Michael Lammer : « Cette année peut-être plus encore qu’avant, nous avons formé une équipe »

By  | 4 décembre 2014 | Filed under: Rencontres

Lammer - ChiudinelliLa campagne de Coupe Davis 2014 de la Suisse a débuté en septembre… 2013, à Neuchâtel, lors d’un barrage de relégation face à l’Équateur. Sans Roger Federer. Marco Chiudinelli et Michael Lammer, les habituels coupeurs de citrons du groupe, ont alors parfaitement épaulé Stanislas Wawrinka pour assurer le maintien de la Suisse parmi l’élite mondiale. En route vers un Saladier d’argent auquel les deux hommes auront encore contribué de manière décisive au premier tour, en Serbie, avant de rentrer dans l’ombre des géants de Bâle et Lausanne. Le numéro 4 de l’équipe, Michael Lammer, raconte « son » année de Coupe Davis, lui qui promènera, dès janvier, son statut de vainqueur du Saladier d’argent à l’échelon Future. A moins qu’il ne décide de raccrocher : à bientôt 33 ans, le Zurichois, 150e mondial en 2009, 534e aujourd’hui, songe à quitter la scène professionnelle sur ce coup d’éclat.

 1992, Rosset, Hlasek, Fort Worth…

« J’avais dix ans lorsque la Suisse s’est qualifiée pour la première finale de Coupe Davis de son histoire, en 1992, mais je comprenais qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire. En Suisse, tout le monde se rappelle où il était et ce qu’il faisait le week-end de la finale, même si ç’avait finalement été assez difficile de suivre les matchs en eux-mêmes à cause du décalage horaire. Par rapport à l’heure de Fort Worth, cela revenait chez nous à suivre les parties en pleine nuit. Moi, j’étais sur un tournoi de jeunes et je sentais bien que ça occupait l’attention de tout le monde autour de moi. 1992 est une date forte pour le sport suisse : tout à coup, la Suisse gagnait ailleurs qu’en sports d’hiver. Notre petit pays était en finale de Coupe Davis, et on allait jouer une espèce d’équipe de rêve américaine avec Agassi, Sampras, Courier, McEnroe… Marc Rosset et Jakob Hlasek ont vraiment ouvert une porte. Ensemble cette année-là, ils avaient déjà gagné Roland-Garros en double, puis Marc est devenu champion olympique à Barcelone en simple. Tout ça avait déjà eu beaucoup de résonance. On a perdu cette finale de Coupe Davis, mais quelque chose est né cette année-là, un rêve suisse de gagner un jour cette compétition. Je ne sais pas s’il y a beaucoup de pays qui ont un feeling aussi fort avec la Coupe Davis… vous peut-être, les Français ? »

Des barrages ordinaires au titre suprême

« C’est vrai que nous avons passé plusieurs années à jouer les play-offs pour ne pas redescendre en deuxième division, et là nous nous retrouvons à gagner la Coupe Davis dès la première année où ce groupe passe les quarts. Ce qui a changé ? Principalement, le fait que Roger ait fait de la Coupe Davis un objectif tout au long de la saison. Stan, pour nous ça n’a rien d’une surprise de le voir capable de jouer à ce niveau-là. On sait depuis longtemps qu’il a ce tennis dans la raquette. Mais que Roger soit présent avec nous dès le premier tour, ça, cela change énormément de choses. Roger n’a pas toujours joué la Coupe Davis ces dernières années, mais quand il vient, on sait qu’il s’investit toujours à fond. En Suisse, nous n’avons que deux joueurs au top niveau mondial. Dès qu’il en manque un, ça complique énormément les choses, même si nous, derrière, on tente de faire le maximum avec Marco (Chiudinelli). Mais c’est évident qu’on a besoin de nos deux atouts pour prétendre gagner des matchs dans le Groupe mondial. Et puisque cette année ils ont joué toutes les rencontres, ça changeait tout… »

Le barrage de relégation fin 2013 : la première marche

« Notre parcours vers la victoire en Coupe Davis débute là, quelque part : on joue l’Équateur à la maison en barrages l’an dernier, un match que l’on n’a pas le droit de perdre. Stan venait de faire demie à l’US Open, et personne n’aurait compris que l’on retombe en deuxième division au moment où la Suisse plaçait pour la première fois deux joueurs dans le Top 10. Roger n’étant pas là, c’était donc à Marco et moi d’aider Stan. C’est notre rôle dans cette équipe : épauler autant que possible nos deux meilleurs joueurs, et tenter de les suppléer si ça devient nécessaire. Marco est monté plus haut que moi en simple (52e contre 150e), mais en double on se complète bien : on a le même âge, on se connaît depuis très longtemps, on a même gagné un tournoi ATP ensemble à Gstaadt, il y a quelques années. Nous ne sommes pas des spécialistes de double mais, en Coupe Davis, c’est dans cet exercice que se trouve notre apport principal. Le double est le point faible de la Suisse depuis longtemps et c’est là-dessus qu’avec Marco on peut apporter notre pierre à l’édifice : en se dépouillant le samedi si on nous le demande. Au-delà du résultat, c’est toujours bien si on peut permettre à Roger et à Stan d’avoir un jour de repos entre les simples. Et en plus, il s’avère que nous avons réussi plusieurs fois à gagner ce double, alors que nous n’étions pas favoris. Nous avons au moins permis à Sev (Luthi) d’avoir plusieurs options en double, selon les circonstances… Contre l’Équateur, avec Marco qui a gagné son simple et moi le double avec Stan, on a su se rendre le week-end facile, dans un match où, même sans Roger, personne n’aurait compris que l’on perde. »

 3 doubles à enjeu disputés en Coupe Davis, 3 succès… et 3 qualifications suisses : la double Lam(m)e(r)

« C’est ce que je disais : le double en Coupe Davis nivelle un peu les valeurs. A part les frères Bryan, on y croise peu de paires qui jouent ensemble à l’année sur le Tour. Ce sont le plus souvent des paires de circonstances. Du coup, c’est un point plus aléatoire, on ne sait jamais qui va jouer, ni ce qui va se passer… Moi j’ai gagné mes trois matchs avec trois partenaires différents : Yves Allegro, Stan et Marco, toujours dans des matchs difficiles, où aucune équipe ne domine vraiment et où l’avantage change souvent de camp. Un double en Coupe Davis, c’est très particulier à cause du manque d’automatismes de la plupart des équipes. Du coup, même sans être des spécialistes, Marco ou moi pouvons apporter quelque chose. Et là, si notre équipe commence à gagner aussi ses doubles, ça devient très dur pour les adversaires (sourire)… Je suis particulièrement fier de ce que nous avons fait au premier tour avec Marco, en battant Zimonjic et Krajinovic en Serbie. On menait déjà deux points à zéro, mais Stan était revenu épuisé de l’Open d’Australie et il nous a demandé de tout faire pour lui éviter de revenir sur le court le dimanche. On ne s’en est pas mal sortis, je crois ! »

L’esprit d’équipe et le choix – enfin – clair de Federer

« Il y a toujours eu une bonne ambiance entre nous, au sein de l’équipe. Nous sommes tous des amis, et nous connaissons tous Roger depuis assez longtemps pour comprendre ses choix de se consacrer à sa carrière individuelle de temps à autre. Mais cette année, ça a peut-être encore plus resserré les liens de savoir qu’il avait décidé de faire toute la campagne à nos côtés. D’un sens ou dans l’autre, qu’il vienne ou qu’il ne vienne pas, c’était bien d’être fixés, de savoir ce qu’il désirait faire. Cette année peut-être plus encore qu’avant, nous avons formé une équipe et, avec la réussite rencontrée au fil des matchs, nous avons passé plus de temps ensemble que jamais. Moi, je ne suis pas un rêveur. Je sais quelle est ma place du moment où des références mondiales comme Roger et Stan sont là. Les rôles sont clairs. Mais faire tout ce que je peux en tant que sparring pour les préparer aux simples, les encourager sur le banc, m’entraîner dur pour permettre à Sev d’avoir une autre option en double… Même numéro 4 de l’équipe, je peux encore peser sur toutes ces petites choses-là. Les semaines avant la finale, nous avons joué trois tournois de suite en double, avec Marco. Pas pour réclamer une place sur le terrain, mais pour être prêts si Sev nous le demandait. Jusqu’au vendredi soir de la finale, on s’est vraiment entraînés dur, et nous étions prêts à aller sur le court le samedi si c’était l’intérêt de l’équipe. Je crois aux détails qui font basculer un match, surtout en Coupe Davis. Et malgré le problème de dos de Roger au Masters, j’étais convaincu que nous avions bien préparé la finale. C’est facile à dire après, mais avec deux grands pros comme Roger et Stan, j’étais persuadé que nous allions gagner cette finale. »

L’apothéose des trentenaires

« La Coupe Davis était la plus grande échéance de ma carrière. J’ai eu une chance énorme d’avoir fait partie de ce beau groupe et d’avoir pu toucher la victoire dans une grande compétition. C’était ma seule chance de remporter une compétition mythique du tennis. Depuis deux ans, la Coupe Davis était devenue ma principale motivation pour continuer à jouer, même à 32 ans, même sur le circuit Futures, même 500e mondial… A titre individuel, c’est la plus belle chose que je pouvais espérer, et à titre collectif, c’est la récompense d’une longue et belle aventure. Roger, Marco, Séverin… On se connaît tous depuis très longtemps, depuis bien avant la Coupe Davis. 2014 était peut-être l’année ou jamais pour nous de gagner cette compétition… et peut-être même pour la Suisse. Avec Roger, Marco ou Stéphane Bohli, nous avons été plusieurs de la même génération à monter plus ou moins jusqu’au Top 100. Stan est arrivé peu de temps après nous, mais depuis… On verra si des jeunes prennent la suite. Aujourd’hui, à part Stan nous avons tous largement passé les trente ans. Roger et Stan sont exceptionnels, mais j’espère qu’une relève percera pour au moins perpétuer la tradition de joueurs suisses dans le Top 100. »

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120 Responses to Michael Lammer : « Cette année peut-être plus encore qu’avant, nous avons formé une équipe »

  1. Nathan 9 décembre 2014 at 16:20

    Et comme dit précédemment, pourquoi Richard en demi et pas le vainqueur de l’édition 2013, mieux classé d’ailleurs ? même si cela n’a pas une grande importance, c’est bizarre.

    • Achtungbaby 9 décembre 2014 at 16:44

      je me demande si je ne préfère pas parler de l’IPTL…

      • Skvorecky 9 décembre 2014 at 17:03

        Par principe, chacun devrait s’interdire de regarder l’ITPL, de la commenter, ou d’en parler à la machine à café.

  2. Skvorecky 9 décembre 2014 at 16:55

    J’aime beaucoup ce retour sur les hommes de l’ombre du succès suisse, à la fois dans cet entretien signé Guillaume et dans les liens que vous avez postés. Lammer, Chiudinelli, et puis bien sûr Lüthi et MacPherson…

    Rétrospectivement, il est juste que le succès du double en Serbie au premier tour ait permis aux seconds couteaux de contribuer à cette victoire. Et si on veut chercher plus loin, il y eut aussi le barrage équatorien comme le rappelle Lammer.

    C’est ça aussi, la Coupe Davis.

    • Elmar 9 décembre 2014 at 17:04

      Très juste. En revanche je suis bien heureux de pas les avoir vus sur le court durant la finale, même si, mea maxima culpa, je militais pour un double Lammer Chiudi.

      Le double que Stan et Roger nous ont offert, ca a vraiment été le truc auquel je ne m’attendais pas. Encore moins vendredi soir d’ailleurs.

      Avec tous les événements durant la semaine qui a précédé la rencontre, on a finalement peu parlé de la fameuse transition dur – terre battue qui n’a visiblement pas du tout gêné Stan… et qui a confirmé ce que ce dernier disait de Roger: c’est un génie de l’adaptation, il ne faut qu’une heure. Grosso modo, c’est en effet ce qu’il a eu et ca a été suffisant pour gagner 1,5 point et mettre une sacrée rouste à Gasquet.

      • Achtungbaby 9 décembre 2014 at 17:59

        ah oui, cette surface qui devait destabiliser les suisses…
        tu m’étonnes que personne en France ne s’attarde la dessus a posteriori !
        Quel fiasco quand on voit le parcours de Fed sur le WE après 30 min d’entrainement par ci par là…

        Le double suisse, ça a été la révélation en effet, après une semaine rythmée par le dos de Fed.

        L’annonce de sa compo pouvait encore vouloir dire que Fed n’était pas au mieux, et que ne pouvant jouer dimanche, il faisait au moins le double. Deux heures et 3 sets plus tard, on a vu. Fed était on fire, et le pauvre Gasquet l’a reconstaté le lendemain.

        Gasquet sur ce we, ça a été le soldat romain qui se prend les gaulois gavés de potion à l’aller et au retour… ou les pirates, au choix…

  3. Renaud 9 décembre 2014 at 22:27

    @ Antoine
    Je n’ai pas mis par hasard des guillemets à mon « détail » eu égard au talent du pigiste.
    Ma démonstration et l’utilisation de ce mot allait dans le même sens que presque tout le monde ici.

    Bref il fallait prendre le mot au sens figuré pas littéral.

    Quand une équipe est capable de faire appel à des aides extérieures c’est justement qu’elle est consciente que « le diable se niche dans les détails’ une autre expression qui veut bien dire ce qu’elle veut dire.

    Vu les commentaires des joueurs eux même et notamment ce que l’on rapporte de Fed il est évident que l’apport de Mc Phearson fût déterminant vu les résultats passés de Fed-Wav.
    J’ai surtout noté la phrase ou il explique que FED a pris le double à son compte qui fait écho à ta réflexion comme quoi il se gênait bien souvent l’un l’autre.

    Utopique mais j’aimerai bien voir un tournoi ou à chaque tour il y aurait changement de surface et de conditions, genre TB, indoor, dur ext, herbe….
    On verrait bien qui s’adapte le plus vite.

    Sinon bien la comparaison, oui Gasquet c’était le pirate contre Obélix

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