment mirka prononce « roger » ?
    « rodger » comme les journalistes ?
    ou « rogé » comme les français des années 50 ?

    • Elmar 23 juillet 2010 at 22:49

      Mirka prononce Rodgeur, qui est la manière dont il faut prononcer son prénom, puisque c’est ainsi que Linette, sa maman, a voulu l’appeler.

      Mais à ses débuts, les journalistes romands, ignorants, prononçaient Rogé.

    • Robin des bois 23 juillet 2010 at 23:09

      merci elmar, et donc roger n’est pas romand, alors ?
      c’est compliqué, les langues et cantons de la suisse…

    • Elmar 8 août 2010 at 20:22

      Désolé Robin, j’avais pas vu ta question et je suis pas sûr que tu puisses voir ma réponse…

      Roger vient de Bâle, ville et canton alémanique. Sa langue maternelle est l’allemand. Il est donc suisse-allemand.

      Pas si compliqué que ça: soit tu viens de Genève, de Vaud, du Valais, de Fribourg, de Neuchâtel ou du Jura et tu es Romand, soit tu viens du Tessin et tu es Suisse-italien; soit tu viens de n’importe quel autre canton et tu es Suisse-Allemand.

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