L’histoire du dopage sanguin, partie 2 : l’ère EPO et ses dérivés

By  | 23 mai 2023 | Filed under: Regards
Riis - Ullrich - Virenque : podium de vainqueurs sur le Tour de France 1996.

Riis – Ullrich – Virenque : podium de vainqueurs sur le Tour de France 1996.

Suite de l’article de Sport & Vie – première partie ici

Le dopage change l’EPO

L’arrivée de l’EPO fut donc considérée comme une véritable libération par la gent des tricheurs. L’hormone synthétisée dès 1986 par génie génétique permet en effet d’enrichir son sang en globules rouges sans devoir s’encombrer de toutes les embêtantes précautions liées aux transfusions. Le milieu sportif ne fut pas long à percevoir l’avantage qu’il pourrait tirer du médicament. Les prémières révélations sur son usage remontent aux Mondiaux de ski nordique organisés à Lahti (Finlande) en 1989. Ensuite, ce fut la déferlante et la disparition conjointe de tous les anciens repères. Partout dans le monde, les records explosaient et les moyennes s’envolaient. On voyait aussi des choses totalement insensées comme ces coureurs à pied qui gardaient la bouche fermée à l’effort, ces nageurs capables de faire des longueurs de bassin sans sortir la tête de l’eau, de respirer tous les onze temps au crawl ou encore des cyclistes grimper tellement vite dans les cols qu’ils devaient freiner à l’amorce des virages à lacet. A la fin des années 90, l’EPO était même tellement répandue dans les sports d’endurance que certaines voix se faisaient entendre pour dire qu’en dépit des tricheries, l’éthique était sauve puisqu’en raison de son succès, tous les concurrents se retrouvaient finalement à égalité.

Or ce n’est pas vrai ! Comme avec n’importe quel médicament, le monde athlétique s’est rapidement divisé entre bons et mauvais répondeurs à l’EPO. Parmi les membres du premier groupe, on a déjà parlé de Bjarne Riis, le coureur danois qui a connu une seconde jeunesse grâce à ce traitement, lui qui n’avait pratiquement rien gagné jusqu’à ses 30 ans hormis un titre de champion du Danemark. En France, ce fut aussi le cas de Laurent Jalabert. Leader de l’équipe Once, il remporta notamment l’édition 1995 du Tour d’Espagne en signant cinq victoires d’étapes au passage et en s’emparant du classement par point et de la montagne en sus ! Jusqu’alors, il était plutôt connu comme un honnête routier-sprinteur.

La suite ? On la connaît. A partir de 1997, l’Union Cycliste Internationale (UCI) instaura un nouveau système de contrôle avec prise de sang et suspension temporaire de tout athlète qui présenterait trop de globules rouges, soit une hématocrite supérieure à 50%. Cette règle a un peu compliqué le travail des tricheurs. Pas beaucoup. L’EPO continuait de voyager bon train jusqu’à la mise au point des premiers tests de dépistage et leur adoption dans le cyclisme au cours de la saison 2000. Ces tests se révélèrent relativement efficaces pour faire reculer son usage même si, dans leur formule initiale, leur efficacité n’excédait pas trois jours. Heureusement, ils seront améliorés par la suite, obligeant les trichieurs (cette coquille involontaire est de moi mais m’a fait rire) à adapter chaque fois leur pratique.

Par exemple, ceux-ci prirent l’habitude d’échelonner les prises avec des micro-doses plus difficiles à déceler. Mais cela reste possible. Les laboratoires sont désormais capables de détecter l’injection de quelques centaines d’UI (unité internationales) pendant les deux jours qui suivent l’injection. Tout cela explique que l’EPO dans sa forme originelle se trouve de plus en plus souvent délaissée par les équipes à la pointe du dopage. Pour conserver un avantage, il fallait trouver autre chose, mais quoi ? Dans les paragraphes qui suivent, vous verrez qu’un grand nombre de pistes existent, à commencer par la plus simple : recourir à des copies d’EPO (époétines) dites « biosimilaires » parce qu’elles diffèrent de l’originale seulement par quelques sucres sur la chaîne glycosylée et qui, de ce fait, n’ont pas encore été approuvées par l’AMA. On manque donc de références pour attester d’un résultat positif au contrôle.

Une autre solution consiste à stimuler l’érythropoïèse en fin de chaîne. Il faut savoir en effet que l’EPO classique agit au début du processus de fabrication des globules rouges en donnant aux réticulocytes (les jeunes globules rouges en provenance de la moelle osseuse) un ordre de maturation. Mais il existe d’autres moyens de stimuler l’érythropoïèse, qui est en fait une cascade d’une dizaine d’étapes, en agissant à la fin de cette cascade en diminuant la prolifération des précurseurs des érythrocytes, comme le fait le luspatercept, principe actif du médicament Reblozyl, que l’on utilise beaucoup dans le traitement de la bêta-thalassémie (malformation génétique de l’hémoglobine).

D’autres substances font actuellement l’objet d’essais en phase II avant commercialisation comme le sotatercept (ACE-011) qu’on prévoit de commercialiser dans le traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire. A ce stade, ces produits demeurent totalement indétectables. Peut-être circulent-ils déjà dans les milieux sportifs. Ce serait une explication à l’emballement des moyennes.

Evidemment, dans l’hypothèse où des sportifs auraient déjà sauté le pas, ils courent d’énormes risques. Aux premiers temps de l’EPO, des erreurs de dosage ont sans doute été à l’origine de plusieurs morts inexpliquées dans les sports d’endurance : athlétisme, cyclisme, courses d’orientation. Les coulisses bruissaient de rumeurs sur des coureurs forcés de se relever en pleine nuit pour faire du home-trainer afin de relancer la circulation de leur sang devenu trop visqueux. Or il se trouve que ces bruits de couloir ont de nouveau cours aujourd’hui et qu’ils auraient même été à l’origine de la descente de police à l’hôtel où résidait les coureurs de l’équipe Bahrain-Victorious lors de la 17e étape du Tour de France 2021. Voilà pour la piste tout à fait crédible des précurseurs érythroïdes. D’autres hypothèses sont sur la table.

Rappelons qu’en 2015, le marcheur français Bertrand Moulinet s’était fait pincer pour usage interdit de roxadustat (ou FG-4592). Là encore, il s’agit d’une technique thérapeutique détournée dans le but d’augmenter l’oxygénation du sang. Elle consiste à empêcher la dégradation d’une substance (HIF-1alpha-prolylhydroxylase) chargée d’avertir l’organisme en cas d’hypoxie. Lorsqu’on monte en altitude par exemple. Normalement cette substance disparaît quand la situation revient à la normale. Mais on peut empêcher cette mise hors-service. L’organisme se croyant encore en sous-oxygénation continue de produire des globules rouges à foison comme avec l’EPO. Cette technique habile se révèle néanmoins assez facile à détecter et semble avoir été abandonné au profit d’une autre, tout aussi machiavélique, celle dite des « inhibiteurs du GATA ».

Suite à ce moment de suspens les deux jambes et les épaules dans le vide, le lac de lave de l’Erta Ale en-dessous, suite au prochain épisode.

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242 Responses to L’histoire du dopage sanguin, partie 2 : l’ère EPO et ses dérivés

  1. Kaelin 6 juin 2023 at 17:34

    Allez Khacha, faut debreaker..!

  2. Kaelin 6 juin 2023 at 17:38

    Oui Khacha a sorti une amortie… carlossienne!! Splendide

  3. Kaelin 6 juin 2023 at 17:44

    Haha Khacha qui confirme son service avec quelques coups complètement fou et aidé par le filet sur le point final, comme Djoko sur le break précédent.

    Mais Djoko monte en puissance c est hallucinant. Il s’approche du god mode, ça peut faire mal une fois enclenché.

    Notamment en retours ou dans les trajectoires qu’il trouve.

    • Kaelin 6 juin 2023 at 17:55

      En fait même en coup droit, puissance, au service et j’en pense il devient injouable…
      J’attends cette demi + que jamais contre Alcaraz…ça peut être dingue

      • Bapt 6 juin 2023 at 18:05

        Au troisième set c’est 19 coups gagnants pour Djoko contre une faute directe !

    • Bapt 6 juin 2023 at 18:04

      Le Djoko a élevé lentement son niveau de jeu (bien médiocre au début). Il fallait vraiment le broyer au deuxième set où il était quand même prenable.
      Dommage de la part de Kachanov. Je n’y crois plus trop au quatrième set.
      Par contre, Djoko ne devra pas commencer son match comme cela contre Alcaraz. Sinon il aura un deux sets zéro dans les dents très vite.

      • Sam 6 juin 2023 at 18:27

        Hmm…Certes, mais tout cela n’est-il pas un brin désobligeant pour Tsi ?

        • Bapt 7 juin 2023 at 08:25

          J’ai eu mal pour lui quand même hier.

  4. Jo 6 juin 2023 at 18:35

    IT’S THE MOOOST WONDERFUL TIIIME OOOF THEEE YEAAAAAAR !!!

    • Kaelin 7 juin 2023 at 14:57

      Je ne te remercie pas Jo, en voyant ton message en me réveillant j’ai eu ensuite la musique en tête toute la journée…

  5. Jo 7 juin 2023 at 09:13

    Nadaluctable. J’en viens à me demander si l’Alcovic que l’on nous promet abracadabrantesque ne fera pas pschitt, si la vraie question n’est pas de savoir si Nole tiendra quatre, cinq… ou trois sets. On nous promet un Nodal nouvelle formule, je songe au Fedal de 2005. Vous rappelez-vous la théâtralisation télévisuelle préalable à l’affrontement ? Le spot publicitaire, le jingle de blockbuster. Et, à la fin, c’est toujours le même qui gagne.

    (Juan) Carlos a créé un monstre. Trop fort, trop tôt. Il lui faudra vite un contradicteur, Holger, Arthur, respectivement un peu et beaucoup trop jeunes, pour que l’on ne passât pas de Tapioca à Alcaraz. Sauf cataclysme, la messe est dite cette année. Casper, le gentil fantôme des finales (tout à fait, Morglen), est méritant, percutant même, mais quand je le regarde dans les yeux, je vois la marionnette de Didier Deschamps aux Guignols. Dans les ténèbres feutrées des sessions nocturnes, Sascha redevient lui-même mais un convalescent peut-il terrasser un mutant ?

  6. Sam 7 juin 2023 at 09:31

    …On peut avoir un Wimbledon intéressant, hum.

    • Jo 7 juin 2023 at 09:39

      Je le crois. Djokovic ferait bien de se dépêcher d’y gagner un 23e Grand Chelem, sans quoi, son absence imbécile à Melbourne l’an dernier risque de peser lourd dans sa course aux records.

  7. Rubens 7 juin 2023 at 10:54

    On parlait plus haut des matchs vraiment importants dans la carrière de Carlitos. Celui-ci est le premier. On va voir si son sourire est toujours là. On va voir surtout s’il est ou non le meilleur joueur du monde, comme l’affirme le classement. Face à l’Immonde j’en ai évidemment très envie, mais je ne prends pas mes désirs pour des réalités. J’ai trop souvent vu le Serbe passer ric-rac en cours de quinzaine de GC et ensuite sprinter sur la fin, pour ne pas m’en méfier comme de la peste. Lui il sera là, j’en suis certain. Et Carlitos, ta fin de match chaotique hier soir, il faudra à tout prix éviter ça. Face à un Tsi² en phase Mormon au revers aussi tranchant qu’une asperge c’est sans conséquence, mais face à Novak Djokovic ça ne passera pas.

    Sur leurs matchs d’hier il n’y a pas photo, l’Espagnol doit gagner. Mais je sablerai le champagne quand je l’aurai vu de mes yeux.

    Rappelez-vous Pagnol racontant les concours de pétanque de son enfance : on fait durer les duels intermédiaires, afin de faire croire à nos adversaires qu’on est moins forts qu’on ne l’est en réalité, et surtout afin de leur laisser le temps de siroter davantage de pastis pendant la journée. Pour mieux accélérer sur la fin. Je doute que le Phallostrate ait lu Pagnol, mais la technique est bien connue.

    Allez Carlitos !

    Et dans un deuxième temps, en effet, il faudra se pencher sur le nouveau monstre.

    • Jo 7 juin 2023 at 13:49

      Le terrain livrera sa vérité mais je ne pense pas que l’anti-méthode Coué soit nécessaire.

  8. Perse 7 juin 2023 at 13:44

    Bon déception pour Jabeur mais Haddad Maia est une bête physique qui fait preuve d’une solidité très impressionnante. Toutefois sa suspension pour prise d’agent anabolisant en 2018 ternit grandement sa réputation, surtout que le consensus de l’antidopage tend à estimer que les agents anabolisants donne un effet bonus pérenne aux tricheurs (cas de Gatlin et de Chambers en sprint notamment, source : toujours le Magazine Sport & Vie).

    Elle a fait exploser mentalement Jabeur au deuxième set.

    L’ironie est que les affaires de Seyboth Wild vont lui faire de l’ombre.

  9. Perse 7 juin 2023 at 16:39

    Ce début de match entre le Russe et le Basque est intense et cela frappe très fort. Pourtant, il y a également le sentiment que ça ne joue pas le même sport qu’Alcaraz qui tape aussi fort, se déplace deux fois plus vite exploite beaucoup mieux la moindre opportunité.

  10. Rubens 7 juin 2023 at 23:17

    Oui Casper. OUI !

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