Me grattant la tête pour trouver un angle d’attaque afin d’apporter un peu de variété à l’exercice ô combien traditionnel consistant à introduire un grand tournoi par la pesée des favoris et outsiders, j’ai déniché une petite question qui me trottait dans la tête depuis un moment : d’où tirons-nous ce plaisir de concocter des pronostics, qu’est-ce qui pousse, de façon compulsive, à supputer, peser, estimer, évaluer, coter, jauger les chances des uns et des autres ? Pourquoi ne nous contentons-nous pas de savourer, en spectateurs gourmets, le show proposé ?
Premier élément de réponse, le tennis a beau être spectaculaire, il n’est pas un art par nature, mais un jeu.
Le plaisir de scruter une partie implique de goûter une performance spectaculaire, s’y ajoute éventuellement – pour les amateurs éclairés ! – les nuances apportées par l’analyse du comment et du pourquoi de tel coup ou de tel point. Mais surtout, nos pupilles réclament du suspense, nous sommes accros à l’indétermination produite par la compétition – raison pour laquelle les tournois sans péril, les victoires annoncées, les combats gagnés d’avance nous paraissent sans gloire. Et quel que succulent fût le plat concocté par tel Maître queux de la balle, quelles qu’engageantes les saveurs touillées par sa raquette inspirée, qu’à la fin elles gavent les palais téléphages des plus gourmands gastronomes, jusqu’à les mener parfois à s’exiler momentanément de la salle à manger des délices (Kariiiim ? On mange !).
Bref, le tennis est un jeu, et regarder le tennis, c’est jouer, par procuration, la partie des duellistes.
Mais je n’en ai pas fini avec vous !
Car la petite bête me gratte encore le cuir chevelu : soit, dit-elle (c’est une petite bête raisonneuse), mais si l’indétermination est l’ingrédient qui sublime la recette, quelle manie nous prend de la vouloir réduire à la moindre occasion par la torture de nos méninges et des données disponibles, comme une vulgaire béarnaise ?
Là j’ai décidé d’y aller à l’insecticide et de consulter les rayons philos. Qu’avaient-ils à proposer, concernant la nature du jeu, qui fasse un sort au paradoxe de la rage pronostique et du goût du suspense ?
J’ai trouvé des perles, que je vous livre céans. Mais avant de les parcourir, gardez en tête ma prémisse : le boursicoteur-spectateur de tennis joue avec et par les joueurs. Oyez, amis 15lovers, des extraits du sieur Colas Duflo in Jeux de hasard et d’argent – Contextes et addictions.
« Ainsi, Leibniz peut-il considérer les jeux comme un des lieux où s’exprime librement l’intelligence humaine, et souhaite-t-il qu’on étudie les jeux de plus près, parce que l’activité ludique peut nous offrir des enseignements précieux pour perfectionner l’art d’inventer. Car, dans le monde clos du jeu, l’esprit humain se manifeste dans sa libre inventivité, il s’exerce à l’estimation des chances dans les jeux de hasard et d’argent, aux calculs et à l’analyse des combinaisons stratégiques dans ceux de réflexion, à la prévision des desseins de l’adversaire dans les jeux de conflit. Le jeu offre un espace privilégié où s’exerce l’intelligence humaine, à cause du plaisir qu’il suscite, qui attire, qui sait maintenir l’intérêt, et qui est le premier moteur de l’ingéniosité. L’esprit s’y exerce librement, sans les contraintes du réel et les urgences du besoin, il offre des conditions pures d’exercice de l’ingéniosité. »
Bon début, n’est-ce pas ?
Mais les chasseurs de petites bêtes professionnels ne se sont pas arrêté là, et un explorateur du XXe siècle, dans un safari à l’«Homo ludens » propose une définition du jeu qui cerne mieux encore sa nature originale :
« Le jeu est une action ou une activité volontaire, accomplie dans certaines limites fixées de temps et de lieu, suivant une règle librement consentie mais complètement impérieuse, pourvue d’une fin en soi, accompagnée d’un sentiment de tension et de joie, et d’une conscience, d’« être autrement » que la « vie courante » (Huizinga, 1951)
Le jeu se caractérise donc par la présence conjointe de la liberté et de la règle, ce qui conduit le chasseur contemporain à résumer ainsi son collègue : « Le jeu est l’invention d’une liberté par et dans une légalité » ; j’achève le safari en complétant moi-même la galerie des trophées : « il constitue un univers autre et unique ».
Là j’aurais pu vous faire grâce et passer à la cérémonie, si vous n’en pouvez plus, passez les paragraphes suivants et grignotez direct le bonus de fin, mais moi j’adore :
« Aux petits indiens, au casino, dans les jeux de rôles, au Go, il se passe quelque chose qui n’existe nulle part ailleurs (ce qui explique la fascination des romanciers pour le monde du jeu) qui est que celui qui entre dans le monde du jeu abandonne sa liberté à l’entrée, pour la troquer contre la légaliberté produite par la légalité ludique. »
« La règle fondatrice produit la clôture ludique, qui définit un temps et un espace clos : par là, le jeu peut apparaître comme créant, à l’intérieur de la vie courante et avec sa matière même, un monde à part, dedans-dehors, qui est un des éléments fascinants du phénomène ludique. »
(Oui, femme d’Antoine qui mérite toute notre compassion, à une certaine période de l’année, ton mari prend le Stargate et demeure bien « Ailleurs », en partance pour l’Aleph.)
Car c’est nous tous, pêcheurs anonymes, que je retrouve, et ces explications anoblissent considérablement les si nombreux moments coupables passés à fouiner dans un tableau de stats, les plaisirs furtifs, et honteux, du voyeurisme et délit de prise de notes sur les derniers résultats, la main déroulant le menu « playing activity » au grand bordel d’atpworldtour.com !
La peur coupable d’être surpris en flagrant délit de futilité par un entourage choqué, réprobateur, consterné !
Nous sommes formidables !
Car :
« La règle d’un jeu est génératrice d’une structure (l’arbre d’actions possible) qui permet de formaliser l’agir « rationnel ». L’intelligence ludique peut être alors analysée comme une appréciation de tendances. On peut alors réinterpréter l’agir ludique à l’aide des catégories de la philosophie classique, sous le thème de la prudence. La conduite ludique s’avère être un type particulier de conduite prudentielle dans ces structures à produire du risque que sont les jeux : les règles produisent un espace d’indétermination dans lequel la légaliberté trouve son lieu d’exercice. »
Pan ! Prends ça !
A ce moment de la plaidoirie, c’est le moment de glisser quelques allusions littéraires à certains chef-d’œuvres recréant la tension de cette « clôture temporelle » (du tournoi) : temps ramassé dans « Le Joueur » de Dostoïevski, « Le Joueur d’échecs » ou « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme » de Zweig. J’ai adoré ces bouquins !
Et pour les entourages puritains qui voudraient introduire des hiérarchies au Royaume du jeu, dénigrer (les raisons ne manquent pas), les jeux basés sur la compétition :
« Dans les jeux de concurrence et de conflit, ce contrat ludique prend tout son sens : il dit la création de deux légalibertés adverses, dont chacune a pour condition de survie dans le jeu l’élimination de l’autre. C’est que le jeu crée chaque légaliberté comme un conatus spinoziste : volonté de persévérer dans son être et d’augmenter sa puissance d’agir. »
Han ! Spinoza nous soutient, mec !
L’auteur traduit ensuite :
« Les jeux de concurrence sont des jeux dans lesquels la règle organise un conflit des puissances d’agir tel que chaque joueur ne peut persévérer dans son être ludique qu’en réduisant celle de l’autre. »
Ainsi,
« Tout ce qui accroît la puissance d’agir de notre légaliberté dans le jeu nous réjouit. »
La boucle est bouclée, le débat épuisé.
Nous pronostiquons à qui mieux mieux pour jouer plus longtemps. Nous jouons pour jouer encore, et toujours.
Le statut de spectateur engagé implique un choix, un parti-pris dans la partie. Notre joueur-substitut, pour continuer à jouer, doit réduire la légaliberté de l’adversaire, et en analysant les forces en présence, nous représentons une stratégie, nous mobilisons nos « forces prudentielles » ! Bien pronostiquer, c’est continuer la partie, et s’épargner la petite mort d’un « game over, play again ? » Hé oui, le « dur désir de durer » (Eluard) nous anime….
Et maintenant… « On fait un jeu ? On dirait que… Federer, Djokovic et Murray sont dans un bateau… » A vos pronos !
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Et voilà. Mayer s’est accroché dans les 2 derniers sets, et en particulier à la fin du 3ème où il a sauvé 2 balles de match et poussé Delpo loin dans le tie-break. Mais la tour de Tandil passe en 3 sets pour les huitièmes de finale.
De son côté, Dolgo ne passe décidément pas le cap face à un Wawa nettement plus puissant.
Break Roddick à 3 partout, je n’étais pas franchement rassurée. Il lui reste encore 2 jeux de service à assurer.
Assez étonnamment le Fed-Fish de demain n’est pas programmé en night session…
Tant mieux ça me permettra de regarder le match à une heure décente
Bravo Andy ! Et bravo Stan ! 2 résultats qui me font bien plaisir même si Dolgo a tendance à me désespérer depuis un bout de temps…
Purée, Chung est arrivé ! Il est dans le tableau junior du tournoi ! La prédiction d’Ulysse va prendre forme ! Tous aux abris !!!
Quelle mémoire Nath !
Je n’avais néanmoins pas prévu qu’il se prénomerait Hyeon…
Match pépère pour Gasquet, qui arrive en huitième sans avoir joué un seul adversaire dans le Top100! (m’enfin, la faute à Melzer, Haas et Gulbis, z’avaient qu’à être là ces trois nazes!)
J’ai pris le match à 6-6 0-4 pour voir Gasquet aligner 7 points dans le tie-break… Puis 7 jeux à partir de 1-2 dans le 2ème set.
Johnson est un peu le genre chien fou, « je cogne sur tout ce qui bouge et ça passe ou ça casse », un Gulbis-bis quoi, ou encore genre Matosevic, l’australien qui avait battu justement Gasquet au Queen’s. Cette fois, pour le coup, Richie a fait le job.
En huitièmes, rendez-vous avec Lord Farquaad.
Pour passer ce tour, Gasquet devra compter sur une des contingences suivantes:
- Ferrer se fait tomber une malle sur le talon. Comme il souffre, il se soigne au laser, ce qui ne fait qu’empirer la situation. Il déclare forfait.
- Ferrer, en traversant la rue, se fait renverser par une voiture. Bilan: un genou brisé, forfait, deux mois d’hôpital. Pendant sa rééducation, il continue à jouer au tennis sur un fauteuil roulant. A son retour (dans 6 mois) il remporte Monte-Carlo et Barcelone en battant à chaque fois Nadal en 2 sets, mais attendra 2015 pour gagner son premier et unique Roland-Garros.
- Ferrer se fait allumer en boîte de nuit par une pétasse cocaïnomane et lui roule une pelle. Mal lui en prend, contrôle positif juste avant son match contre Gasquet, exclusion du tournoi, un an de suspension.
- Ferrer chope des ampoules à tous les doigts de la main gauche, l’obligeant à jouer pendant tout le match ses revers à une main. Ceux-ci atterrissent tous dans le filet ou dans les bâches. Défaite.
- Ferrer, qui loge au Novotel, tombe sur Nafissatou Diallo en sortant de sa douche, et hum… je vous passe la suite. Garde à vue, incarcération… Forfait.
- L’entourage de Gasquet fait rentrer un chat noir sur le court pendant l’échauffement. Superstitieux, Ferrer perd tout ses moyens et déjoue. Défaite.
- Au milieu du premier set, Ferrer se fait une entorse à la cheville gauche. A la fin du deuxième set, il se fait une contracture aux ischio-jambiers gauches. Au milieu du troisième set, élongation aux adducteurs de la jambe droite. Au début du quatrième set, fracture de fatigue du poignet gauche. Au milieu du cinquième set, crampes. A 5-3 au tie-break du cinquième set, sur un smash, entorse de l’épaule droite. Abandon.
MDR !!
- Un membre de l’entourage de Richard confie à Ferrer une confidence de Nadal : Ferrer a été son véritable modèle et mentor. Syncope, abandon.
- Nadal envoie un texto à Ferrer ; en son absence, il compte sur lui pour punir Djokovic, humilier Federer et prouver que les espagnols savent jouer sur dur. Rupture d’anévrisme, funérailles à Majorque.
- il perd la médaille de la vierge qui l’accompagne depuis sa 1ère demi/ finale cadet, devant toute la famille à Madrid ; convaincu qu’il doit son succès à sa fidélité en la Madone, il retourne tout l’hotel pour la retrouver. Il se présente 25 minutes après sa défaite par forfait.
cultissime !