Ayant vu sur le site d’Eurosport un classement des finales de l’US Open, de la plus oubliable à la plus belle, je me suis lancé dans un exercice analogue sur les finales de Roland Garros. Je ne suis pas trop un adepte des listes et des classements, mais c’est l’occasion de replonger dans quelques-unes des vieilleries qui me sont si chères. Je revendique la totale subjectivité de ce classement. Et je précise m’être arrêté à 1974, ce qui totalise 45 finales. Vous allez me dire d’emblée « mais pourquoi le classement commence à 44 alors ? ». Lisez jusqu’au bout, vous verrez bien.
44. 1977 : Vilas bat Gottfried 6/0 6/3 6/0
La cuvée de 1977 est d’emblée illégitime : le roi Borg est absent pour cause d’Intervilles. Et c’est sa victime préférée, Guillermo Vilas, qui rafle la mise. Aux dires des joueurs de l’époque, peu d’entre eux étaient capables de faire la différence lorsqu’ils affrontaient le Suédois ou l’Argentin, tant leurs jeux étaient similaires. Ce n’est que l’un face à l’autre qu’ils étalaient le fossé qui les séparait. En l’absence du Roi, le Dauphin l’emporte logiquement, étrillant ses adversaires l’un après l’autre. Son seul opposant virtuel, Nastase, s’incline sans gloire face à Brian Gottfried, qui atteint là sa seule finale en Grand Chelem. Le jeu offensif de l’Américain se fracasse devant la puissance et les passings de Vilas, qui ouvre enfin son compteur en Grand Chelem. Trois jeux marqués. Une véritable purge.
43. 1986 : Lendl bat Pernfors (6/3 6/2 6/4)
Le tenant du titre Mats Wilander tombe très tôt cette année-là, laissant Ivan Lendl sans véritable rival. Le seul véritable obstacle sur la route du Tchécoslovaque est Andrès Gomez, qui lui prend un set en quarts de finale. En demi-finale, le n°1 mondial n’éprouve même pas le besoin de retirer son pantalon de survêtement face à Johann Kriek. Quant à la finale, son unique intérêt est de proposer un invité-surprise, en la personne du Suédois Mickael Pernfors, le héros du tournoi, vainqueur d’un Becker peu à l’aise sur ocre et d’un Leconte trop porté sur le courant alternatif. L’issue de la rencontre ne fait aucun doute : le Suédois n’a aucune, vraiment aucune arme pour gêner Ivan. Sans ciller, sans émotion, sans hésitation, Lendl récupère son titre perdu l’année précédente.
42. 1980 : Borg bat Gerulaitis (6/4 6/1 6/2)
La plus oubliable des finales de Borg. Ses deux véritables rivaux, McEnroe et Connors, tombent tous les deux prématurément, laissant le public parisien une fois de plus orphelin de leurs duels électriques. Le seul intérêt de cette cuvée 1980 est la chevauchée du bel attaquant Vitas Gerulaitis, qui atteint la finale. Il ne résiste (un peu) que le temps d’un premier set relativement serré. Le Suédois règle ensuite ses retours et ses passings, l’Américain ne peut rien faire. Avec 38 jeux perdus sur l’ensemble de la quinzaine, Björn Borg établit un record. Il est seul au monde sur l’ocre parisien.
41. 2008 : Nadal bat Federer (6/1 6/3 6/0)
La catastrophe tant redoutée des fans de Federer… et sans doute Roger lui-même l’a dans un coin de la tête quand il rentre sur le court ce jour-là. Après ses trois échecs des années précédentes face à Nadal, ceux qui croient sincèrement en ses chances de l’emporter enfin à Paris face à son rival espagnol pourraient tous rentrer dans une cabine téléphonique. Et la quinzaine du Suisse, laborieuse et hésitante, rend presque miraculeuse sa présence en finale. Beaucoup sentent venir la boucherie en finale, au point de regretter que Gaël Monfils ait laissé passer autant d’occasions lors de sa demi-finale contre Roger. Incapable de tenir l’échange en revers, Roger ne semble avoir aucun jeu de rechange à proposer à Rafa, et reçoit une bien vilaine correction, l’une des tâches noires les plus visibles dans son palmarès.
40. 2003 : Ferrero bat Verkerk (6/1 6/3 6/2)
Une vraie déception que cette finale. Car, pour improbable qu’elle soit, l’épopée parisienne de Martin Verkerk en 2003 n’est pas usurpée. Vainqueur de deux grands favoris du tournoi (Moya et Coria), le Hollandais a réussi un parcours aussi exceptionnel que sa fin sera brutale. En finale, il n’a plus les jambes, et surtout il est écrasé psychologiquement par l’énormité de son parcours et par la perspective d’en jouer, quoi qu’il arrive, le dernier match. Personne n’était assez fou pour le donner favori face à Juan Carlos Ferrero, mais on attendait un peu plus que six jeux marqués. Il faut dire que « Mosquito », échaudé par son échec cuisant de l’année précédente, ne lâche absolument rien, et pratique le jeu sûr, complet et puissant qui le porte, pour la quatrième fois consécutive, dans le dernier carré. Mais tant de balles du Hollandais, qui mordaient la ligne en demi-finale contre Coria, sortent cette fois d’un rien…
39. 1978 : Borg bat Vilas (6/1 6/1 6/3)
Une finale idéale, mais qui montrera les limites de l’opposition entre Borg et Vilas. Leurs jeux jumeaux ne proposent pas l’opposition de styles qui caractérise les duels Borg-Connors. Mais ce jour-là, ils ont un compte à régler. L’année précédente, Guillermo Vilas l’avait emporté en l’absence du Roi Borg, et son triomphe était entaché d’une certaine illégitimité. Bref, chacun attend de voir si Vilas est véritablement au niveau de Borg. Ce ne sera pas le cas : dans un duel de longs échanges liftés du fond du court, le Suédois rappelle à tout le monde qui est le maître et qui est l’élève à ce jeu-là. L’Argentin ne marque que cinq jeux, et c’est bien là la seule consolation pour le public : ce duel fermé et quelque peu soporifique aura eu au moins le bon goût de ne pas se prolonger.
38. 1992 : Courier bat Korda (7/5 6/2 6/1)
Une finale dans la lignée du tournoi de Jim Courier : un cavalier seul. L’Américain est intouchable et impressionnant. Il est le tenant du titre, le n°1 mondial et le favori naturel suite à sa victoire à Rome. Tout est de nature à accentuer la pression sur ses épaules. Mais elles sont solides. Un seul set perdu, face à Ivanisevic en quarts, et une correction infligée à Agassi en demis. En finale, Petr Korda manque trop d’expérience à ce niveau pour rivaliser. Il fait illusion pendant le premier set, avant de plier sous la cadence imposée par son adversaire. En ce printemps 1992, Jim Courier tient les rênes de la planète tennis d’une main de fer, et sur terre battue, personne n’est en mesure de rivaliser.
37. 1988 : Wilander bat Leconte (7/5 6/2 6/1)
Même score que la finale de 1992, et tout aussi oubliable. Leconte est aussi décevant en finale qu’il a été éblouissant durant la quinzaine. La pression est trop forte, et passé un premier set serré il baisse sa garde. En face, Mats Wilander est au sommet de sa carrière, sa patience et son incroyable solidité mentale vont le porter à la place de n°1 mondial quelques mois plus tard. Le public français se faisait une joie de voir un des siens le dernier dimanche, cinq ans après Noah. Mais là où Yannick a puisé dans le public un supplément d’énergie, Henri sent le regard du public peser sur lui, et se liquéfie. Ce qui est passé à la postérité n’est pas le match en lui-même, mais le discours d’Henri qui a suivi, et qui lui vaudra les foudres du public français pendant trois ans. Henri Leconte aurait pu se contenter de perdre nettement cette finale, il y a ajouté une touche personnelle de ridicule et d’humour involontaire. Pour cette seule raison, la finale 1988 finira devant celle de 1992. Merci Henri, et encore bravo.
36. 2002 : Costa bat Ferrero (6/1 6/0 4/6 6/3)
Cette année-là, le titre semble promis à Juan Carlos Ferrero. Débarrassé de Kuerten – son bourreau en demi-finale des deux éditions précédentes – il impose son tennis complet, alignant à la suite Agassi et Safin. Seul un Argentin inconnu, Gaston Gaudio, le pousse au cinq sets. Sa liquéfaction totale durant les deux premiers sets est d’autant plus surprenante. En face, pour Albert Costa, habitué aux seconds rôles jusqu’ici, les étoiles connaissent un alignement unique. Vainqueur de Kuerten (ou plutôt de son cadavre), puis de Corretja (son futur témoin de mariage, qui ne saurait lui brûler la politesse) en demi-finale, Albert joue le tennis de sa vie et accepte les cadeaux de Juanqui sans sourciller. Et après un moment de réveil relatif de Ferrero au troisième set, ce dernier retombe dans ses errements et laisse son compatriote filer vers une victoire sans grande émotion.
35. 2013 : Nadal bat Ferrer (6/3 6/2 6/3)
Les aléas du classement ATP font de Rafael Nadal le n°3 mondial à l’ouverture de la quinzaine parisienne. Et ce qui risquait d’arriver ne manque pas d’arriver : sa demi-finale contre Novak Djokovic est bien la finale avant la lettre. Dans l’autre partie de tableau, David Ferrer, alias le Pou, trace sa route vers une finale que sa présence régulière dans le top 5 lui permettait d’espérer un jour ou l’autre. Sauf que la réalité du terrain est implacable. En face, un Rafa solide comme un roc remet toujours la balle dans le court une fois de plus que lui et fait parler sa puissance. Une finale dépourvue de suspense, à sens unique, au cours de laquelle David n’aura pas démérité, mais Rafa est tout simplement le plus fort. L’ordre règne à Roland Garros.
34. 1975 : Borg bat Vilas (6/2 6/3 6/4)
A 19 ans tout juste, Björn Borg est déjà le tenant du titre. Il prend en demi-finale une belle revanche en quatre sets sur l’Italien Adriano Panatta, qui l’avait battu en 1973. En finale se dresse Guillermo Vilas. Eclosion logique pour l’Argentin, qui a remporté le Masters quelques mois plus tôt, et qui confirme ici sa montée en puissance. Vilas a juste un problème : Borg a le même jeu que lui, mais fait tout mieux que lui. Lors d’une finale parfaitement maîtrisée, le Suédois prend un ascendant psychologique sur son rival. Alors que les deux potes ont poussé l’amitié jusqu’à s’échauffer ensemble le matin de cette finale, Vilas va prendre ensuite ses distances avec Borg afin de s’affranchir de tout affect. Ce qui ne changera pas grand-chose : l’Argentin restera la victime préférée de Borg.
33. 1990 : Gomez bat Agassi (6/3 2/6 6/4 6/4)
Andrés Gomez a rarement aussi bien joué qu’en ce printemps 1990. A 30 ans, il sait qu’il est proche de la fin. Et l’absence de Lendl cette année-là, annoncée longtemps à l’avance – Ivan zappe le French pour mieux préparer Wimbledon, le grand titre qui manque à son palmarès – change psychologiquement la donne pour l’Equatorien ; Ivan a été son bourreau à quatre reprises Porte d’Auteuil. L’opportunité est unique pour lui. Il profite d’un tableau dégagé, et cueille en demi-finale un Thomas Muster encore un peu tendre à 22 ans. En finale, André Agassi dispute sa première finale majeure ; si l’on en croit son autobiographie, il aura « joué pour ne pas perdre », et surtout aura été davantage préoccupé par sa perruque qui menaçait de tomber que par ce premier rendez-vous majeur. C’est un kid de Las Vegas bien éteint qui s’incline sans gloire, pour une finale qui n’est pas restée dans les mémoires.
32. 1998 : Moya bat Corretja (6/3 7/5 6/3)
Une des meilleures démonstrations de l’importance du mental en tennis. En ces dernières années du siècle, l’Espagne a la mainmise sur la terre battue parisienne. Et avec Moya et Corretja, le tennis ibère place en finale ses deux meilleurs espoirs pour prendre la succession de Bruguera (couronné cinq ans plus tôt). Mais Alex Corretja a un handicap : il n’aime pas jouer un ami, et Carlos en est un proche. Il ne faut pas aller chercher plus loin les errements psychologiques d’Alex, qui traîne sa peine pendant tout le match. Autre facteur, le vent, très présent ce jour-là, qui va aider l’un et perturber l’autre. Là où Carlos se mure dans sa concentration, Alex papillonne, alors que les conditions étaient censées avantager le meilleur jeu de jambes, celui de Corretja. Une finale qui s’est jouée avant même l’entrée sur le court.
31. 2018 : Nadal bat Thiem (6/4 6/3 6/2)
Pour Dominik Thiem, c’est une première finale majeure, qui confirme sa montée en puissance après ses demi-finales de 2016 et 2017. Doté d’une force de frappe impressionnante, il a pour lui une victoire sur Nadal à Rome en 2017 et une autre, plus récente, à Madrid en 2018. Bref, il est ce que la planète tennis peut offrir de mieux comme (pseudo-)opposition au Taureau de Manacor sur terre battue. En face, Rafa a connu une quinzaine un peu agitée, avec un set perdu et deux autres joueurs qui l’ont poussé au tie-break ; il n’est pas aussi stratosphérique qu’un an plus tôt. Ce qui ne change pas grand-chose au résultat. Sans passer à côté, Thiem mesure le gouffre qui le sépare du Monarque absolu de la terre battue, pratiquement imbattable sur ocre au meilleur des cinq sets, encore plus sur ce court Philippe Chatrier qu’il a annexé voici déjà 13 ans… Sans jouer son meilleur tennis, Nadal fait parler son réalisme et sa prééminence physique. Pour le battre à Roland, il ne suffit pas de frapper plus fort que lui.
30. 1997 : Kuerten bat Bruguera (6/3 6/4 6/2)
L’acte de naissance de Guga à Roland Garros. Et l’épilogue d’une quinzaine totalement folle pour le jeune Brésilien, au cours de laquelle il a déjà vaincu sur le fil Muster, Medvedev et Kafelnikov. Un parcours royal, et totalement improbable pour un 66ème joueur mondial, qui n’a jamais remporté le moindre titre sur le circuit principal. Ce n’est pas Sergi Bruguera, ancien double vainqueur, qui va l’arrêter. Aussi puissant que Medvedev, aussi complet que Kafelnikov, Guga est également aussi patient dans l’échange que Bruguera. Porté par une vague de confiance gigantesque et par un public qui le pousse à l’unisson, Gustavo Kuerten réussit ce jour-là le match parfait. Toutes les variations de son jeu posent un problème insoluble au si conservateur Bruguera, contraint à jouer contre sa nature en attaquant. Et lors du seul moment d’incertitude du match – la fin du deuxième set – c’est Guga qui déploie un mental de seigneur et Bruguera qui se met à rater. Sergi s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment.
29. 2014 : Nadal bat Djokovic (3/6 7/5 6/2 6/4)
Une déception relative que ce Nadal-Djokovic, le sixième du nom à Roland Garros, et qui débouche toujours sur le même résultat. Et toujours le même constat d’échec pour le Serbe, qui ne parvient pas à tenir la distance physique face à ce diable d’Espagnol qui file vers sa neuvième couronne Porte d’Auteuil. Rafa est pourtant bien nerveux en début de match, il a bien en tête que Nole est le seul à l’avoir régulièrement battu sur terre battue ces dernières années. Mais à Paris, au meilleur des cinq sets, Novak n’y arrive toujours pas ; il vomit même lors d’un changement de côté. Conclusion implacable et habituelle d’une quinzaine globalement assez terne : plus que jamais, la dictature Nadal ronronne à Roland Garros. Rien à signaler.
28. 1982 : Wilander bat Vilas (1/6 7/6 6/0 6/4)
Les amateurs de défense et de lift seront comblés par cette finale, un modèle du genre, voire un exercice de style. Borg en retraite, Vilas a tout pour reprendre les rênes sur la terre battue parisienne. Mais l’Argentin sous-estime le nombre de téléviseurs en Suède : les exploits de Björn ont suscité des vocations. En bon clone borguien, Mats fait parler sa fraîcheur, sa jeunesse (il n’a pas encore 18 ans) et un mental déjà à toute épreuve. A l’issue d’un hypnotique deuxième set long d’1h40, c’est Vilas, à la surprise générale, qui craque physiquement. Cette finale, au cours de laquelle toute initiative dans l’échange est proscrite, reste à ce jour la plus longue de toutes, avec 4h42 au compteur. Les amateurs d’opposition de styles, eux, passeront leur chemin…
27. 1994 : Bruguera bat Berasategui (6/3 7/5 2/6 6/1)
Première finale 100% espagnole de l’histoire. Et un Bruguera, favori et tenant du titre, qui impose le réalisme de son jeu à la fougue adverse. Le parcours de Berasategui cette année-là retient l’attention ; le Basque a la particularité de frapper coup droit et revers avec la même face de la raquette, technique unique au plus haut niveau – et qui le restera. Il ne frappe en fait presque que des coups droits, souvent définitifs depuis le milieu du court, prise ultra-fermée, à la manière d’un pongiste. Sergi Bruguera, au sommet de sa carrière, mobilisera toute sa concentration et sa longueur de balle, pour le forcer à reculer. Alberto ne rate pas sa finale, mais il manque de jeu de rechange pour rivaliser. Avec ce jeu particulièrement exigeant sur le plan physique, Berasategui se blessera à de nombreuses reprises par la suite, et ne retrouvera jamais un tel niveau.
26. 2017 : Nadal bat Wawrinka (6/2 6/3 6/1)
Le choix de positionner cette finale en milieu de peloton malgré son déroulement à sens unique est strictement personnel. Je n’avais jamais vu un truc pareil, y compris venant de Nadal. Stan envoyait trois, voire quatre obus d’affilée, qui auraient été gagnants contre n’importe quel adversaire. Là, non seulement toutes les balles revenaient, mais chacune revenait plus longue et plus difficile que la précédente. Marquer 6 jeux, dans ce contexte, est un exploit. Le meilleur Nadal de tous les temps. Le travail colossal de diversification de son jeu a trouvé son point d’aboutissement ce jour-là, toutes les nuances du lift, de l’amortie, de la contre-attaque y sont passées. Tout simplement injouable. Aux champions des années 2040-2050 qui se demanderont dans quelle mesure Nadal est en mesure de rivaliser avec eux, on conseillera sa finale de 2017, sa meilleure représentation à ce jour.
25. 2009 : Federer bat Söderling (6/1 7/6 6/4)
Jamais une victoire n’aura été aussi attendue par le public français, qui a eu cinq longues années pour (dés)espérer qu’elle arrive un jour. L’événement écrase le déroulement de la finale, qui en elle-même ne sera pas fantastique. Robin Söderling a provoqué le séisme ultime du tennis moderne, en terrassant Nadal, le quadruple tenant du titre. La fenêtre est unique pour Roger, qui à l’issue d’une quinzaine plus que chaotique réserve le meilleur pour la fin. Face à un Suédois tendu et qui tarde à rentrer dans le match, Roger prend le large très vite, puis ponctue le tie-break du deuxième set de quatre aces sur ses quatre points de service ; un break lui suffira dans le troisième set. L’émotion est palpable dans le dernier jeu, et les larmes commencent à couler à l’issue d’un dernier service gagnant. La boucle est bouclée pour le Suisse, qui au passage égale le record de 14 titres en Grand Chelem de Pete Sampras.
24. 2012 : Nadal bat Djokovic (6/4 6/3 2/6 7/5)
La quatrième finale d’affilée en Grand Chelem entre Nole et Rafa est aussi la première occasion pour le Serbe de boucler un premier Djoko Slam. Rarement une finale entre les deux hommes aura rassemblé autant d’enjeux, puisque de son côté, le Majorcain a l’occasion de mettre Borg dans ses rétroviseurs en s’offrant une septième Coupe des Mousquetaires. La déception est d’autant plus grande devant la qualité du match. Sauf que les deux champions n’y sont pour rien, c’est une pluie persistante qui va démolir leurs assauts. Interrompue une première fois lors du deuxième set, la rencontre sera ponctuée par les demandes successives des deux joueurs de l’interrompre à nouveau, voire de la reporter au lendemain, au détriment de leur concentration. Aucun des deux hommes ne parviendra à rentrer véritablement dans le match, les glissades sur la terre battue humide étant particulièrement dangereuses. La septième couronne parisienne du Majorcain aurait mérité mieux que ça.
23. 2016 : Djokovic bat Murray (3/6 6/1 6/2 6/4)
Une des quinzaines les plus pluvieuses, marquée de surcroît par les absences ou les forfaits de Federer, Nadal, Tsonga et Monfils (les principaux animateurs du tournoi de la décennie écoulée) débouche sur la seule finale pouvant la sauver du naufrage intégral. Elle sera plutôt belle, quoiqu’à sens unique à partir du deuxième set. Après un premier set éblouissant en défense et en contre-attaque, Andy baisse sa garde et flanche physiquement. Après trois échecs en finale, ce sera enfin la bonne pour Novak Djokovic, qui s’y présente pour la deuxième fois en quête d’un Grand Chelem à cheval sur deux saisons. Nole s’envole sans sourciller vers la gloire. Son « quatre à la suite » trône désormais, en compagnie des 17 couronnes majeures de Roger et des 9 titres à Roland Garros de Rafa, parmi les accomplissements majeurs du tennis moderne.
22. 2010 : Nadal bat Söderling (6/4 6/2 6/4)
A la suite de l’accident de l’histoire de l’année précédente (défaite face à Söderling en huitièmes de finale), Rafa a à cœur de récupérer son bien et de prendre sa revanche. Son adversaire en finale est donc bien celui dont il rêvait… Robin fait mieux que se défendre, mais ses torpilles se fracassent sur la défense de fer de Nadal, qui ne lâche rien et l’emporte en trois sets. Sans être la plus serrée, cette finale reste l’une des plus plaisantes à voir parmi les finales de Nadal. Non seulement Söderling lui oppose un son style tout en punch, mais en plus, contrairement à la finale de l’année précédente, il ne passe pas à côté. Quand on demande à Rafa sa cuvée parisienne préférée, cette édition 2010 revient souvent.
21. 1995 : Muster bat Chang (7/5 6/2 6/4)
1995 est vraiment l’année Muster, dont la razzia sur ocre préfigure les épopées nadaliennes au siècle suivant. L’Autrichien étouffe ses adversaires par sa régularité et sa présence physique, qui atteint son apogée cette année-là. Seul le jeune Albert Costa le pousse aux cinq sets en quarts de finale. Le dernier dimanche, Michael Chang lui offre une vraie opposition, et ne recule pas facilement. Mais après un départ hésitant, Thomas rallonge ses balles, remporte nettement la bataille du milieu de terrain et prend le dessus. Bien qu’il s’agisse au final d’un one-shot, le triomphe de l’Autrichien reste l’un des plus marquants des années 90 ; rarement un joueur n’aura autant dominé à la fois le tournoi et la saison sur terre battue, et produit une telle impression d’invincibilité.
20. 2001 : Kuerten bat Corretja (6/7 7/5 6/2 6/0)
Perturbé en 1998 par la perspective de jouer un ami proche, Alex a cette fois bien révisé sa leçon. Et lui qui est réputé pour son jeu de défense, va démarrer cette finale tambour battant et prendre Guga à la gorge en le privant de temps d’ajustement. C’est lui qui se montre le plus entreprenant lors du tie-break du premier set. Et c’est lui encore qui se procure une cruciale balle de break à 5/5 dans le deuxième… Mais son revers gagnant échoue quelques centimètres trop loin. Le match vient de tourner, et Kuerten frappe de plus en plus fort. Il déroule son tennis, et touche même au sublime au quatrième set en infligeant au pauvre Corretja un cinglant 6/0. Troisième et dernier titre parisien pour Guga, le plus mûr, alors qu’il commence à sentir les prémices d’une blessure à la hanche qui va ruiner sa carrière par la suite. Le Brésilien dessine un cœur sur la terre battue du Central avant de s’allonger au milieu : l’apogée de son histoire d’amour avec le public parisien.
19. 2006 : Nadal bat Federer (1/6 6/1 6/4 7/6)
Deuxième affrontement Nadal-Federer Porte d’Auteuil, le premier en finale. Et les enjeux stratégiques, qui ne varieront plus par la suite, sont d’ores et déjà à l’œuvre sur cette finale. Rafael Nadal est le tenant du titre, une configuration inédite pour lui. Et ses récentes victoires sur son rival du jour en font le favori naturel. Ce surcroît de pression lui fait rater complètement son premier set, où il accumule les fautes directes. Il règle la mire en début de deuxième set, torturant le revers du Suisse avec son lift qui l’atteint à hauteur d’épaule, l’un de ses rares points faibles. Roger commence à reculer, le match est plié, même si l’écart n’est pas encore ce qu’il deviendra par la suite. L’Helvète parvient à faire croire à un possible cinquième set, mais Rafa lui oppose son sang-froid dans le tie-break final. Un crève-cœur pour les fans du Suisse, mais il n’est de victoire plus logique.
18. 1985 : Wilander bat Lendl (3/6 6/4 6/2 6/2)
A tous ceux qui ne voient en lui qu’une inlassable lame du fond du court, Mats Wilander oppose ce jour-là un démenti cinglant, et fait l’étalage de ses immenses progrès depuis son premier titre trois ans plus tôt. Ivan Lendl est le favori, le tenant du titre, il est plus puissant que lui, et la force de frappe du Tchécoslovaque le prive de tout espoir de victoire en se contentant d’attendre la faute adverse. Le salut de Mats passera par le filet. Et il s’y rue avec succès, proposant à Ivan un festival de variations entre balles courtes et longues, coups d’attentes et coups gagnants, montées à contretemps et jeu au filet, ce dernier domaine n’étant pas celui où Wilander est le plus maladroit. Ne sachant pas à quoi s’attendre, Lendl s’impatiente et finit par déjouer totalement. Un chef-d’œuvre tactique de la part du Suédois, à montrer dans toutes les écoles de tennis.
17. 2007 : Nadal bat Federer (6/3 4/6 6/3 6/4)
A l’époque, cette finale est jugée comme la plus serrée entre les deux hommes. Federer est l’incontestable meilleur joueur du monde, mais Nadal est tout aussi incontestablement son bourreau sur terre battue. Conscient de ne pouvoir l’emporter en reculant et en s’exposant au lift de Rafa sur son côté revers, Roger essaie, jusqu’au bout, de jouer en avançant et de prendre d’assaut le filet dès que possible. Cela ne suffira pas, mais Roger aura essayé coûte que coûte d’échapper à une inéluctable défaite en sortant de ses schémas tactiques traditionnels. Troisième couronne d’affilée Porte d’Auteuil pour l’Espagnol, et la comparaison avec Borg commence vraiment à prendre tout son sens. Au fil des années, une défaite de l’ogre apparaît comme de plus en plus difficile à imaginer.
16. 1979 : Borg bat Pecci (6/3 6/1 6/7 6/4)
L’événement de cette finale 1979 n’est pas la quatrième victoire de Borg sur l’ocre parisien, mais la résistance coriace et pleine de panache que lui aura offerte son adversaire du jour, Victor Pecci. Le Paraguayen vient de battre Connors en demi-finale, Jimbo faisait son retour tant attendu à Roland Garros et tout le monde rêvait de le voir défier Iceborg sur ses terres. Le public devra se contenter de ce modeste Sud-Américain, et il n’est personne pour imaginer autre chose qu’une boucherie syndicale de plus en faveur de Borg. C’est oublier le potentiel de Pecci, magnifique attaquant de terre battue qui prend le filet à la moindre occasion, comme l’a fait Pannatta en 1976 et comme le fera Noah en 1983. Profitant d’une légère déconcentration du Suédois qui, menant 6/3 6/1 5/2, attend la faute adverse, l’homme à la boucle d’oreille prend tous les risques et remonte, jusqu’à remporter le troisième set au tie-break. Björn Borg se reconcentre et repousse péniblement les assauts adverses pour l’emporter en quatre sets, mais c’est bien le vaincu qui est porté en triomphe par le public parisien ce jour-là.
15. 1983 : Noah bat Wilander (6/2 7/5 7/6)
Un moment à part, forcément. Un de ces rares moments où beaucoup, devant leur télé, se sont senti partager quelque chose de commun avec celui qu’il voit triompher de l’autre côté de l’écran. Combien de vocations tennistiques sont nées en France à ce moment-là ? Ce dimanche de juin 1983, le tennis champagne de Yannick a atteint son zénith pour terrasser le tenant du titre Mats Wilander. Et la relative sècheresse du score ne doit pas faire oublier la tension nerveuse croissante devant le déroulé des événements. Beaucoup redoutaient un éventuel quatrième set, où les inépuisables ressources physiques du Suédois auraient rendu les choses beaucoup plus compliquées. Bref, ce tie-break du troisième set chargeait beaucoup d’enjeux, et le service gagnant final a libéré tout le monde. Chef-d’œuvre tactique de la part de Noah, ce match est aussi l’un des plus importants de la carrière de Mats : ses orientations stratégiques ultérieures témoignent de sa recherche du coup juste au bon moment, et il va devenir le grand maître tacticien des années suivantes.
14. 2011 : Nadal bat Federer (7/5 7/6 5/7 6/1)
La plus belle des finales Nadal-Federer, tout simplement parce que c’est la seule où Roger a réellement relâché son bras. L’Helvète sort d’une sublime victoire en demi-finale face à Novak Djokovic, infligeant au Serbe sa première défaite de l’année. La finale contre l’incontournable Nadal est quelque peu écrasée par ce chef-d’œuvre. Conscient d’avoir réussi un exploit, conscient aussi de ne pas être le favori de cette finale, Roger sonne la charge sans complexe, et le spectacle est magnifique. Poussé dans ses retranchements, Rafa garde la tête froide dans le money time des premiers et deuxième sets. Si Roger arrache le troisième set, il s’affaisse au quatrième, laissant l’Espagnol filer vers son 6ème titre. Le constat final est aussi implacable que déprimant pour les fans de Federer : il a dominé la plus grande partie des trois premiers sets, mais il a tout de même été mené 2 sets à 1, le tout face à un Nadal un peu plus prenable que lors de ses meilleures cuvées…
13. 1996 : Kafelnikov bat Stich (7/6 7/5 7/6)
Sur la seule lecture de leurs parcours lors de la quinzaine, Michael Stich part favori. C’est lui qui a rebattu les cartes de ce Roland Garros 1996, en terrassant son immense favori Thomas Muster, avant de dérouler son tennis total face à Pioline et Rosset. En face, le Russe dispute sa première finale en Grand Chelem, son parcours a été plus facile. Les failles mentales de l’Allemand vont lui jouer des tours lors de la finale. A plusieurs reprises il est en mesure de prendre le large, mais il commet des fautes et laisse Ievgueni revenir. Ce dernier garde la tête froide dans les fins de sets, pour coiffer son adversaire en trois sets. L’opposition de styles entre les parpaings russes et le jeu tout en toucher de l’Allemand auront en tout cas occasionné une superbe finale, à laquelle il n’aura manqué que le sel des matchs qui se prolongent.
12. 2005 : Nadal bat Puerta (6/7 6/3 6/1 7/5)
Note : l’auteur de ces lignes ne tient pas compte ici de la suspension de Mariano Puerta pour dopage à la suite de cette finale. Seul le match lui-même a servi à positionner cette finale 2005 dans ce classement.
La plus belle et la plus indécise des finales de Rafael Nadal est la première. Auréolé d’une impressionnante moisson printanière sur terre battue – qui deviendra une habitude pour lui – Rafa a tracé sa route Porte d’Auteuil avec l’autorité d’un seigneur. Même le n°1 mondial Roger Federer a été nettement dominé en demi-finale. Rescapé d’un jeu de massacre dans la partie basse du tableau, Mariano Puerta fait le tournoi de sa vie. Sa puissance impressionnante va faire des ravages, et obliger Nadal à des prouesses en défense. Et l’Argentin met le feu au court Philippe Chatrier en remportant de justesse un premier set de toute beauté. Rafa fait ensuite parler sa supériorité physique, mais échappe de peu à un cinquième set face à un adversaire qui lâche tous ses coups en fin de match. Roland Garros a son nouveau roi. Personne ne soupçonne alors que le règne va durer si longtemps…
11. 1974 : Borg bat Orantès (2/6 6/7 6/0 6/1 6/1)
Manuel Orantès est prétendant au titre depuis plusieurs années lorsqu’il se présente en finale en cette année 1974. Sa patte gauche de velours l’autorise à voir grand. Mais en face se dresse un jeune Suédois de 18 ans, Björn Borg. Renvoyeur inlassable, il épuise ses adversaires par sa régularité de métronome. Le n°1 mondial Ilie Nastase en sait quelque chose, lui qui a été étrillé en finale de Rome quelques jours plus tôt. Auteur d’un parcours chaotique pour arriver en finale, Borg est dans un premier temps dominé par Orantès, dont les attaques en revers font mouche. L’Espagnol pense avoir fait le plus dur en remportant à l’arraché le deuxième set. Mais, comme tous les adversaires du Suédois, il fatigue et se dérègle au troisième set. Ce deuxième set, que l’on pensait crucial, sera en fait le chant du cygne pour Orantès. Epuisé, il ne marque plus que deux jeux dans les trois sets suivants, laissant le jeune Suédois filer vers son premier grand titre. Une victoire qui sera suivie de beaucoup d’autres Porte d’Auteuil…
10. 1981 : Borg bat Lendl (6/1 4/6 6/2 3/6 6/1)
Sixième et dernière victoire de Borg sur l’ocre parisien, un record en son temps. Et une surprise de taille, puisque le monarque suédois est poussé aux cinq sets, ce qui ne lui était plus arrivé depuis des années. Björn s’est incliné à la surprise générale au premier tour de Monte Carlo, apparaissant hors de forme, et sa participation à Roland Garros a été un moment incertaine. Mais après un entrainement intensif, c’est un Borg en mode rouleau compresseur qui marche sur ses adversaires jusqu’à la finale. Son adversaire sera Ivan Lendl, qui dispute sa première finale majeure. Contre toute attente, le Tchécoslovaque va faire mieux que résister. Son coup droit puissant fait des dégâts dans la cuirasse borguienne. Coupable de quelques sautes de concentration, Borg se remobilise pour finir en trombe, 6/1 au cinquième, face à un adversaire épuisé. Mais ce titre, le 11ème en Grand Chelem à seulement 25 ans, n’est pas sans soulever quelques doutes sur la motivation du Suédois. Rétrospectivement, cette finale laissera de nombreux indices sur sa saturation et sa démobilisation progressive. Sous le célèbre bandeau, des idées de retraite commencent à germer…
9. 1991 : Courier bat Agassi (3/6 6/4 2/6 6/1 6/4)
Affirmer qu’André Agassi est le favori de cette finale est sans doute excessif. Il est plus approprié d’avancer que, des deux joueurs, il est celui qui essuiera le plus de reproches en cas de défaite. Dans cette courte hypothèse se niche probablement le sort de cette finale. Déjà bredouille à deux reprises en finale de Grand Chelem, le Kid de Las Vegas sait qu’il est attendu au tournant, et que cela fait trois ans désormais que son premier grand titre se fait attendre. Il démarre bien pied au plancher, mais l’interruption pour cause d’averse durant le deuxième set coupe son élan. Les deux cogneurs américains, qui ont naguère partagé la même chambrée chez Bollettieri, se mènent une guerre de position sans relâche. Tour à tour, chacun des deux joueurs, Agassi avec son revers ou Courier avec son coup droit, prend le contrôle du terrain et donc l’ascendant, et c’est sur les nerfs que va se jouer le set décisif. Dans cet exercice, là où André semble s’ensabler sous le poids de la pression, Jim se montre, nettement, le plus fort ce jour-là ; il est l’homme qui monte en cette année 1991, et son couronnement est tout à fait mérité. Les perdants seront les nostalgiques du jeu en toucher, qui voient dans cette finale le basculement vers l’ère des cogneurs.
8. 1987 : Lendl bat Wilander (7/5 6/2 3/6 7/6)
Victoire logique du favori face à son dauphin naturel sur terre battue, cette finale est aussi le plus beau des quatre duels Lendl-Wilander à Roland Garros. Face à la puissance et aux nerfs d’acier de Lendl, Mats Wilander oppose sa rigueur stratégique. Le Suédois est alors au cœur d’une transformation de son jeu, et s’aventure de plus en plus au filet pour surprendre et contrer les coups droits surpuissants du n°1 mondial. Mais c’est alors un work in progress, et le fruit ne mûrira que l’année suivante, celle de son Petit Chelem. Lendl remporte de justesse le premier set, puis étouffe son adversaire dans le deuxième. Wilander varie alors davantage ses trajectoires et parvient à semer le doute dans la tête du Tchécoslovaque. Le quatrième set se déroule sous le crachin, et les nerfs des deux champions sont mis à rude épreuve. La pluie, et la tension, s’intensifient à l’approche du tie-break du quatrième set. Et c’est Lendl, grâce notamment à deux passings extraordinaires, qui fait la différence pour s’adjuger son troisième titre Porte d’Auteuil sous la pluie et à la tombée de la nuit.
7. 1976 : Panatta bat Solomon (6/1 6/4 4/6 7/6)
Adriano Panatta est le grand héros de ce printemps 1976. Au sommet de sa forme physique, il déploie son magnifique tennis de terre battue, subtil cocktail d’attente quand c’est nécessaire et d’attaque débridée quand vient l’ouverture. La victoire de l’Italien préfigure celle de Noah sept ans plus tard, avec un jeu assez similaire. Tombeur de Borg en quarts de finale, Adriano devient le favori pour le titre, mais son dernier adversaire est particulièrement coriace. Harold Solomon déploie son jeu conservateur, basé sur l’attente de la faute adverse. Le bel Italien prend le large assez rapidement, mais perd le troisième set et sait que la durée du match ne sera pas son alliée. Aussi il met ses dernières forces dans le tie-break du quatrième set, qu’il sait décisif. Il s’offre son premier, et unique, tournoi du Grand Chelem, à l’issue de la plus chaude, et peut-être la plus belle, édition des années 70. Adriano Panatta reste le seul joueur à avoir vaincu Borg sur la terre battue parisienne ; il l’a même fait à deux reprises, puisqu’il l’a aussi battu en 1973.
6. 2000 : Kuerten bat Norman (6/2 6/3 2/6 7/6)
Finale idéale sur le papier, entre les deux meilleurs joueurs du printemps sur ocre. Guga fait parler son expérience en début de match, face à un Magnus Norman tendu par l’enjeu de sa première finale majeure. Mais le Suédois se reprend au troisième, ses coups puissants atteignent enfin leur cible et il remporte avec autorité la troisième manche. Kuerten, qui a vécu une deuxième semaine très difficile, fatigue mais ne plie pas. A la puissance adverse, il réplique par son jeu plus varié et ses fulgurances en revers. A 5/4, 15/40, une balle du Suédois, initialement annoncée faute par le juge de ligne, est déjugée par l’arbitre… Le match, qui était tout de même plaisant mais où les deux joueurs ne jouaient leur meilleur tennis que tout à tour, bascule alors dans une autre dimension. Avec un courage et un instinct de survie incroyables, Magnus va sauver un total de 10 balles de match, mettant au supplice les nerfs de Guga. Le Brésilien va pourtant tenir jusqu’au bout, l’emportant 8/6 au tie-break du quatrième set. 45 minutes de suspense et de tension séparent la 1ère et la 11ème balle de match. Kuerten prouve ce jour-là à tout le monde que son coup de tonnerre de 1997 n’était pas un one-shot, et se place dans la course à la place de n°1 mondial. Une splendide finale, dont le final poignant et extraordinaire a marqué les esprits.
5. 2015 : Wawrinka bat Djokovic (4/6 6/4 6/3 6/4)
Le chef-d’œuvre tennistique de Stanislas Wawrinka. Le match d’une vie. En face de lui se dresse l’épouvantail ultime, Novak Djokovic, n°1 mondial stratosphérique qui vient enfin de terrasser Nadal en quarts après six échecs sur la terre battue parisienne (dont deux en finale) et auquel le titre parisien, le seul qui manque à son palmarès, semble promis. Stan prend un départ hésitant, ce qui suffit à lui coûter le premier set. Toutefois, à partir du milieu de la première manche, il est perceptible que la puissance de l’Helvète gêne considérablement le Serbe, et que l’outsider est le plus entreprenant pour trouver des angles improbables. Auteur d’un récital en revers, Stan va mettre plus d’une heure à concrétiser sa domination ; Nole, qui a vaillamment sauvé une brouette de balles de break dans le deuxième set, finit par craquer à 5/4 contre lui. C’est le début d’un festival de tennis total de la part de Stan, qui aligne 10 points de rang au cœur du troisième set et prend le large. Jusqu’au bout, Novak essaiera de le ramener sur terre en variant ses trajectoires, menant 3/1, puis balle de 5/3 dans le quatrième. Mais jusqu’au bout Wawrinka garde la tête froide et aligne les points gagnants pour foncer vers le titre. Djoko pleure à chaudes larmes lors de la remise des prix, mais il n’a pas grand-chose à se reprocher face à une copie aussi parfaite. La plus belle finale de ce début de XXIème siècle.
4. 1989 : Chang bat Edberg (6/1 3/6 4/6 6/4 6/2)
Pour les amateurs du service-volée, cette finale, et surtout son dénouement, font figure d’enterrement puisque c’est la dernière fois qu’un des leurs a atteint la finale. Et après un départ catastrophique, Stefan Edberg a bien failli l’emporter, manquant un total de 10 balles de break dans le quatrième set. Il s’écroule autant mentalement que physiquement au cinquième set, non sans avoir offert, avec Michael Chang, une magnifique opposition de styles qui n’est pas si commune à Roland Garros en fin de deuxième semaine. Mais c’est l’ensemble de la quinzaine de Chang qu’il convient de mentionner ici, et la quinzaine tout court d’ailleurs, très chaude et ensoleillée, qui a rendu la terre battue sèche et rapide et offert des matchs magnifiques. Vainqueur improbable et perclus de crampes d’Ivan Lendl à l’issue d’un match resté dans toutes les mémoires, Michael Chang récupère vite et poursuit sa route avec l’insouciance de la jeunesse. Compensant sa petite taille et son manque de puissance par un jeu de jambes extraordinaire et un sens inné du lob et du passing, le sino-américain impressionne surtout par sa force mentale. Et c’est lui qui crucifie Edberg de ses lobs et de ses contrepieds dans ce cinquième set, pour achever en vainqueur l’une des plus improbables cuvées de Roland Garros. Plus jeune vainqueur d’un tournoi du Grand Chelem à 17 ans et 3 mois, Michael Chang détient toujours ce record, qui semble aujourd’hui l’un des mieux gardés de tous. Et cette édition 1989 ouvre une période de décalage récurrent entre le palmarès du French Open et celui des autres levées du Grand Chelem. L’ère Lendl-Wilander est révolue, vivent les années 90 !
3. 1999 : Agassi bat Medvedev (1/6 2/6 6/4 6/3 6/4)
Une magnifique finale, coiffée d’un retournement de situation assez rare. Mais elle n’aurait probablement pas eu autant de saveur si elle n’avait pas opposé deux hommes aussi charismatiques et aussi inattendus cette année-là, Medvedev le dilettante romantique face à Agassi l’ancien champion sur la voie de la rédemption. Le premier nommé, revenant d’une série de blessures, n’est que 106ème joueur mondial à l’ouverture du tournoi, mais son cocktail unique de puissance dévastatrice et de toucher extraordinaire ont fait des dégâts. Quant à l’Américain, il est bien sur le retour, mais personne ne l’attend plus sur l’ocre parisien, terre de lourds échecs depuis ses deux finales de 90-91. Mais leurs parcours respectifs lors de cette quinzaine ne laisse aucune place au doute : ils sont bel et bien les deux meilleurs de cette édition. Pétrifié par l’enjeu et transpirant à grosses gouttes en entrant sur le terrain, André est inexistant durant les deux premiers sets, malgré une interruption due à la pluie. Le jeu se resserre au troisième set, et le Russe se procure une cruciale balle de break à 4/4, suite à deux doubles-fautes d’André. Ce dernier tient ses nerfs, va chercher son salut au filet et efface ce qui était presque une balle de match. Le match vient de basculer. Enfin libéré, Agassi fait visiter le terrain à son adversaire et règle enfin ses retours. Combattant magnifique, Medvedev s’avoue vaincu de justesse, 6/4 au cinquième. Les larmes peuvent couler des deux côtés, et le public parisien redécouvre un Agassi qui a changé de peau en quelques années, un Agassi si ému de compter désormais les quatre levées du Grand Chelem à son palmarès. Andrei Medvedev, qui aura travaillé si dur pour revenir à ce niveau, ne se remettra pas de cette défaite.
2. 1993 : Bruguera bat Courier (6/4 2/6 6/2 3/6 6/3)
Ni Sergi Bruguera, ni Jim Courier n’ont submergé d’émotion les foules parisiennes lorsqu’ils ont triomphé à Roland Garros. La faute sans doute à leurs jeux respectifs qui ne rivalisaient pas, en termes de spectacle, avec leurs contemporains princes de l’attaque que furent Becker, Edberg et autres Sampras. La finale de 1993, reléguée dans un oubli relatif, n’en reste pas moins un moment clé dans l’histoire de Roland Garros. Parce qu’elle a mis aux prises le modèle qui avait dominé les années précédentes – Jim Courier, sa puissance et son impressionnante présence physique – et un modèle émergent, celui du lift incontrôlable et de la défense inébranlable, incarné par Sergi Bruguera. Ce jour-là, ce ne sont pas seulement deux joueurs qui s’affrontent, ce sont deux écoles.
Et le triomphe de Sergi inaugure la domination récurrente de l’école espagnole à Roland Garros, domination dont nous ne sommes toujours pas sortis un quart de siècle plus tard. Le défi pour Sergi ne peut être plus grand : l’emporter face au double tenant du titre qui a pour lui sa détermination de champion, son statut de n°2 mondial et de double tenant du titre et sa puissance intacte. Et courir aux quatre coins du terrain ne sera pas suffisant ; sa victoire, Bruguera ira la chercher en contre-attaquant, en répondant aux parpaings de Jim par des balles de plus en plus profondes et en n’hésitant pas à s’aventurer au filet, tout comme Courier d’ailleurs. Cette finale aux replis multiples a donc obligé chacun des deux protagonistes à sortir de sa zone de confort pour tenter de prendre le dessus.
Quatre heures de tension et de sueur, une finale tout simplement monstrueuse. Courier parviendra à masquer les doutes qui commencent à l’assaillir lors de la cérémonie, en faisant de l’humour dans un français impeccable sur la « vache espagnole » qui vient de le battre, provoquant l’hilarité du public. Jim Courier était un champion, et ce jour-là il est tombé en champion. Moins anecdotique a posteriori, le jeune Gustavo Kuerten, 16 ans, se demande devant son écran comment l’emporter sur les deux schémas tactiques qui viennent de s’affronter ce jour-là. « En sachant maîtriser les deux schémas au sein d’un même match, voire au sein d’un même point » lui répond son entraineur Larri Passos. Guga prend note. On connait la suite.
1. 1984 : Lendl bat McEnroe (3/6 2/6 6/4 7/5 7/5)
Cette finale a suscité tellement d’émotions que j’en parlais encore récemment avec passion, 35 ans plus tard. Et le verdict balbutiant de ce match, une victoire à la Pyrrhus de Lendl au prix d’un effort d’une violence inouïe, est sans appel. Il annonce la prise de pouvoir du « vrai » tennis moderne, basé sur la puissance et l’endurance, aux dépens du tennis joué simplement à la main. Avec le recul, voir McEnroe dérouler son tennis d’esthète et réduire en poussière un solide n°2 mondial en pleine possession de ses moyens, a quelque chose de fascinant. Sauf que ça n’a été qu’un mirage, et que le paramètre physique, alors en pleine émergence dans le tennis, a eu raison de la fiction selon laquelle le plus doué des deux doit forcément l’emporter. Ce constat s’est imposé sans préavis ce jour-là, et une large partie du public a eu autant de mal à le digérer que l’Américain.
Le public français a vécu d’assez loin les joutes du triangle Connors-Borg-McEnroe, qui offrait de splendides duels à Wimbledon et à l’US Open, les véritables théâtres où se jouait la pièce de la suprématie du tennis depuis une dizaine d’années. Passée la parenthèse enchantée de 1983, unanimement perçue justement comme une parenthèse, voir McEnroe l’emporter était le rêve pour le public de Roland Garros de placer pour de bon « son » tournoi sur un pied d’égalité avec Wimbledon et l’US Open dans la mémoire collective, avec le couronnement d’un n°1 mondial génial, et alors au sommet de sa carrière.
Je n’envisage pas d’accorder quelque importance aux blagues potaches de Big Mac, qui expliqua que c’est un micro qui l’avait déconcentré ; je ne crois d’ailleurs pas que Mac avait réellement besoin d’être concentré sur le court, et par ailleurs combien de matchs a-t-il gagné en déconcentrant son adversaire par ses esclandres… En revanche, j’ai recherché l’écho qu’avait eu cette finale outre-Atlantique. Nos collègues américains étaient nombreux à connaître l’existence de l’Europe et de la France sur la carte du tennis, et suivaient les résultats de Roland Garros, à la télé ou à la radio. Et ils se souviennent de ce Lendl-McEnroe comme l’un des plus beaux matchs des années 80, au point d’être quelque peu jaloux de la pâle copie qu’en a été la finale de l’US Open 1985. Chacun son tour… Ce 10 juin 1984, le centre de gravité du tennis s’est nettement, et définitivement, rapproché de Paris. Rien de moins.
Hors concours – 2004 : Gaudio bat Coria (0/6 3/6 6/4 6/1 8/6)
Incapable que je suis de placer cette finale dans mon classement, je choisis… de la mettre à part. Du point de vue de la dramaturgie et du suspense, elle mériterait sans aucun doute l’une des toutes premières places, sinon la première. Du point de vue du niveau de jeu produit, elle mérite probablement la dernière. Je me rappelle d’un copain, classé alors -2/6, qui avait assisté à la finale depuis les tribunes ; il en était revenu en me disant que franchement il pensait jouer plus vite que ça… L’autre anecdote, au micro celle-là, c’est Guy Forget en plein quatrième set, s’excusant sur le mode « je passe sans doute pour un connaisseur du tennis, mais là je dois dire que je ne comprends strictement rien à ce qui se passe sur le terrain ».
Le lacrymal Gaudio et le sanguin Coria ont sans doute disputé ce jour-là l’un des pires matchs de leurs carrières respectives. Mais ils ont été également des livres totalement ouverts sur leurs émotions, leurs doutes et leurs renoncements, et livré toute une foule d’indications cruciales sur la psyché du joueur de tennis en action, tant ils se sont montrés, autant l’un que l’autre, incapables de mobiliser leur surmoi. Certains matchs, dit-on, se jouent dans la tête ; celui-ci ne s’est joué que dans la tête. Et comme il fallait bien qu’il n’y ait qu’un seul perdant, autant sanctionner le renoncement le plus visible, et le plus coupable, celui de Guillermo Coria.
Selon la version de l’arbitre, les crampes de stress d’El Mago ont été constatées par le kiné du tournoi à la fin du 3ème set. Si je prends cette précaution épistolaire, c’est parce que la carrière de l’ombrageux Argentin est saupoudrée de quelques séquences de simulation sur le terrain, dont une l’année précédente contre le même Gaudio à Hambourg. Admettons donc que les crampes de Guillermo (à partir de la fin du 3ème) aient été autre chose qu’une fiction, nous pouvons au moins constater qu’au 4ème set il n’essaie pas de lutter sur le terrain, alors qu’au 5ème il essaie. Quelle que soit la réalité de ses problèmes physiques, le fait est qu’il a, pendant une partie du match, renoncé à se battre. Aucun autre joueur victime de crampes n’a offert le spectacle de donner un set entier à l’adversaire sans bouger, ils sont nombreux pourtant à connaître cette situation, et à devoir doser leur effort en attendant l’effet des médicaments.
Les énervements dont Guillermo Coria a été coutumier pendant sa brève période au plus haut niveau m’ont semblé traduire, par leurs disproportions, sa difficulté à surmonter le surcroît de pression qu’avait occasionné son contrôle anti-dopage positif en 2001, alors qu’il n’avait que 19 ans. La suspicion dont il était capable, notamment vis-à-vis du corps arbitral, et sa nervosité, étaient proprement stupéfiantes, et ne pouvaient s’expliquer par un simple tempérament sanguin. Sans doute Coria a-t-il perçu sa suspension comme une injustice, au point de ne pas tolérer la moindre injustice par la suite sur le court. Dans ces conditions, les difficultés qu’il a rencontrées pour seulement tenir sa raquette, dès la fin du 3ème, ne traduisent pas seulement des crampes, mais aussi une crise de nerfs à l’approche d’une victoire qui lui tendait les bras. Et plutôt que de lutter comme le formidable combattant qu’il savait être aussi, il a opté pour un renoncement visible, en laissant filer le score, invitant chacun – et notamment Gaston Gaudio – à constater par lui-même que la remontée qui s’amorçait n’était pas due au mérite de l’adversaire, mais à son effondrement pour cause de crampes.
De tous les adversaires de Coria, Gaston Gaudio était sans doute un des seuls capables de succomber à une telle tartufferie. Et le fait est qu’il a frôlé, vraiment frôlé, la défaite. Et pour le coup, lui n’a pas cherché à mentir à qui que ce soit. Sa quinzaine parisienne avait été magnifique ; Hewitt en quarts et Nalbandian en demis avaient explosé sous la puissance de son revers. Mais, aussi brillant fût son parcours, en entrant sur le terrain pour cette finale, Gaston était beaucoup plus désireux que l’histoire se termine que de la terminer en vainqueur. Son comportement autodestructeur sur le terrain ne le prédisposait pas à encaisser l’effort mental de sept matchs au meilleur des cinq sets ; le septième, pour lui, était clairement celui de trop. Aussi, quand le public a salué bruyamment un point magnifique qu’il venait de remporter au cœur du 3ème set, il s’est enfin détendu. Dans les minutes qui ont suivi un bruissement, à la fois subliminal et perceptible par tout un chacun, indiquait que la nervosité était en train de changer de camp. Il serait exagéré de dire que Gaston s’est mis à bien jouer, mais il s’est au moins mis à jouer, au sens premier du terme.
Au fil d’un cinquième set où les larmes affleuraient des deux côtés, le spectacle n’était plus du tout tennistique, il était psychique. Guillermo Coria tentait bien de rentrer dans le terrain et de faire visiter le terrain à son adversaire, afin de bouger le moins possible ; ce n’était pas en soi une mauvaise option tactique, mais c’était pour le moins contre nature de la part du formidable défenseur qu’il était. En face, Gaudio, retombé dans ses errances, était tellement nerveux à l’approche d’une victoire aussi prestigieuse qu’inespérée, qu’il était à son tour devenu incapable de tenir sa raquette convenablement. Aux dires de Gaudio, sur les deux balles de match de Coria, il n’avait jamais compris comment lui-même, Gaston, avait réussi à ne pas faire la faute le premier.
C’est ici que la morale de ce match est sauve, tout en prenant la formulation inverse de celle qui est généralement utilisée : la défaite s’est offerte celui qui la méritait le plus, à savoir Guillermo Coria. Il était temps, pour les deux joueurs, de craquer pour de bon et d’aller enfin se reposer. Sur un divan de préférence, et avec un bon professionnel en face, car les fêlures psychologiques que les deux Argentins ont étalées sur la place publique ce jour-là étaient vertigineuses.
Pour le public, il ne restera sans doute pas le souvenir d’un match de grande qualité, mais plutôt le sentiment d’avoir assisté à une tragédie à ciel ouvert. Sauf que là il ne s’agissait pas d’une représentation, c’était pour de vrai. Cette finale ne compte sûrement pas parmi les grandes finales de Roland Garros. En revanche, elle a sa place dans les rares moments où la dimension psychologique inhérente au sport de haut niveau aura été la plus visible. Les voisins d’étage de ce Gaudio/Coria de 2004, ce sont le Chang/Lendl de 1989, le Connors/Kriskstein de 1991 à l’US Open, dans une moindre mesure le Sampras/Corretja de 1996 toujours à l’US Open.
Tags: Roland Garros
6-1 Nadal en 24 minutes seulement…
Terreminotaure est passé à l’attaque tout de suite et joue maintenant pas loin de son top. En face, Thiem a payé ses efforts des deux premiers sets, surtout du second et a connu un gros trou d’air. Pire encore, il se fait à nouveau break et en fin de set, de sorte que Nadal va servir en premier..
Thiem a vivement intérêt à se ressaisir s’il le peut bien sûr. Il est impératif qu’ail breake en premier désormais…
Bien plus important que cette finale, il semblerait que Gael et Elina ne soient plus ensemble. On n’est pas prêt de le revoir sur un court de Tennis Gaël.
Accélérer est extrêmement périlleux. Relever le défi physique illusoire. Alors que faire ? Et encore, heureusement que dans ce match, Rafa commet quelques grosses fautes…
3-0..Là je pense que c’était peut-être la dernière occasion de Thiem de revenir…On verra.
On peut dire que Thiem vient de sauver 3 balles de match..3-1 Nadal..
4-1…Ça fait un long moment que Thiem oublie de tenter une amortie..
Ca fait un moment qu’il est beaucoup moins lucide.
Bon ben 5-1 Nadal qui va servir pour le titre.
Carrots are cooked !
Le niveau de jeu de Nadal depuis le début du troisième est vraiment monstrueux
Après avoir sauvé une balle de bris sur un échange de coups remarquables, Thiem est finalement brisé. 5-1 Nadal.
Comme disait Toni, c’est un joueur blessé qui joue… et qui gagne ! Bravo !
Et de douze ! La duodécima ! Raaa-fa ! Raaa-fa ! C’est formidable, admirable, incroyable. Oui, voilà, incroyable.
6-3 6-7 6-1 6-1…12ème titre pour Rafa ! Incroyable. Gigantesque exploit !
Bravo à lui !! Je doute que ce record sera battu un jour sinon éventuellement par lui même, mais là j’ai aussi un doute. Bravo à Thiem pour cette deuxième finale de suite et une bien meilleure opposition que l’année passée en finale même s’il n’a pas pu rivaliser durant les deux derniers sets face à un Nadal à son top et alors très supérieur. Ce sera peut-être pour l’année prochaine s’il arrive aussi dans une plus grande fraîcheur mentale en finale. Le gain du premier set par Nadal était l’une des clés.
8 jeux marqués contre Nadal en 2017, 10 jeux l’an dernier, 12 cette année, s’il poursuit cette progression Domi battra Nadal dans 3 ans, en 2022.
Pour l’instant, Rafa a donc gagné 12 Roland Garros, soit 2 x 6, un beau chiffre, qui le fera ad vitam aeternam considérer comme le plus grand sportif de tous les temps. Qui peut imaginer, par exemple, un coureur cycliste remportant le Tour de France 12 fois ? Un navigateur remportant la Solitaire du Figaro 12 fois ? Un pilote automobile remportant les 24H du Mans 12 fois ?
Vivement Wimbledon…
Et c’est fini 12 Roland-Garros! Le double de l’ancien record de Borg! Après avoir plutôt réalisé deux fois le record de victoires consécutives.
Renaud disait plus haut que la carrière de Djokovic était plus aboutie que Nadal, la statistique de Nadal à Roland-Garros prouve le contraire.
Jean-Paul Loth qui est plutôt supporter de Federer disait justement que de l’ère Federer-Nadal-Djokovic, le fait d’avoir remporté 11 (à l’époque) Roland-Garros était la plus grande performance de cet ère de part son aspect démésuré. Gagner autant de fois un tournoi du Grand Chelem est surréaliste.
Il fut un temps (pas si) lointain où Sampras avait dans sa ligne de mire les 12 victoires en grand-chelem d’Emerson. Nadal, lui, en est à 12, en ne comptant que Roland-Garros…
Bravo à Nadal! Il lui reste à gagner l’an prochain pour égaler un exploit de Ken Rosewall : remporter le titre à 15 ans d’intervalle. Rosewall avait gagné à 18 ans (1953) et à 33 ans (1968).
A l’âge de Thiem, Rafa gagnait son sixième RG, qui aurait cru qu’il n’était qu’à mi-parcours ? (à date !)
Bon, il reste 2 GC cette année pour qu’un néo-vainqueur nous surprenne.
Je paierais cher pour voir la tête du Djoker ce soir..Non seulement le pseudo grand chelem, baptisé désormais Djoko chelem, lui a échappé, mais en plus il a bien travaillé pour Rafa. Tout d’abord en perdant alors qu’il est le pire adversaire pour Rafa, mais en plus en ayant réduit les chances de Thiem qui manquait visiblement de fraîcheur mentale et même physique après deux sets à haute intensité. J’aurais préféré voir cette finale demain plutôt qu’aujourd’hui. Le résultat aurait sans doute été le même mais le match aurait probablement été plus serré. C’est ainsi et cela n’enlève rien au mérite du vainqueur, alias Terreminotaure.
Au sujet de Djoko, son attitude non professionnelle lors du premier set contre Thiem, ses jérémiades et ses pétages de plomb hier sont quand même étonnants pour un joueur de ce niveau et qui est numéro un mondial. Est ce quelqu’un imagine Rafa ou Roger se comporter ainsi ? Pas moi..Il présente des symptômes de burn out. Je ne le vois pas du tout rebondir à Wimbledon, il a l’attitude d’un type qui a mis tout sur la table de jeu sur ce Roland et qui s’est fait refaire. Et puis Rafa vient de le remettre à trois longueurs, trois GC, ce qui est énorme quand on a 32 ans. Demandez à Roger si c’est facile de gagner des GC passé 32 ans..
La vérité est que c’est évidemment beaucoup plus difficile. Les derniers sont les plus durs à gagner. Que Rafa gagne à 33 ans à Roland est un exploit occulté par le fait qu’il en avait gagné 11 avant. Rien, absolument rien, ne garantit qu’il sera en mesure d’en gagner un 13eme et il le dira peut-être lui même. S’il se fait sortir en 1/4 ou en 1/2 l’année prochaine contre Tsitsipas, ce serait normal. Ce qui serait anormal, c’est qu’il arrive encore à gagner l’année prochaine. Idem s’il venait à perdre contre Thiem. Je pense que l’on ne se rend pas bien compte de ce que Rafa vient de faire tant on est habitué à le voir gagner à Roland : 12 titres en 15 participations, un ratio hallucinant de 80%. À titre de comparaison et même en étant charitable en excluant les années antérieures à 2003, Roger en est à 8 titres en 16 participations à Wimbledon, soit 50%, avec « seulement » 3 titres depuis 2009 inclus. Pourtant, avec 8 titres, Roger est le meilleur joueur à Wimbledon depuis 1877…
On peut ainsi mesurer ce que représentent les 12 titres de Rafa à Roland : c’est unique et incroyable…
Salut Antoine,
Concernant Nadal, je crois que le plus dur à aller chercher ne sera pas un 13ème Roland, qui me semble au final plus à sa portée qu’un autre titre du GC hors Roland. Parce qu’en dehors de la TB, son corps donne de plus en plus de signaux négatifs. Ce que tu écris sur Rafa à la fin de ton post, j’y souscris, mais je crois qu’on pouvait écrire la même chose mot pour mot au soir de sa 11ème victoire.
J’espère depuis des années qu’un joueur parviendra enfin à terrasser Rafa en finale de Roland sans que le résultat soit imputable à quelque problème que ce soit côté Nadal. Mais Thiem a été lucide ce soir, et les nouvelles ne sont pas bonnes, il n’a pas la clé contre Rafa au meilleur des 5 sets.
Je n’aurais pas écrit la même chose l’année dernière et je ne l’ai d’ailleurs pas fait. J’étais à la finale l’année dernière et me suis dit que Rafa avait encore 1 Roland dans sa raquette. Ce soir, j’en suis beaucoup moins sûr. Il gagnera peut-être encore un Roland mais je ne parierais pas dessus. Je pense qu’il a désormais plus de chances de perdre au cours du tournoi que de gagner…
Qu’est-ce qui t’as fais penser l’année passée que Rafa re-gagnerait Roland, et qu’est-ce qui a changé cette année ? Son âge ?
L’age joue évidemment, et surtout sur terre battue. Il est désormais le 3ème plus vieux vainqueur à Roland Garros. Cette année, Rafa a eu du mal à s’y remettre après sa blessure à Indian Wells. Quid de la saison prochaine ? Dès qu’il joue deux tournois dur dur, il est out ensuite…Mais ce qui me donne surtout cette impression est le fait que Thiem était plus proche cette année et que d’autres jeunes deviennent de plus en plus forts et se fichent des palmarès de leurs aînés, en particulier Tsitsipas. Cette année, Rafa a eu un bon tirage de surcroît. Tant mieux pour lui mais il peut aussi en avoir un nettement plus difficile l’année prochaine..
L’année dernière, j’estimais qu’il avait encore une marge très importante : il avait fait son meilleur tournoi depuis 2010.
Thiem était plus proche, c’est sûr. Mais j’ai assez rarement vu plus impressionnant sur terre batture que Thiem aujourd’hui (pardonne-moi si je dis une bêtise, car je n’ai pas vu le dernier set ni le début du second). Pourtant, il ne prend qu’un set. Alors certes, il aurait pu être plus en forme et on peut penser que Forget ne lui sabotera pas son tournoi chaque année, mais 6/3-5/7-6/1-6/1 ça reste une victoire avec une marge.
C’était mon impression durant tout le match. Par moments Thiem était époustouflant et il renversait Nadal, mais j’ai eu l’impression que l’espagnol gardait une marge sur lui.
C’est ce qui me fait te poser la question. Si Rafa a toujours une marge sur le meilleur joueur de terre actuel (derrière lui bien-entendu), je ne vois pas ce qui pourrait l’arrêter d’autre qu’une blessure. Mais je l’imagine mal tomber dans ce piège et ne pas adapter son programme sur dur pour éviter ça.
On ne peut pas tirer un trait sur Djoko à RG. Il a montré qu’à son meilleur il pouvait y battre Nadal.
Reste à savoir si son meilleur est derrière lui ou pas.
Je pense que le serbe reste le mieux armé avec son revers à 2 mains. Mieux que Thiem.
Après, pour Djoko, je ne sais pas… Un burn out est effectivement possible, vu que la perspective d’un nouveau Djoko Slam s’est éloignée, en partie par sa faute d’ailleurs. Il se retrouve à nouveau au pied de la montagne, et les années venant les GC seront de plus en plus durs à aller chercher.
Resta que je m’en méfie comme de la peste, il a un comportement indigne de son rang mais c’est un champion, un p… de champion. Et s’il se remobilise il sera dur à aller chercher à Wimbledon.
PS : je vois sur Eurosport.fr que Clément et Moratoglou sont d’accord avec ce que j’écrivais plus haut à la fin du premier set : Thiem a commis une très grosse erreur tactique en voulant engager un bras de fer physique du fond sans prendre de risque durant le premier set qui était très important : ça a marché durant 5 jeux et il a perdu les 4 suivants en espérant battre Nadal dans sa filière. Ils soulignent également ce que j’avais relevé à savoir que Thiem a changé de tactique dans le 2ème set. A 1 set à 0 pour Nadal, tout devient beaucoup plus difficile, surtout quand on perd beaucoup de jus dans l’affaire alors que les réserves de Thiem n’étaient pas illimitées. A la réflexion, c’est très étonnant que son team ait pu lui conseiller une telle tactique : ils ont sans doute sous estimé les capacités physiques de Nadal. Je ne vois pas d’autre explication logique…
Une chose qu’on peut dire de l’époque actuelle, c’est que les jeunes ne l’ont pas facile pour ce qui est de gagner un titre de Grand Chelem.
Quant à Nadal, il a quand même gagné ce Roland-Garros en ne perdant que 2 manches. S’il baisse un peu et que les autres montent, il sera peut-être seulement favori l’an prochain, plutôt qu’archi-favori. Ça fait tellement de fois qu’on annonce son déclin (notamment en 2009 et en 2015) que j’attends de le voir.
Sa fiche est maintenant de 93-2 à Roland-Garros.
Pour avoir une idée de ce qui attendait Tsitsipas, il pouvait se dire ceci en voyant son tableau : « Pour gagner le titre, je pourrais avoir à battre Wawrinka, Federer, Nadal et Djokovic. » Ces 4 joueurs :
- ont gagné les 14 dernières éditions du tournoi (maintenant 15)
- totalisent 55 titres de Grand Chelem (maintenant 56)
ènième édition de Roland Garros sans suspens, où est passée la glorieuse incertitude du sport ? ça devrait pas être possible d’être aussi implacable que Nadal ici. Bravo à lui, c’est juste hallucinant, je salue bien bas la performance même si je n’arrive pas à m’en réjouir. Tu prends ta retraite quand tu veux Rafa, c’est bon ce record là personne ne viendra jamais te le chercher !
Je ne vois personne avec qui le comparer sauf peut-être Gaston Delpierre. Dans mon village des Flandres maritimes, ce fameux Gaston a gagné 21 fois de suite le tournoi de ping-pong organisé par la municipalité. Le prochain objectif de Rafa ? Les 22 ? Gaston, si tu nous lis… tremble !
Tu ne perd rien pour attendre Gaston ! =)
Ou comme l’a — selon un journaliste — dit Almagro, après sa défaite à Roland face à Nadal (6-1 6-1 6-1) en 2008 : « avec son lift qui rebondit à 6 mètres de haut, personne ne pourra jamais battre Nadal ici. Il gagnera Roland Garros 40 fois. »
Une paire allemande totalement inconnue (Krawietz / Mies) a remporté le double face à nos petits frenchies Chardy / Martin. Je vous conseille les highlights, ça change du concours de force basque de la finale du simple messieurs :
https://video.eurosport.fr/tennis/roland-garros/2019/video-roland-garros-les-temps-forts-de-chardy-martin-krawietz-mies_vid1208166/video.shtml
À ce stade, ce n’est plus du sport. 39 ans de domination pour Franco. Allez Rafa, encore un petit effort !
678 commentaires, il est temps de clôturer. Tirons donc un trait, à moins que Rubens nous place cette finale dans son classement…
—————————————————————————————————————————
Ah oui, au fait…
Je la mettrais dans le ventre mou du classement. Allez, à la 21ème place.