Ainsi parlait Gaël Monfils

By  | 23 décembre 2010 | Filed under: Insolite

Il est seul sur sa planète, seul de son espèce, aux 15love Awards, le peuple requiert unanime une catégorie à lui tout seul, il est un plébiscite venu d’ailleurs.

Il est liiiibre Gaël ! Y en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler, car ses ailes de géant ne l’empêchent pas de glisser : il est l’as du dérapage, notre albatros au chocolat, celui du verbe ou des gambettes… Il vous laisse le choix des armes, car toujours il aura le dernier mot – sa créativité vous laisse sans voix (généralement mort de rire sur le tapis).

En bouchée de Noël, en papillote ou en dreadlocks, j’ai voulu en cette période frivole compléter le palmarès concocté par Elmar par un travail éditorial à la mesure de l’OVNI : une compilation des révélations de Notrefils à tous. J’ai piteusement échoué à rendre l’ampleur du phénomène – Internet est volatil et seuls quelques propos récents surnagent des flots googleiens, perles de sagesse dont l’interprétation promet une génération de néo talmudistes dans les siècles des siècles.

Heureusement, le Gaël est si fécond que des pépites émergent de la moindre déclaration.

Chemin faisant, je me suis prise d’une grande sympathie pour le personnage qui admet passer ses week-ends à Disneyland (son attraction préférée est Nemo), mettre des chaussures à bouts pointus pour aller draguer, garder une nostalgie des Feux de l’amour dont les épisodes ont animés son enfance. Au beau pays de l’ATP, il est l’oiseau multicolore voltigeant parmi les langues de bois…

Ainsi parlait Monfils :

‘Ça fait vingt et un ans que je suis conçu pour bander ce jour-là, je ne vais pas laisser passer l’occasion.’

Respect.

On a parmi nous tant glosé sur le cœur de Kenyan qui prend Nadal aux 100 mètres, devra être plus malin que lui-même pour faire pièce à ses cogitations dans le prochain match, peut remporter l’US Open sans faire rigoler personne, que je vous passe ces classiques désormais rebattus.

Que dites-vous plutôt de :

‘Quand je sors du court, je suis majeur.’

Admettez que l’aveu suivant décoiffe :

‘Avec moi, au niveau capillaire, ça peut aller très vite.’

Une parole de Gaël, ça se reconnaît à son cours déroutant : il part d’une situation banale, on se retrouve détourné quelque part dans une autre galaxie :

‘J’ai cassé ma raquette, c’est la première fois que ça m’arrive et j’en étais content, ça m’a fait du bien. C’était mythique, du n’importe quoi.’

Le pilote de la navette est d’ailleurs aussi perdu que nous :

‘J’ai essayé de jouer mais je suis fatigué et j’ai un peu mal aux genoux donc j’ai arrêté de jouer… Enfin, je crois.’

‘Mon gros problème est d’arriver à me comprendre. Aujourd’hui je me sens mieux, je joue mieux. J’essaie justement de plus me comprendre.’

Car Gaël est passé maître dans la sentence paradoxale, tel un maître zen proposant au public des koans énigmatiques, destinés à produire l’illumination par le dépassement des dichotomies logiques :

‘Mais il faut me laisser tranquille. Ce n’est pas bon quand je perds du naturel. J’essaie de travailler pour rester naturel.’

‘Je suis en panique mais ça me fait kiffer. Ça va très bien et très mal aussi.’

‘Ce fut un match bizarre mais un match comme un autre.’

Ça c’est Gaël. Quel autre joueur est susceptible d’offrir un aller simple pour le satori au beau milieu d’une conférence de presse ?

Cette pratique régulière d’une ascèse venue d’Orient amène Gaël à manifester une salutaire distance avec lui-même ; c’est le dépassement de l’ego qui explique l’emploi fréquent de la troisième personne à son endroit :

‘Contre Richard, je n’ai pas l’impression d’avoir fait un bon match. J’ai joué pour battre Richard, mais je n’ai pas gagné comme Gaël Monfils doit gagner.’

‘Ce n’était pas le vrai Gaël Monfils. Je n’ai pas été présent, je me suis énervé très vite dans le match.’

‘Après c’est vrai que le Gaël Monfils d’aujourd’hui n’était pas en grande confiance.’

Je me dois de relever que, malgré sa naïveté si touchante, les propos de Gaël ne conviennent pas toujours à tous les publics. A l’attention des bisounours de plus de 18 ans, voici comment il relate sa victoire contre son ami Richard en huitièmes   de finale du dernier Majeur :

‘I mean, yeah, I tried to be very tough and very hard with him, showing him that I’m the man and I’m the leader, you know.’

D’ailleurs, même quand Gaël reste très technique en décrivant sa raquette, l’érotisme peut être assez volcanique. Avec cette honnêteté qui reste sa marque de fabrique :

‘Elle est lourde 380 grammes et très rigide. Elle est toujours tendue à 26 sur les montants et 25 sur les travers. On me rajoute du plomb dans la tête mais aussi dans le manche au lieu du gel qui enlève les sensations et qui pue.’

Mais ce qui émerge au final de la parole monfiliale, c’est l’autodérision tranquille du héros. Souvent drôle – on le suppose – à son insu, ce n’est toutefois jamais malgré lui, car Gaël assume admirablement son ovnitude.

‘Si j’arrive en avance un matin pour un footing, on s’inquiète: « Gaël, tu t’es fait jeter de chez toi ou quoi? »’

‘J’espère que je n’aurai pas envie de trop bien faire. Ça ne m’arrive quand même pas souvent. Je ne dors pas énormément, je pense au match, un truc incroyable, qui ne m’arrive jamais. J’essaie de réfléchir tactique, on sait très bien que je ne le fais jamais non plus.’

‘Des fois je le laisse croire qu’il domine mais bon, il prend la balle un peu plus tôt et je me fais niquer.’

‘Selon certains critères, je ne suis pas du tout professionnel. Les heures de sommeil, la diététique, les soins, la maturité : OK, zéro professionnalisme. Mais à ma manière, dans mon fonctionnement, je suis un grand pro.’

‘Vraiment, ça faisait longtemps que je ne m’étais pas retrouvé en position de lion comme cela. Après ce n’était pas tout beau non plus. Il y a des moments où je paniquais un peu. J’ai sorti des petites amorties pas terribles et je poussais un peu la balle.’

‘J’ai eu pas mal de réussite dans le tie-break, je suis même arrivé à faire quatre slices de suite, je peux vous dire que sur le banc ils devaient se poser des questions (rires).’

‘Cette fois, je vais jouer plus pour moi entre guillemets. Si j’ai envie de faire un service-volée, je vais le faire. Par exemple, je ne me dirai pas : «Je ne vais pas tenter le service-volée sinon les gars vont penser que je fais n’importe quoi». Alors que ça peut m’arriver de le faire sur le circuit».’

‘Je viens ici avec beaucoup de plaisir. Voir autant d’amour autour de ma petite personne, ça me donne beaucoup de courage, de forces et d’énergie pour la suite.’

‘Je l’ai déjà battu. Des tas de fois…. Dans ma tête!’

Pour conclure cette trop partielle anthologie (dont chacun est invité à compléter la manne en commentaires), quel plus bel hommage rendu à notre héros que celui de Rama Yade, concurrençant Rachida Dati dans l’art du lapsus ?  La secrétaire d’État aux sports commenta ainsi le dernier parcours de Gaël à l’Open de Bercy :

‘C’est formidable, Gaël (Monfils) se bat sur chaque ballon…’

About 

Avocate attitrée de Richard Gasquet sur 15LOVE (SAUVEZ les bébés phoques !) et Thiemolâtre irrécupérable. Que le Revers à Une Main soit avec toi.

Tags:

95 Responses to Ainsi parlait Gaël Monfils

  1. Ulysse 24 décembre 2010 at 17:23

    Belle friandise, merci Patricia. Merci aussi à Duong et Sam qui en psychanalysant les déclarations de Gael font une sorte de méta-Gael tout à fait rafraichissant.

  2. Sam 24 décembre 2010 at 17:45

    Merci Ulysse, j’étai vachement en forme, moi cette nuit. Mais attation, hein, surtout n’allez pas faire de moi un défenseur de ce qui reste quand même un des tennis les plus horripilants qu’il m’ait été donné de voir. Il me rappelle ce type qui avait 12 ans comme nous tous au club: on était tous genre, 30/2, et il nous battait en remettant, remettant, remettant, etc. Il se foutait de Noah, de Mac, et même de Lendl. Il état efficace. Monfils, ça reste aussi ça.

    • Duong 24 décembre 2010 at 17:49

      moi aussi sa personnalité c’est une chose, son jeu c’est autre chose et ça reste le principal motif de désintérêt à son égard.
      Sauf, je l’ai dit, un jour où Wawrinka le dominait à Tokyo 2009 et où il a fait service-volée et est monté beaucoup pour renverser le cours du match : j’étais croulé de rire !

  3. karim 24 décembre 2010 at 20:39

    Y’a quatre ou cinq zozos qui sont venus déranger Duoung sur le site cet aprem. Il faisait tous les coms comme le stipule son contrat et ils se sont insérés pendant qu’il allait faire pipi. Le pot de chambre Duong, la voilà la solution si tu ne veux pas que ça se reproduise!

    plus sérieusement super tes coms sur les jeunes. C’est vraiment un sujet sur lequel ton niveau d’information me troue mon petit cul vert.

    • Duong 24 décembre 2010 at 20:48

      en fait pour être honnête j’aimerais bien me sentir moins seul dans ces moments-là, parce que ça me fait tout bizarre de voir dans la colonne de gauche « Duong-Duong-Duong ».
      Mais d’un autre côté si quelqu’un me relance, il y a un risque que j’y passe encore plus de temps.

      Enfin pour revenir à l’essentiel :
      Joyeux Noël Karim !
      avec de la chaleur familiale, j’espère.

      • karim 24 décembre 2010 at 21:55

        merci Duong et joyeux noël à toi auss…

        ra ta ta ta ta ta….

        désolé c’était une rafale d’AK47. Abidjan c’est plus ce que c’était. Joyeux noël à toi aussi je disais.

    • Elmar 24 décembre 2010 at 21:19

      Duong, je ne me permettrais pas d’intervenir sur le sujet de la jeunesse que tu maîtrises parfaitement.

      Pour moi, le tennis, c’est d’abord celui que je vois. Alors commenter les résultats de types que je n’ai jamais vu jouer, j’en suis incapable! Je veux dire, ça m’intéresse de voir qui perce, mais je m’y intéresse à partir du moment où le mec entre dans le top 100, càd à partir du moment où il y a une chance que je le vois jouer.

      Ton niveau d’expertise sur le sujet, c’est vraiment bluffant.

      • Duong 24 décembre 2010 at 22:33

        tu as bien raison Elmar !
        moi je me contente de remplir mon fichier avec des classements, des résultats, des âges.
        Il faut dire que j’ai une passion maladive pour essayer d’anticiper l’avenir pour quand on aura perdu le présent : hein quand Doudou ne sera plus là, est-ce qu’on peut quand même espérer ?
        A vrai dire ça ne se présente pas si mal que ça : des types comme Harrison et Dimitrov sont quand même bien intéressants à voir jouer :-)
        les autres je les ai pas vus :lol:

        • Ulysse 26 décembre 2010 at 22:52

          Ouais, à part que Dimitrov a l’air très con et imbu de lui quand même. Il a pas encore démontré le dixième du génie qui ferait passer son sale caractère.

        • Jeanne 26 décembre 2010 at 22:54

          A force de se faire appeler Federer bulgare ? Effet secondaire ?

        • Duong 27 décembre 2010 at 10:41

          je suis peut-être mal informé mais je n’ai rien lu qui montre que Dimitrov est « con et imbu de lui-même » :?:
          Quant au « sale caractère », il a eu quelques réactions d’énervement mais bon difficile de juger ce genre de choses chez un jeune joueur à mon avis …

  4. Jeanne 24 décembre 2010 at 21:30

    Mon Dieu, Duong, ton niveau de connaissances est rien moins qu’encyclopédique, tu pourrais à toi seul créer un WikiTennispedia avec plus d’un million d’articles. Merci pour tout ça et ne t’inquiète pas de poster beaucoup, au contraire c’est un régal.

  5. karim 24 décembre 2010 at 21:58

    Duong est plusieurs!! 10 petits chinois tous identiques et on ne sait jamais lequel commente!

    ps: c’est noël et c’est la guerre, j’ai droit aux blagues vaseuses.

    • Elmar 24 décembre 2010 at 22:08

      Oui.

      Profite de ta petite taille pour bien te planquer, même si le green est un peu flashy sur notre planète.

  6. Sylvie 27 décembre 2010 at 00:01

    Merci Patricia pour ce bon moment de fou rire. A lire certaines phrases, on a du mal à croire qu’elles soient réelles et pourtant…
    J’adore particulièrement celle-là :

    « Selon certains critères, je ne suis pas du tout professionnel. Les heures de sommeil, la diététique, les soins, la maturité : OK, zéro professionnalisme. Mais à ma manière, dans mon fonctionnement, je suis un grand pro. »

  7. Patricia 17 janvier 2011 at 20:44

    Je suis heureuse de voir qu’on me tient informée des nouvelles sentences de GM ; comme ça, je peux tenir à jour la compil’ !

    « Quand j’aurais mon titre du Grand Chelem, je pourrais dire, je ne l’ai pas volé  »

    Le passage « Je est un autre » : ‘Quand tout va être ajusté, je vais me voir d’un autre oeil et vous allez voir un nouveau Gaël.’
    Et mythique (mais comment, comment fait il ?) :

    ‘Je pense que ce sera pour bientôt. Le déclic vient progressivement.»’

info login

pour le login activer sur votre profil la barre d'outils

Demande d’inscription

contactez-nous à : 15-lovetennis@orange.fr

Archives

Suivez nous sur Twitter

@15lovetennis