Comme il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, je vous annonce avoir fini par voir « La méthode Williams », film de 2021, bien que m’étant juré de ne pas apporter d’eau au moulin de la famille Williams. Mais un pari perdu est un pari perdu…
A ma grande surprise, je suis allé sans trop d’efforts jusqu’à la fin, le film se laisse regarder sans problème. Mais les petites ou grandes inexactitudes ou omissions y sont nombreuses, et je crois nécessaire de rétablir quelques vérités à propos de la jeunesse des sisters.
Commençons par la fin. Le tournoi d’Auckland qui clôt le film ne s’est pas disputé en extérieur, c’était un tournoi en salle, sur une surface rapide plutôt idéale pour une jeune Venus Williams devant affronter la renvoyeuse infatigable qu’était Arantxa Sanchez. Cette dernière n’était d’ailleurs pas la n°1 mondiale comme l’indique le film, mais la n°2, elle a accédé au trône deux mois plus tard, après l’open d’Australie.
Arantxa Sanchez n’a pas pu aller aux toilettes pendant 10mn à un moment du match (3/1 dans le deuxième set) où les deux joueuses ne changeaient pas de côté, car c’était strictement interdit. Elle est bien allée aux toilettes, mais un jeu plus tard, à 3/2, et elle n’y est pas restée 10mn. La mise en scène nous montre une n°1 mondiale en perdition contrainte à une pause excessivement longue pour casser le rythme adverse afin de cocher les cases d’un happy end à la sauce Hollywood. L’Espagnole a bien gagné sur le score de 2/6 6/3 6/0, mais elle n’a pas eu besoin pour cela d’avoir recours à un comportement antisportif. Quoi qu’en disent ou écrivent Venus, Richard ou Rick Macci.
Certaines omissions ne peuvent être involontaires. Une, notamment, modifie en profondeur le regard que l’on aura sur la trajectoire de Richard Williams et de sa progéniture. A la naissance des deux sœurs, la famille vivait à Long Beach, une banlieue cossue de Los Angeles. C’est le choix du père de déménager vers Compton, l’un des endroits les plus dangereux au monde, gangréné par les trafics, la détresse sociale et les règlements de comptes à balles réelles. Venus et Serena n’avaient pas le droit de s’asseoir pour reprendre leur souffle pendant les entrainements avec leur père, en revanche elles avaient le droit de se coucher lorsqu’une fusillade éclatait. Le film, qui se veut le portrait inspirant de deux adolescentes utilisant leur talent raquette en main pour échapper à l’horreur du ghetto où elles grandissent, oublie délibérément de préciser que c’est leur propre père qui avait décidé de les y mettre afin de les endurcir.
Le film ne précise d’ailleurs pas non plus que leur sœur aînée Yetunde, la seule de la fratrie à rester à Los Angeles pour y poursuivre ses études, est devenue infirmière. Mère de 3 enfants, elle a récolté – et succombé à – une balle perdue à Compton, en 2003, à l’âge de 31 ans. En installant toute sa famille à Compton, quelles étaient les chances pour que Richard Williams devienne le père de deux championnes de tennis ? Et quelles étaient les chances pour qu’un membre de sa famille (ou lui-même, d’ailleurs) se fasse assassiner ? La perspective de voir son rêve se concrétiser méritait-elle de mettre ainsi en danger toute sa famille ? Autant de questions que le film n’esquisse même pas mais qui ne sont pas neutres, à moins de considérer Yetunde comme un élément du décor et sa mort tragique comme un dommage collatéral.
Pour autant, tout n’est pas à jeter dans ce film, loin de là .
A commencer par la réflexion sur l’élément le plus difficile à croire de l’histoire et qui n’en est pas moins authentique, le choix du père de ne pas inscrire ses deux filles dans les tournois juniors. La pression du résultat, les appétits des sponsors, le sacrifice des études et de la vie familiale, Richard Williams a épargné tout cela à ses deux filles. Car il voulait leur laisser leur jeunesse. Mais aussi par son obsession de ne dépendre de personne, qui est un fil rouge du personnage et du film. Venus et Serena Williams sont uniques sur au moins un point, celui d’avoir déboulé directement sur le circuit professionnel sans avoir disputé le moindre match au cours des années précédentes. Ce qui rend d’autant plus exceptionnelle la performance de Venus à Auckland !
Autre bon point, le film mentionne, pour le coup avec justesse, la trajectoire brisée de Jennifer Capriati. Le montage narratif du film met en miroir les pressions extérieures sur Richard Williams pour qu’enfin il accepte de faire jouer des matchs à ses filles, avec le reportage télévisé sur l’arrestation de Jennifer Capriati pour détention de marijuana. King Richard a choisi de ne jamais sacrifier les études de Venus et Serena, et de les laisser à l’écart du gigantesque appareil marketing qui multipliait les appels du pied dans leur direction. Ce même appareil marketing qui avait accentué la pression sur Capriati, en la plaçant à 14 ans à la tête d’une fortune colossale, puis en la lâchant totalement en rase campagne alors que Jenny craquait complètement sous la pression. Richard Williams avait compris, mieux que d’autres, que les personnes tournant autour de Venus en lui faisant miroiter des sommes ubuesques n’avaient en réalité aucune bienveillance à son endroit et ne voyaient en elle qu’une machine à cash. Son histoire personnelle le conduisait sans doute à un soupçon naturel à l’endroit d’un univers, celui du tennis, particulièrement riche et blanc.
En ce qui me concerne, je sors de La méthode Williams avec l’impression mitigée d’avoir assisté à un hommage des deux sisters à leur père, rien de plus, rien de moins. Leur sensibilité propre n’apparaît presque pas dans le film, elles semblent avoir simplement cru sur parole leur père et avoir eu confiance en leurs propres capacités. Que serait-il arrivé si l’une des deux avait manifesté le désir de faire du théâtre plutôt que du tennis ? Richard Williams aurait-il réussi à s’arrêter avant de la détruire, comme tant de parents l’ont fait et continuent à le faire ?
Au regard de tout ce qui s’est passé ensuite, cette histoire familiale peu commune reste une magnifique occasion d’interroger les méthodes de fabrication d’un champion, lesquelles ont fonctionné, lesquelles ont fonctionné avec une poignée d’enfants prodiges mais en ont détruit beaucoup d’autres, quels sacrifices sont nécessaires pour accomplir une telle trajectoire et ces sacrifices ont-ils un sens. Je ressors de La méthode Williams orphelin d’un film qui aborderait en profondeur ces questions, ce n’était manifestement pas ce film-là .
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LA METHODE WILLIAMS
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Titre original: « King Richard »
Sorti en salles le 1er décembre 2021
2h 25 min
Réalisateur : Reinaldo Marcus Green
Scénariste : Zach Baylin
Avec Will Smith, Aunjanue Ellis-Taylor, Saniyya Sidney
Tags: Cinéma, Williams


C’eut été un scandale de laisser un texte pareil sous la forme d’un simple commentaire.
C’est un mystère un peu effrayant, le cas des soeurs Williams. Une histoire qui se termine bien mais qui aurait pu se terminer très mal. Une histoire singulière (2 filles qui ont dominé le tennis mondial) qui donne à penser qu’il y a une recette pour produire des championnes alors que peut-être le plus miraculeux dans cette histoire est qu’il n’y ait pas eu de désastre.
Mais peut être au fond qu’il y a eu aussi beaucoup de vulgate dans cette affaire pour transformer une histoire ordinaire de deux filles douées qui jouent au tennis en une légende extraordinaire, dure, violente d’un père intransigeant qui a voulu faire de ses filles le bras armé de sa puissance. Bien malin qui pourrait savoir.
En tout cas, il peut y avoir beaucoup de violence dans le tennis.
Mais pas dans le commentaire du tennis puisque Rubens et Perse sont revenus pour notre plus grand plaisir…
Dans la biographie « officielle » de la Williams family, certains points sont avérés. Le tout étant de savoir, dans le film, quelle est la part de vérité, quelle est la part d’omission et quelle est la part de mensonge. Je n’en ai pas la moindre idée. Mais parmi les faits avérés, il y a la volonté délibérée du père d’embarquer sa famille pour Compton, l’un des endroits les plus dangereux au monde, et précisément pour cette raison.
Il m’est impossible de dire ce que j’aurais ressenti si l’un de mes enfants avait hérité d’une balle perdue dans une telle situation. A minima, j’aurais cessé sur le champ de plastronner devant les micros, et j’aurais probablement été écrasé sous le poids du chagrin, de la honte et de la culpabilité.
Donc pour moi justement il y a eu désastre, et c’est la carrière des sisters qui est un détail au regard de la tragédie qui a frappé la famille. Dans cette tragédie, la responsabilité de Richard est écrasante. C’est pour cela que je ne voulais pas le voir, parce que je ne voulais pas apporter une once de caution à une démarche pareille.
Il est évidemment impossible d’affirmer que Venus et Serena auraient réussi la même carrière si elles étaient restées dans un lieu calme où leurs jours n’étaient pas en danger. Elles y auraient sans doute subi le racisme endémique de leur pays, mais pas la violence spécifique de Compton.
Je ne connaissais pas ton opinion là -dessus mais je la partage tout à fait. C’est pour cela que moi aussi le personnage m’a toujours profondément déplu. On peut facilement imaginer qu’un père qui prend une telle décision (Compton) pour un tel motif (s’endurcir pour gagner plus, si je puis dire) a du exercer une pression insupportable sur ses filles. C’est pour cette raison que je parlais de mystère quant à la carrière et à l’apparente santé psychique des soeurs Williams. L’hypothèse que je soulevais portait moins sur la vérité (ou le mensonge) quant à la réalité des faits mais plutôt sur leur exagération pour en faire après-coup un « récit » glorieux, une vulgate, tout à la gloire justement du géniteur qui savait mieux que quiconque ce qui convenait à ses filles. Car au fond, si cela était tel que raconté, si dangereux, si atroce, avec un déménagement fait pour un tel motif, on peut légitimement penser que ce type est atteint d’une psychose blanche, comme on dit dans le jarfon de la folie. Peut-être n’a-t-il déménagé que pour une raison financière non dite. En même temps, il est vrai qu’une de ses filles en a payé le prix fort. Finalement, c’est une histoire crasseuse, l’histoire du père Williams.
Pour changer de registre, j’ai eu le plaisir de voir la finale Bublik Royer. Finale de très grande qualité. Un Bublik en feu au service, bien dans son tennis, constant pendant 2 sets, sérieux avec toujours cette pointe de folie qui dans les moments très chauds atteste que le plaisir pur du jeu est tours là .
Mais la très grande et très bonne nouvelle est que dans ce contexte, le Français a livré une partie exemplaire pendant 2 sets. Il est bon partout, le Valentin : au service, au retour, en coup droit, en revers, pas mauvais au filet. Il est constant dans l’échange et très puissant. Franchement, je ne le connaissais pas, il est très bon, très très bon.
ça plaisir de te relire Rubens.
Je t’ai traumatisé, c’est dommage. La page est tournée pour ma part.
La tournée américaine et la dynamique d’Alcaraz est impressionnante en tout cas. Les deux ne pratiquent pas le même sport. Là , cela fait 5 mois que l’Espagnol est en pleine bourre, il est très rare que les champions tiennent ce rythme beaucoup plus longtemps.
Les jeux ne sont pas faits pour le n°1 de fin d’année même si évidemment Alcaraz a beaucoup plus de points à prendre.
Apparemment Sinner entreprend un énième chantier sur le service. A noter que les 2, même au sommet n’hésitent pas entamer des chantiers en cours de saison.
Salut Perse,
OK, on passe à autre chose.
Et non, tu ne m’as pas traumatisé.
@Rubens,
Très intéressante ton hypothèse sur la « Heimweh » de Tsitsipas, qui peut aussi peut-être expliquer le nombre de doubles pratiqués avec son frère sur le circuit.
Sinon, le « What the Vlog » de Daria Kasatkina est doublé maintenant en Français ou a également des sous-titres professionnels en Français.
C’est une mine d’or sur la vie du circuit et franchement, Mirra Andreeva qui est souvent invitée dedans épate : on se dit que son succès et ses performances ne viennent pas de nulle part.
@Nathan,
Mon texte n’était pas un article au départ, c’est Colin qui en a fait un article
. Il faudrait que je développe un peu.
Je suis un lecteur attentif de Howard Zinn, qui a écrit « Une histoire populaire des Etats-Unis », en réalité une monumentale contre-histoire qui reprend tous les événements marquants de leur histoire mais les raconte du point de vue du peuple et non des dirigeants. Dans les premières pages du livre se trouve le passage le plus important, celui où l’auteur expose ses motifs. Prenant l’exemple de Christophe Colomb, il examine la biographie que Samuel Eliot Morison avait consacrée au navigateur, ouvrage paru en 1954 et qui fait encore aujourd’hui référence dans les programmes scolaires américains. Morison évoque « en passant » les massacres des indiens Arawaks, qu’il qualifie de génocide le temps d’un paragraphe, pour mieux revenir à ce qui l’intéresse le plus, le formidable meneur d’hommes doté d’un non moins formidable sens de la navigation. « Puisque le choix de certains événements et l’importance qui leur est accordée signalent inévitablement le parti pris de l’historien, je préfère tenter de dire l’histoire de la découverte de l’Amérique du point de vue des Arawaks. » écrit Howard Zinn. 500 ans plus tard, Christophe Colomb a son jour dédié, il est le premier d’une longue liste de personnages « clés » dont l’histoire officielle américaine a fait des héros tout en mettant sous le tapis le point de vue de ceux qui ont été les victimes de leurs actions.
La méthode Williams est l’allégorie de cette pensée. Le seul pitch du film, « Richard Williams vu par ses deux filles prodiges », annonce la couleur. Il y est présenté comme l’un de ces multiples « héros » américains qui, chacun à son échelle, aurait usé exclusivement de son génie et de sa force de travail pour réaliser ses rêves. Le mythe du rêve américain. Hollywood produit à la chaîne de tels films, avec d’ailleurs une nette tendance, le registre de la pure fiction ayant ses limites, à en faire des biopics pour que l’histoire paraisse encore plus réelle et donc plus inspirante. Ainsi est évacué le gigantesque tas de fumier sur lequel ce pays s’est construit. Yetunde Williams a rejoint ce tas de fumier en 2003, et elle n’est manifestement pas à la veille d’en sortir.
En souvenir de Robert Redford, je me suis repassé La poursuite impitoyable l’autre jour. Ce film fut taillé en pièces par la critique de l’époque pour son regard crépusculaire et pessimiste du deep south, et pour ne rien arranger il fut renié par son réalisateur Arthur Penn qui n’avait pas eu le final cut. Pour autant, il n’a pas pris une ride. Pas de véritable héros, pas de pur méchant non plus, mais une radiographie millimétrée d’une middle class totalement bourrée, doublée d’une montée en tension jusqu’à l’explosion de violence qui ne fera aucun vainqueur. Moins flamboyant que La méthode Williams, mais ô combien plus réaliste et profond…
Oui Nathan, Richard Williams est d’abord un grand malade. Tout comme Nick Bollettieri (auquel j’avais consacré un article) porté aux nues par le monde du tennis au début des années 90, alors qu’en grattant un peu les dommages collatéraux de son « école » auraient dû sauter aux yeux.
« La méthode Williams est l’allégorie de cette pensée. Le seul pitch du film, « Richard Williams vu par ses deux filles prodiges », annonce la couleur. Il y est présenté comme l’un de ces multiples « héros » américains qui, chacun à son échelle, aurait usé exclusivement de son génie et de sa force de travail pour réaliser ses rêves ».
Je n’ai pas vu le film mais je comprends très bien. D’ailleurs, l’acteur principal Will Smith en parle ainsi, ce qui est assez hallucinant sur son incapacité à percevoir les risques énormes que cet homme a demandé à ses filles d’endosser, pas seulement ceux de vivre dans un quartier violent mais surtout ceux de subir au quotidien cet espèce de bourrage de crâne qu’il leur a infligé pendant des années.
Bollettieri, c’était moins grave, si je puis dire : il était cupide et il n’était pas le père des enfants qu’il entraînait. Là en l’occurence, il s’agit d’un père, de leur père. Les filles Williams n’ont pas eu le choix. Aucun.
La leçon Williams est peut être tout autre. Avec un autre père aimant, attentif et passionné de tennis, les deux soeurs athlètiquement extrêmement douées et gâtées par la nature génétique seraient devenues toutes les deux de très grandes championnes de tennis. Peut-être même meilleures ! Au moins pour Vénus qui aurait considérablement amélioré sa technique grâce à un enseignement autre que paternel car techniquement, Vénus – même si je sais que l’essentiel n’est certainement pas là au tennis – c’est très très très mauvais. Mais il est vrai que ce pitch est moins vendeur.
Et en parlant de bourrage de crâne, il y a un passage du film où Richard renvoie un ponte dans ses 40m en lui expliquant que Venus parle 4 langues. Est-ce que c’est vrai ? Je n’ai jamais entendu Venus parler autre chose que l’Anglais. J’ai vu Serena, par contre, invitée du Grand journal de Canal+ vers le milieu des années 2010. Elle répondait dans un Français hésitant mais savoureux aux questions de Yann Barthès. Peut-être ai-je les idées mal placées, mais ça me semblait être davantage le fruit de son compagnonnage avec Glouglou que de son éducation dans la cité des Anges. Les Sisters ont réellement appris 4 langues dans leur jeunesse ?
« Mais il est vrai que ce pitch est moins vendeur. »
Moins vendeur. Voila, c’est le mot. La quintessence de Hollywood est donc de nous vendre quelque chose. Là , le pitch est clairement de faire de Richard Williams un personnage inspirant. Et de véhiculer coûte que coûte, certes à une échelle modeste, le fameux mythe dont je parlais.
Après, pour Will Smith, il n’est pas non plus forcément dans le secret des dieux sur ce qui s’est réellement passé. Il est juste dans la lignée de ces millions d’Américains qui, consciemment ou non, croient au rêve américain. Je n’ai pas les détails de sa biographie, mais peut-être en est-il lui-même une incarnation. Mais quand je vois les deux sÅ“urs au générique, je n’imagine pas une seule réplique qui n’aurait pas eu leur validation. Donc ce sont bien elles aux manettes du film. Will Smith, je l’imagine mal expliquer que son personnage est totalement fracassé de la tête, mégalomane et tortionnaire, alors qu’il est le coproducteur du film et qu’il lui a valu un Oscar. Lui aussi est là pour vendre
Je mate la rediff de Sinner/ De Minaur à Pékin. On arrive à la fin du 2e set et j’attends toujours les velléités de variations de Jannik
Je tape fort, je tape fort, je tape encore plus fort, jusqu’à ce que l’autre explose ou, plus rarement, que je parte à la faute.
Pire : il y a bien eu un slice ou deux côté revers, mais dont on perçoit qu’il les joue pour les jouer, sans plan derrière, sans idée précise de ce que son coup appelle à la frappe suivante.
Je ne dis pas qu’il n’y parviendra pas parce que c’est un bosseur et qu’il va travailler, mais il part vraiment de loin pour amener un peu de finesse à sa palette brut(al)e.
Mouhahaha il est juste là pour décoller la tête du mec en face. Agassi disait que le tennis c’était de la boxe sans les contacts. J’ai jamais autant eu l’impression qu’avec Jannik que le gars cogne son punching ball. Limite face à AdM il ne le fait même pas courir, il lui cogne dessus plein axe jusqu’à ce que le poignet d’Alex ne supporte plus l’impact !
Sinner, c’est un Davydenko amélioré qui a réussi. Plus puissant, plus rapide, plus brutal, plus physique, servant mieux, sachant tout faire même s’il ne fait pas tout sur le terrain, loin de là . En plus il a la personnalité de son tennis : sérieux, équilibré, obsessionnel, très obsessionnel. Performant, très performant. Mais pas très fun.
Par contre je viens de voir Carlos vs Taylor. Carlos, c’est tennis champagne à tous les étages. Il se met en danger parce qu’il veut faire compliqué quand il peut faire simple. Et il se sort du danger parce qu’il fait compliqué en refusant de faire simple. C’est un cas. C’est brillantissime. Je n’ai jamais vu une telle facilité. Pourtant, il jouait bien Taylor, très bien.
Nikolay, ah oui ? Marrant, pour moi Sinner est un Berdych qui a réussi (avec plus de sang-froid et un meilleur coup droit, et les mêmes lacunes dans le petit jeu).
Nan mais Alcaraz c’est un cheat code. Le gars peut autant jouer la puissance dévastatrice que le touché délicat, c’en est indécent
Disons alors, dans une vision syncrétique, que l’Italien est un savant mélange de Davydenko (pour le côté mitraillette) et d’un Berdych qui serait devenu régulier (pour la brutalité et la pureté de « ses avions »)… et de Lendl pour la mentalité obsessionnelle, travailleuse, et peu glamour.
Carlos, c’est le plus grand talent des 25 dernières années, au niveau de Federer, c’en est écoeurant.
Sinner est plus dans la filière d’un Courier, méthodique, appliqué, discipliné. Enorme talent bien sûr, mais moins flashy.
La suspension de 3 mois de Sinner brouille un peu l’analyse de la saison, il est probable que les 2 terminent dans un mouchoir de poche en faveur d’Alcaraz même si pour moi, Sinner demeure encore un peu au-dessus sur l’ensemble d’une saison.
Quant au petit jeu de Sinner, il est loin d’être mauvais, ce n’est pas Zverev. C’est juste que dans le jeu basique, personne n’est meilleur que lui.
Perse, je crois que la question est désormais résolue…
Cette saison 2025 aura en tout cas accouché de plusieurs surprises :
– L’excellence de Carlitos (déjà connue) se prolonge depuis de longs mois, et il ne donne pas le moindre signe de faiblesse. C’est là -dessus que je l’attendais il y a deux ans, il était juste stupéfiant de talent mais il l’était beaucoup moins sur le plan de la constance, et il était freiné par les blessures. Il m’a fait mentir, et il est désormais capable de faire des choix pour son corps. Son forfait pour Shanghai en est l’illustration. Mea culpa.
– La terre battue n’avantage pas forcément Alcaraz face à Sinner. Je ne doute pas que le Transalpin gagnera un jour à Paris.
– Le gazon n’est pas le jardin d’Alcaraz, le Béornide s’est bien chargé de le démontrer. Le gazon n’est d’ailleurs plus le jardin de qui que ce soit.
– Jannik n’est pas invincible sur dur, comme ont cru pouvoir l’écrire certains journalistes.
– Et enfin, les pépins physiques ne sont pas réservés à Carlitos, son rival en connaît aussi.
Vous allez un peu vite en besogne, les gars, à rester fixés sur le duo de tête. Et si Valentin Vacherot (inconnu au bataillon) se spécialisait dans les tournois asiatiques en milieu chaud et humide ? Franchement, il joue très bien.
Merci pour l’article ou le commentaire. J’avais bien aime ce film qui avait le merite d’etre assez authentique, ce qui n’est pas toujours le cas des productions hollywoodiennes sur le sport.
Sur le sujet de qui vous rappelle Sinner, moi, ces derniers mois c’est le Jim Courier du debut des annees 90 qui me vient a l’esprit. Bon OK, il faut avoir un certain age pour la reference.
Mais a une (courte) epoque Courier depassait en puissance a peu pres tout le monde. Il etait plus costaud, plus rapide, frappait plus fort et semblait irresistible. Sauf que son manque d’option technique et tactique ont fait qu’au bout de 18-24 mois la plupart des meilleurs de l’epoque avaient trouve la parade. Et tres vite Courier est passe au second, voire meme au troisieme plan.
Et sans evolution, c’est ce qui risque d’arriver a Sinner, et peut etre assez bientot.
Décidément2025 sera l’année des Valentin (Royer, Vacherot) ! Très belle victoire de Vacherot contre Griekspoor qui pourtant jouait vachement bien.
Vacherot über alles !
Vacherot deviendra-t-il notre Valentin pour toujours ? Il y a un truc que je ne comprends pas. Comment un gars classé au-delà de la 200ème place peut-il jouer de façon aussi concentrée, mature et performante (je ne dis pas inspirée, inspirée c’est autre chose) ? Le tableau de chasse commence à devenir en effet très impressionnant ! On dira qu’il a été blessé assez longtemps. Certes. Mais il a quand même 26 ans. Ce n’est pas le perdreau de l’année. Qu’est-ce qui peut expliquer une telle mutation ? Est-ce l’amour qui donne des ailes à Valentin ? Je ne vois que cette seule possibilité.
Un Masters 1000 à Shanghai, c’est un truc très long, on ne sait plus quand ça a commencé ni quand ça va finir, et où il y a RinderKnaiche et Vacherot en demies.
Et allons-y soyons fous, que les deux cousins croisent le fer en finale !
Quand je pense que j’avais écrit un article me moquant de l’Open de Rennes l’année où Riderknaiche a gagné et qu’il était 388 mondial…
Là , je le vois bien passer Daniil. Par contre, son cousin, face à Djoko, faut pas déconner quand même.
Allez ! je me jette à l’eau : Medvedev vs Vacherot et victoire de Medvedev.
Rinderk c’est l’illustration des mystères du tennis. 4 ans qu’on sait que le mec a tous les coups dans la raquette, 4 ans qu’il bat (Sinner déjà 17e en 2021) ou inquiète (Carlos au Queen’s en 2023) les meilleurs, et c’est seulement maintenant qu’il se décide à reproduire face au tout-venant (il avait quand même encore perdu sur Vieux Goffin en qualifs à Pékin la semaine passée) ce qu’il fait contre les tops joueurs. A 30 piges. L’éternelle maturité tardive des joueurs de tennis français. ça aussi ça mériterait un article explicatif (la faute à l’Assistanat fédéral là aussi ?)
Le tennis est un sport à maturité plus tardive aussi. Les records de longévité datent tous de la période contemporaine. A 30 ans, il y a encore aisément 3-4 ans sous le capot.
En tout cas avec Rinderk on la tient la démocratisation du tennis. Famille séculaire du tennis parmi les fondateurs du club de Saint-Mandé, naissance à Saint-Tropez, jeunesse à Saint Germain en Laye, cousins monégasques, déjà le cheveu-de-riche même si pas encore blanc, c’est Grand chelem. J’suis à peine déçu que son camp de base breton soit à Rennes. On aurait mieux coché l’ultime case gagnante quelque part dans le Morbihan, à Vannes ou Larmor-Plage.
Drôle !
J’ai eu la soeur de Rinderk comme cliente à quelques reprises dans ma cave, charmante et franche, rien à signaler et pas de violence symbolique particulière de sa part.
Pour avoir fait ma jeunesse post-expat à Saint-Germain-en-Laye (à partir de mes 10 ans), quel enfer que les gens du plateau !
Et quitte à sonner odieux aux oreilles de Rubens, la bourgeoisie française de St-Ger est très complexée par rapport à la parisienne du 7,6, 16 et 92 dont elle copie les travers en ayant 10x moins de thunes (les rallyes de St-Ger, ou une histoire de soirée Potemkine). En revanche, niveau endogamie et nombrilisme l’imitation est parfaite.
La communauté autour du lycée International est plus brassée, originale et surtout peut faire un beau bras d’honneur aux petits bourgeois du plateau.
Perse, je serais prêt à trouver ça odieux, si seulement je comprenais de quoi vous parlez tous
En tant que non-Parisien, je dois avouer que les complexes de St-Ger vis-à -vis des certains arrondissements de Paris, tempérés par la certitude d’être moins bourges que ceux de Versailles, je trouve ça vaguement ridicule, mais c’est comme les turbulences actuelles de là -haut : je préfère en rire qu’en pleurer.
Si je peux apporter une pierre à votre discussion, ce sera en tant que Bordelais no-native, qui observe mes semblables girondins avec le même détachement que si c’était des Parisiens. Le mépris qu’ils vouent aux habitants du Médoc me semble du même calibre que celui des Parisiens vis-à -vis des banlieusards.
Et par ailleurs, je crois me souvenir, il y a plusieurs années, des boulangers bordelais qui avaient profité de la mise en service du TGV Paris-Bordeaux pour proposer un tarif plus élevé pour les pains au chocolat que pour les chocolatines. Du grand art. Alain Juppé avait dû intervenir pour calmer le jeu.
Ah mais l’antipathie des Bordelais est perçue par tout le monde, pas que les médocains. Même les parisiens lèvent les yeux au ciel.
Le coups des chocolatines/pain au chocolat me semble être une bonne blague, une légende urbaine mais il est vrai que le TGV a changé la sociologie du Pyla, d’Arcachon et du Cap-Ferret au grand dam des mêmes bordelais.
J’avais une boulangerie juste à côté de chez moi, je te garantis que ce n’était absolument pas une blague. Je n’ai pas hésité à faire 500m de plus pour aller chercher mon pain… et mes chocolatines donc.
Je crois quand même noter un complexe par rapport aux Parisiens. Ils aimeraient être des Parisiens en fait, ils vivent mal de n’être que des provinciaux.
Le TGV les a justement rapprochés de Paris. Ils sont vent debout, en revanche, contre le projet de TGV allant jusqu’à Toulouse. Quand le TGV rasait des zones du Poitou pour aller jusqu’à Bordeaux, ce n’était pas bien méchant. Mais le TGV bousillant des zones de vignes des Graves, il ne faut pas exagérer quand même
Moi qui ai été Saint-Germanois, ne crachez pas sur Saint-Germain-en-Laye, les Saint-Germanois sont bien préférables aux Versaillais ! haha
Ils ont une qualité les saint-Germanois, ils font les bons pronos ! Qui c’est qui est finale, c’est Valentin ! Bravon Nathan !!!!
Ah ah, il n’y a pas de rivalité non plus entre les deux villes.
Le cousin monégasque – ça s’invente pas ça, qui a des « cousins monégasques » ? – a réussi à passer. En toute logique, le cousin de Saint Germain devrait passer aussi. Est-ce que ceci ne donnerait pas la finale de M1000 la plus improbable ever ?
Attention à Medvedev ! Attention !
Et vive Monaco !
Pas possible, je vois que Knaiche tient pour l’instant devant Daniil.
Sérieux, ça serait pas La Finale la plus barrée ever ça ?
C’est fait. Même Lecornu 3 serait moins étonnant.
Juste énorme.
Rinderknech premier ministre !
Super une finale en famille !
Ca se situe où ce M1000 dans l’ordre des scénars les plus dingues ?
Ben quoi, ce sont juste deux cousins qui sont qualifiés pour la finale du tournoi Challenger 100 de Changailles-en-Chinnes, rien de si incroyable, pas besoin d’en faire tout un pataquès.
Il parait que Stéphanie va se déplacer pour la finale pour chanter « Comme un ouragan ». Quelle bonne nouvelle !
Et elle va nous faire un duo avec Sardou
Ou comment un Rinderknech/Vacherot déchaîne plus les foules 15loviennes que tous les Sincaraz du monde
A ce niveau de tournois je pense que c’est la finale la plus baroque ever, un poil devant la Carretero / Corretja de Hambourg 96. A l’instant de la finale les 4 protagonistes se ressemblent pas mal : Carretero/Vacherot pour le qualifié qui sort de nulle part, Corretja n’était à ce stade de sa carrière pas bien plus avancé que Rinderknech (1 titre ATP, un seul huitième en GC)… Avec en différence notable que les deux étaient jeunes : Corretja, 22 ans, y a trouvé sa rampe de lancement, et Carretero, 21 ans… Qu’il n’ait à ce point rien fait après Hambourg est limite une plus grande surprise que son titre.
Reste à savoir demain quel cousin va pourrir le happy end de l’autre. Parce qu’ils ont beau dire tout sourire qu’ils ont gagné tous les deux, demain y’en a un qui va devoir priver l’autre du plus grand accomplissement (et de loin) de sa carrière – provablement même le stopper dans sa seule opportunité de gagner un titre de cette envergure. Ça me fait penser à Corretja qui n’avait pas su mettre l’affect de côté quand il avait joué Costa en demies de Roland (Costa qui devait être son témoin de mariage quelques semaines plus tard). D’Arthur et Valentin, qui sera le sentimental ? Qui sera l’impitoyable ?
L’écart abyssal entre cette finale à Shanghaï et l’ennui absolu, le degré zéro du suspense, de la 14875387ème victoire de la saison de Pogacar au Tour de Lombardie…
A voilà , Guillaume, j’avais un vague souvenir de cette histoire à Hambourg avec de Espagnols. Donc, on est d’accords, Hambourg 96, c’était bien l’étalon du nimp’ à ce niveau ?
Pour le reste des histoires familiales ou de témoins de mariage ce qu’on veut, tout ça me semble être toujours et systématiquement quand ça arrive, juste du gros Bullshit. En tennis, on commence par jouer contre des potes du club. Ok, dès fois tu joues un mec du club que tu peux pas blairer, soit, et pourquoi pas imaginer que ça donne un surcroit de motivation de le battre, mais déjà , ce story telling là est assez louche. Puisque ça suppose que tu serais moins motivé quand le mec en face est un copain…Bref, d’emblée, toute cette histoire de « on est des amis » ou des « cousins », ce qu’on veut, semble bien chelou et assez hypocrite. Mais les sportifs en général et les tennismen en particulier adorent relayer ce genre d’hypocrisie. Alors que tout le monde sait que quand on joue, on joue non ? Et que tu n’arrives à rien si tu considères que tu vas être plus tendre sous prétexte que le mec en face t’a prêté une raquette en 2009. Bref, je serais Knaiche ou Vachelot, je me pointerais devant les micros pour dire que je vais niquer la race de l’autre demain et point barre. D’une ça serait plus honnête pour tout le monde, deux, ça poserait l’ambiance pour le cousin.
C’est la saint Valentin en octobre.
A ce stade, tant qu’Ã faire, autant qu’il aille au bout le Valentin. La victoire de Rind’ serait trop normale.
A ce rythme, il peut piquer la 2ème place à Sinner, il sert mieux ! Alcaraz, c’est une autre paire de manche. Mais quel 3ème set !!!
Cela dit, la vraie question maintenant est : les deux incroyables cousins seront-ils capables d’assumer leur nouveau classement, voire d’être des combattants du top 20 ? Sinon, on risque de les classer comme des heureux gagants du loto d’un tournoi ubuesque à 80 % de taux d’humidité.
@Guillaume, Ã propos de la finale de Hambourg 96.
Comme tu le dis toi-même, il y a quand même une différence de taille, c’est que Corretja et Carretero étaient jeunes. Et en lecteur attentif de Tennis Mag au cours des années 90, je me rappelle des reportages estivaux consacrés aux championnats d’Europe des jeunes par équipes. L’Espagne alignait une nébuleuse de jeunes joueurs talentueux qui exerçait un véritable joug d’une année sur l’autre, avec, de mémoire, Berasategui, Corretja, Carretero, Albert Costa, Moya. Je me rappelle même d’un certain Giesbert, qui lui n’a pas percé ensuite. Carretero et Costa se tiraient la bourre, il me semble qu’ils se sont affrontés en finale de Roland junior.
Bref, cette finale de Hambourg, il m’a semblé sur le moment qu’elle proposait avec Corretja un jeune joueur en pleine ascension qui était déjà top 10-15 sur terre, qui avait déjà un CV assez solide (victoire sur Muster l’année précédente, l’année de la razzia autrichienne) et qui titillait les meilleurs sur terre depuis 2 ans (cf. un troisième tour au couteau contre Goran à RG 94). Sa présence était une demi-surprise en fait, en tout cas rien de comparable avec ce cher Arthur de 30 ans qui gazouillait depuis des années entre top 50 et top 100.
Quant à Carretero, l’histoire est magnifique mais sur le moment je connaissais déjà son nom, et avec ce run allemand il ne faisait que rattraper son – relatif – retard sur ses camarades de chambrée espagnols. Qu’il remporte le titre est certes une grosse surprise, mais plus grosse encore est la surprise qu’il n’ait strictement rien fait ensuite… Et là encore, c’est quand même assez différent de Valentin Vacherot, qui lui sort VRAIMENT de nulle part…
Ce que ce Shanghaï a montré surtout, c’est que derrière le duo de tête ça se bouscule au portillon, et notamment qu’il n’y a pas de « deuxième verrou » qu’ont représenté en leur temps les Ferrer, Tsonga, Berdych, Nishikori, Wawrinka et autres Del Potro, souvent placés et (presque) jamais gagnants, mais qui s’invitaient régulièrement en quarts voire en demis des Masters 1000. Un 20ème mondial atteignant les quarts de finale à Miami ou à Rome, ce n’était déjà pas si fréquent. Si tu ajoutes que tout le monde est sur les rotules en fin de saison, ça débouche sur un Shanghaï carnavalesque, où deux seconds couteaux qui n’avaient pas fait grand chose auparavant (voire franchement presque rien pour le Monégasque) font simultanément un run improbable. Ceci étant, en demi-finales ils avaient en face Djoko et Meddy, total respect à leur performance !
Il l’a même gagnée, cette finale de RG junior, contre Bébert Costa. 93, juste avant que Bruguera ne déboulonne Courier chez « les grands ».
Clairement, c’est a posteriori que sa semaine hambourgeoise prend toute son ampleur (un seul autre quart de finale sur le Tour dans toute sa carrière, stoppée somme toute tôt, à 25 ans !). Je viens de voir qu’il avait sorti un bouquin sur sa vie de tennis – il a monté une académie ensuite, a bcp grenouillé dans les médias – ça me donne envie de me la procurer !
Et le Giesbert que tu cherches est, non pas Franz-Olivier, mais un autre nom à consonance teutonne : Juan Gisbert Junior, fils de Juan Gisbert Senior finaliste de l’OA 68, et d’une mère allemande qui lui a cédé son patronyme complet de Juan Gisbert Schultze.
Juan Gisbert… Monsieur le taulier, tes réflexes sont intacts
Quel est son meilleur classement ?
Là tu m’en demandes trop. Je sais qu’il a fait gros flop aussi, jamais été top 100 contrairement à Roberto, et qu’il a arrêté tôt, mais je n’irai pas plus loin sans tricher
Donc le site de l’ATP nous dit qu’il a été 132e à son top, et qu’il a arrêté à 24 ans. On nous dit aussi qu’il aurait été serveur-volleyeur, rejoignant la trace des quelques specimens espagnols de l’exercice (Lopez, Navarro Pastor).
Le pire c’est que malgré la razzia qu’ils nous imposent depuis maintenant 3 décennies, il y a eu de la casse chez les Spingouins, un paquet de terreurs annoncées qui ont pschitté dans les grandes largeurs : Juan Gisbert, Roberto Carretero, Jacobo Diaz, Carlos Cuadrado… On peut presque considérer qu’on s’en sort bien
Dans le tableau, je te parlais des cadets et juniors, mais à la même époque Ferrero dansait avec Kournikova aux Petits As. La relève était assurée
Et c’est juste dingue, quand on y repense, de se dire qu’en plus ils ont eu de la casse et que tous n’ont pas concrétisé chez les grands. La prise de pouvoir de l’école espagnole est symboliquement le sacre de Sergi en 93, mais quand tu regardes la tendance générale chez les jeunes à la même époque c’est là que tu prends la mesure de la vague de fond qui allait déferler…
Qu’il me soit permis, avec tout le respect que je dois au parcours des deux cousins, d’être plus réservé sur l’hypothèse d’une lame de fond tricolore dont cette finale de Shanghaï serait un signal faible
Je sais pas si tu connais l’histoire de Ferrero aux Petits As : comme beaucoup de jeunes à l’époque, Jean Charles n’avait quasiment jamais mis les pieds hors de son pays. Donc classement européen inexistant. Perplexité chez les organisateurs des Petits As : vu d’entraînement le gamin « avait l’air » de bien jouer, son coach fait le forcing pour faire valoir une tête de série à son poulain, mais ça grince évidemment des dents parmi la concurrence… Je ne sais plus comment ils tranchent finalement, mais ils lui donnent quand même une TS un peu au pifomètre (n°3 je crois)… et Ferrero fait taire toute polémique en traversant le tableau en battant les 1 et 2 Safin et Gonzalez.
Je ne connaissais pas cette partie de l’histoire, non. Mais est-ce que tu fais référence à un « classement européen » qui aurait existé à cette époque ? Safin et Gonzalez TS 1 et 2, d’où ça sortait ? Surtout pour le second d’ailleurs, pour qui un voyage du Chili à l’Europe a dû être une sacrée expérience…
Oui, tout comme il existe un classement ITF junior pour la tranche d’âge des 16-18 ans, il y a des classements continentaux pour les 14-16 ans, et même 12-14. Sauf que cette hiérarchie est assez précise aujourd’hui parce que les filières de détection sont pointues dès la dizaine d’année des mômes, que la pyramide de tournois est assez claire aussi donc au bout du compte les résultats par catégorie d’âges sont aisément lisibles (les mêmes gosses font peu ou prou les mêmes tournois, surtout les meilleurs). Mais dans les 90′s tout ça se faisait un peu plus au doigt mouillé. Un tout bon U14 pouvait passer sous les radars parce qu’il ne jouait pas, ou peu, hors de son pays et n’avait donc que son classement national à faire valoir – ni plus ni moins que le principe du sous-marin chez les amateurs, quand tu tombes sur un ex-pro qui n’a plus qu’un classement anecdotique aujourd’hui mais qu’il t’étale bien évidemment quand même
Sans oublier la particularité des Petits As à se compliquer la vie en voyant plus loin que l’Europe
Comment tu fais entrer Chang ou Gonzo dans le paysage alors qu’ils n’ont aucun référentiel commun (tournois, adversaires, classements) avec les autres ? Alors tu bidouilles, tu regardes des vidéos qu’on t’envoie en acte de candidature, comme du scouting, tu essaies de recouper des avis de gens qui ont vu jouer le jeune en question, tu te fais ta propre opinion en le regardant s’entraîner une fois qu’il est sur site… Au bout du compte, le juge arbitre te dit « lui, je l’évalue à 2/6″ et essaie de le placer en conséquence dans la liste des engagés de son tableau.
Tiens, oublié en terreur des jeunes chez les Espagnols : Alberto Martin, champion d’Europe individuel chez les U14 et U16 au début des 90′s. Lui par contre n’a pas été une foirade intégrale, avec une bonne carrière de Top 50, 3 titres ATP et une poignée de 1/4 en M1000. Il a juste plafonné. C’est « grâce à lui » que Benneteau joue son improbable quart à Roland-Garros, profitant de l’abandon de Martin en 8e.
LÃ tu m’en apprends
Mais dans le cas précis de 94, quand tu me parles de Ferrero, nous sommes aux prémices d’Internet, et envoyer une candidature avec des vidéos du jeune en train de jouer relève encore de la SF.
Dont qu’est-ce qui a fait grincer des dents quand le Mosquito a été désigné TS3 ? Et plus précisément, de quels éléments concrets disposaient les organisateurs pour désigner Marat et Gonzo TS1 et 2 par exemple ? Il me semble qu’en l’absence de référentiel commun, tu n’as pas d’autre solution que de les faire tous s’entrainer en amont du tournoi et de les « évaluer » rapidement en fonction de ce que tu as sous les yeux.
Concernant Gonzo, je me dis aussi que le Chili (ou l’Amérique latine toute entière) a peut-être envoyé la batterie de ses 3 ou 4 meilleurs de la tranche d’âge, en précisant aux organisateurs lequel lui semblait le meilleur ? Ce serait déjà un début…
« en 94 nous sommes aux prémices d’Internet, et envoyer une candidature avec des vidéos du jeune en train de jouer relève encore de la SF. » Oui oui, c’est pour ça que je parle d’une vidéo, une vraie, une VHS
pas un lien Youtube. T’as des footeux de légende qui sont arrivés en Europe comme ça, futures gloires ou futurs flops !
Or cas particulier à la Ferrero ou Gonzo, le référentiel commun, tu l’as : un classement, d’autres tournois de référence ou championnats d’Europe (les fameuses coupes Galéa, Borotra and co… Je ne sais plus laquelle du lot s’adressait aux U14 mais il y en avait une).
C’est quand il y a un cas particulier que l’affaire se complique et que ça vire un peu à la discussion de marchand de tapis. Le coach ou responsable de délégation espagnol « vend » son poulain pour lui obtenir la TS, les coachs ou responsables de délégation adverses s’offusquent car ne veulent pas se faire passer devant (après tout, au-delà de la question du niveau, la TS récompense aussi lae volume de compétition d’un jeune)… et au bout du compte ça se fait « à l’oeil » du juge-arbitre et autres membres de l’orga capables d’évaluer un niveau de jeu en mode « ok, il joue 2/6″ ou « ça joue 0″… Après effectivement qu’est-ce qui motive à donner TS3 plutôt que 4… C’est la part de doigt mouillé, expliquant que les organisateurs étaient bien contents à l’arrivée que Juanki ait mis tout le monde d’accord, bien conscients que sinon ils en auraient pris plein la tronche aussi !
Tiens, trouvé ça : https://www.youtube.com/watch?v=ubUr57VdQ70
Ferrero tout gringalet mais déjà des angles dingues en revers (le croisé court pour s’ouvrir le coup droit final), et Gonzo… bah déjà bien en peine côté revers !!!
Puisque je parlais de Galéa plus tôt, l’Espagne en gagne 5 de suite entre 1990 et 1994. Et ils ne font pas semblant, c’est tarif 2-0 ou 3-0 presqu’à chaque fois. Les joueurs :
1990 : année particulière, dernière où la compétition se joue dans son antique format U20. Trop tardif pour le haut niveau morderne ? Jose Antonio Conde, Alex Lopez Moron et Emilio Benfele Alvarez feront tous des carrières très moyennes.
1991 : La Galéa devient épreuve U18. L’Espagne gagne avec Berasategui, Corretja et Juan Gisbert Jr (dont le père l’avait gagnée dans les 60′s).
1992 : Corretja, né en 74, remet le couvert pour le back to back. Gisbert est encore là aussi et promu n°2 (en gros dans ce format à deux simples et un double, où le premier à 2 points l’emporte, les n°1 et 2 jouent les simples, le 3 fait banquette et joue parfois le double). Le n°3 est ici un dénommé Juan Sebastian Martinez, autre perdu de recherche chez les grands ensuite.
1993 : Costa – Carretero – pourquoi s’embêter quand on a la paire qui vient de jouer la finale de RG juniors ? Gonzalo Corrales est le 3e larron.
1994 : Jacobo Diaz, vainqueur de RG junior, et Carlos Moya, champion d’Europe individuel, sont les titulaires. Fernando Vicente, future valeur sûre du Tour, est le 3e homme.
Merci Guillaume pour ce voyage dans la jeunesse ibérique des 90′s
Et effectivement on voit nettement qu’ils ont eu aussi leur part de casse et de non-concrétisation, comme toutes les nations, mais ils étaient tout de même loin devant, et la mainmise qui allait s’ensuivre n’est au final que le prolongement des promesses du début des nineties.
C’est pour ça que je tempérais l’improbabilité de cette finale de Hambourg 96, qui n’est même plus un signe avant-coureur mais bien l’un des jalons de la prise de pouvoir du tennis espagnol sur terre battue. Muster et Kuerten sont les deux principaux cailloux ayant empêché leur domination totale entre 1993 et 2003, sachant que l’un était un Autrichien nettement plus âgé qu’eux, et l’autre un Brésilien ne pouvant par définition leur disputer la coupe Galéa
Quand tu regardes les rivaux d’étage européens de cette époque, tu as Envqist pour la Suède (champion du monde juniors, en 91 je crois), Fabrice Santoro, Lionel Roux puis Escude-Grosjean-Clément pour la France, Kiefer et Haas pour l’Allemagne, Medvedev (loin devant Kafelnikov) pour la Russie… Kafel est justement l’exception qui confirme la règle, il a bien été le seul européen à chiper un Roland pendant le festin ibérique. Et dans son cas, question promesses de jeunesse, Medvedev était TRES loin devant lui… Mais sur la qualité et la profondeur du réservoir, l’Espagne est nettement devant.
Notons au passage qu’un joueur notable de la fin des 90′s, Felix Mantilla, n’apparaît pas dans ta liste et accusait donc sans doute un retard sur les autres pendant l’adolescence. Les compétitions de jeunes ne disent pas tout non plus
Et dire qu’après une décennie d’orgie de limeuses du fond, on pensait, en 2004, changer au moins de nationalité avec les trois albicelestes en demi à Roland. Un essoufflement du tennis espagnol ? Attendez, on en a un nouveau qui arrive, un certain Rafa
N’oublions pas, dans le tableau d’ensemble, la désignation de Barcelone pour accueillir les JO en 92. J’ai lu à plusieurs reprises que cet événement, avec la manne financière qui l’accompagne, a été utilisé intelligemment par les instances sportives espagnoles pour doter le pays des infrastructures sportives qui peinaient à voir le jour dans un contexte post-franquiste. C’est en 86 je crois que Barcelone est désignée pour les JO, sachant que c’est en 86 également que l’Espagne intègre la CEE. Le contexte économique était largement favorable.
Un autre détail a son importance. En 98, la Suède (à domicile) a explosé l’Espagne, 3/0, en demi-finale de la Coupe Davis. En salle, sur une surface évidemment bien rapide pour gêner au maximum les Espagnols. Moya, héros vaincu, indiquait que l’Espagne comptait seulement deux terrains de tennis en salle. Peut-être exagérait-il un chouia, mais l’idée est là . Il n’est pas impossible que leur armada n’ait tout simplement pas pu s’entrainer en salle en amont de cette rencontre. Ce qui, du reste, est un peu dommage puisque Corretja et Moya allaient croiser le fer deux mois plus tard en finale du Masters, mais entretemps il y avait une saison ATP en salle…
Bref, nous parlons d’un pays qui s’était alors, en l’espace d’une décennie, doté d’équipements sportifs nombreux et de qualité, permettant la structuration d’une véritable rampe de lancement de jeunes prometteurs vers le haut niveau, qui allait provoquer une domination d’ensemble durable, et tout cela ils l’ont réussi sans terrains en salle. C’est peut-être le signe qu’apprendre le tennis en extérieur, avec du vent et sur terre battue, serait un terreau favorable à une ascension vers les sommets ?
Que dit la suite de l’histoire, que disent les 20 dernières années ?
– Safin, Sir Andy, Casperito : formés en Espagne.
ont relevé que les premiers duels qu’il a livrés au Maestro se sont déroulés chez les jeunes en Europe, où il a donc fait de longs séjours tennistiques.
– Hewitt : formé en Australie, mais d’aucuns
– Le Mosquito, Rafa, Ferru, Carlitos : Espagnols.
– Federer, Wawrinka, Zverev, Thiem : l’école germanique. Le climat ne se prête pas au tennis en extérieur à l’année, mais la terre battue, couverte s’il le faut, ça ils connaissent.
– Remarque d’ailleurs valable pour Djoko, formé en Allemagne.
– L’école SudAm : Gonzo, Coria, Gaudio, Nalbide, Delpo. Terre-battue-natives. Ca dépend des provinces, mais en Argentine je crois qu’il y a des zones où on peut jouer dehors toute l’année (au Chili en tout cas c’est certain).
– La filière Bob Brett, devenue filière Glouglou : Ancic, Baggy, Cilic, Tsitsi. Longtemps en région parisienne, mais je doute qu’ils aient oublié la terre battue dans leur cahier des charges. Ajoutons que ces quatre joueurs viennent tous d’un pays méditerranéen, avec un climat favorable permettant de jouer dehors toute l’année ou presque (comme en Espagne donc).
– Pareil pour les Ritals, ce cher Jannik donc, mais aussi Berrettini, dont il est curieux au final que le seul dernier carré qu’il n’a pas atteint soit celui de Roland.
– Enfin Daniil, formé sur la Côte d’Azur. En bon russe irrationnel, il est allergique à la terre, en revanche il est familier des conditions extérieures venteuses.
– Incertitudes sur Berdych et Söderling. Mais je n’ai guère de doutes sur Robin, au vu de son CV sur terre
Ma démonstration a sûrement des trous, mais je me demande si notre Jo-Wilfried national n’est pas, sur les deux décennies écoulées, le n°1 mondial des joueurs ayant évolué essentiellement sur dur et en salle
Et pour finir Messire Guillaume, j’ai une lacune sur ce que tu me racontes. Tu parles de U14, U18, U20, je ne connais pas ce référentiel, qui semblait donc déjà en vigueur aux Petits As en 94. Tu as un lien qui explique tout ça ?
De mémoire, je pense que Guillaume a raison (mais Guillaume a toujours raison puisque c’est le boss
)
Pour la France, à l’époque, comme maintenant d’ailleurs me semble-t-il, les jeunes étaient sélectionnés de la façon suivante :
1/ Tournois spécifiques préqulificatifs régionaux : le premier de chaque tournoi pouvait ainsi accéder à la phase qualificative du Tournoi des Petits As.
2/ Sélection directe de jeunes par la Fédération pour le tableau final en fonction de leur rang dans les tournois internationaux ou de façon intuitu personae (en gros les jeunes du Pôle france ou considérés comme prometteurs) qui s’ajoutaient ainsi aux joueurs qualifiés des préqualifs.
Pour les fédérations étrangères, j’imagine que cela devait être la même chose, à la différence que tous les pays ne devaient pas être structurés de la même façon (notamment pour les tournois préqualifs) et que les jeunes étrangers notamment des pays de l’Est participaient beaucoup plus aux compétitions internationales que les jeunes français, donc avaient souvent des classements meilleurs.
.. qui s’ajoutaient aux qualifiés du tableau des qualifs (composés de joueurs qualifiés des préqualifs) puisque c’est tournoi qui se décline en 3 tableaux : préqualif/qualif/tableau final. je ne sais si je suis clair ?
Je te suis Nathan, je te suis d’autant plus que j’avais été une victime collatérale de ce système : en 91, j’avais perdu en préqualifs. Mais ce que tu me décris concerne la sélection française. C’est pour cela que je demandais à Guillaume si un référentiel international (ou du moins européen) existait et/ou existe toujours. Quand il me parle des U14, je ne vois pas de quoi il parle et ça ressemble à un classement international. Est-ce bien le cas ? Parce que le classement français, 2/6, 4/6, etc., n’est justement qu’un classement français
U14 c’est le classement des tournois internationaux de la catégorie d’âge, donc normalement le classement des meilleurs jeunes. Sauf qu’il n’a pas la valeur du classement des pros adultes dans la mesure 1/ les gamins sont jeunes 2/ tout dépend de la politique de la Fédération de chacun des pays d’envoyer ou non leurs jeunes participer à ces tournois. La France jusqu’à présent n’était pas trop friande d’envoyer les meilleurs jeunes systématiquement dans les tournois internationaux. D’où le poids considérable de chacune des fédérations dans le choix des sélections envoyées pour le tableau final, je dis bien le tableau final. Ensuite je pense qu’il y a une discussion au niveau de la direction du tournoi et des fédérations pour déterminer les têtes de série. N’oublions pas que les gamins ont entre 13 et 14 ans. Cela n’a pas une grande importance.