Le tennis professionnel avant l’ère Open (2/5)

By  | 2 septembre 2009 | Filed under: Histoire

En 1968, les tournois du Grand chelem « ouvrirent » leurs portes aux joueurs professionnels et le tennis entra alors dans l’ère que l’on continue à appeler « Open » pour cette raison. Les joueurs qui étaient passés professionnels furent alors à nouveau admis dans les principaux tournois dont ils s’étaient eux-mêmes exclus en cédant aux sirènes des promoteurs du tennis dit « pro », parfois longtemps auparavant. Le tennis professionnel n’est pas, en effet, né dans les années 1960 mais dans les années 1920… Les informations contenues dans l’ouvrage essentiel de Bud Collins History of Tennis : An Authoritative Encyclopedia and Record Book permettent de reconstituer cette histoire tumultueuse. Tel est l’objet de l’article qui suit et  dont voici la deuxième partie.

Partie II : Le développement des « tournées » des années 1930 : « Big » Bill Tilden, Ellsworth Vines, puis Don Budge

Hormis l’US Pro, la vie des premiers professionnels consistait à participer aux tournées itinérantes, aux Etats-Unis exclusivement. Ce n’est qu’après la Seconde guerre mondiale que certaines de celles-ci s’internationalisèrent. Se déplaçant de villes en villes, où ils ne restaient guère qu’une journée, ces « one night standers » jouaient très généralement sur des terrains indoor, installant le matériel peu avant le match, avant de démonter l’installation et de la remonter le lendemain dans une ville différente. Ils n’étaient en effet pas admis dans les clubs dépendant de l’USTA (United States tennis association). En nombre réduit, ils disputaient des matchs presque quotidiens et les affrontements entre les meilleurs d’entre eux étaient donc beaucoup plus fréquents que ne le sont aujourd’hui les rencontres entre les meilleurs joueurs du monde.

Les « tournées » consistaient en une série de matchs opposant le vainqueur de la tournée précédente à un challenger, le plus souvent le meilleur des amateurs venant de passer professionnel. La première à ne comprendre que des joueurs masculins, d’ampleur modeste, avait vu le Tchèque Karel Kozeluh prendre le meilleur sur Vinnie Richards en 1928 (13 victoires à 7). Le Tchèque, recruté par Richards, était meilleur que son patron sur terre battue et en indoor, même si Richards prit le dessus sur l’herbe de Forest Hills lors de la seconde édition de l’US Pro. Ils devaient ensuite se partager les deux titres suivants, en 1929 et 1930, mais le tennis professionnel était encore balbutiant et ne suscitait qu’un intérêt modeste.

C’est « Big » Bill Tilden qui devait donner l’impulsion décisive au tennis professionnel. Après avoir décliné des offres durant plusieurs années, William Tilden passa finalement professionnel en 1931 après avoir échoué à reprendre la Coupe Davis aux Français et échoué également à remporter un huitième titre aux championnats des Etats-Unis. Il était alors encore numéro deux mondial, derrière Henri Cochet, numéro un depuis 1928. Sa notoriété était immense : il était alors considéré comme étant, indiscutablement, le plus grand joueur de tennis depuis la création du jeu par le major Wingfield en 1874. Détenteur de nombreux records encore inégalés dont six titres consécutifs à Forest Hills (et sept au total), « Big » Bill Tilden est le premier très grand joueur « moderne », auteur d’un précis du tennis, et son aura est demeurée presque intacte jusqu’à Laver. Comme beaucoup d’autres très grands joueurs, il demeura compétitif jusqu’à un âge très avancé.

Cinq ans après Suzanne Lenglen, à 38 ans, Bill Tilden débuta donc sa carrière professionnelle le 18 février 1931, au Madison Square Garden, devant 13 000 spectateurs. Il battit Kozeluh sur le score de 6-4 6-2 6-2, premier match de la « tournée » contre ce dernier qu’il débuta par 16 victoires consécutives et qu’il remporta finalement sur le score de 63-13. La « tournée », qui comprenait également Frank Hunter, Bobby Seller et Emmett Pare, généra quelque 238 000 $ de revenus. Tilden remporta également les quatre rencontres qui l’opposèrent en tournée à Vinnie Richards, qu’il battit aussi sèchement en finale de l’US Pro (7-5 6-2 6-1). Cette année-là, l’US Pro rassemblait 39 joueurs.

Tilden remporta également la tournée suivante contre Hans Nusslein (environ 100 victoires sur 150 matchs) et Vinnie Richards (12-1) mais les recettes baissèrent pour ne s’élever qu’à 86 000 $. Kozeluh remporta quant à lui son deuxième US Pro battant Hans Nusslein en finale.

En 1933, Hans Nusslein prit, pour la première fois, le meilleur sur Tilden durant la tournée mais, en pleine Dépression, les recettes de la « tournée » continuèrent à baisser, n’atteignant cette fois que 62 000 $. L’Américain s’imposa cependant au French Pro, battant en finale Cochet, passé pro peu avant, sur le score de 6-2 6-4 6-2. Vinnie Richards remporta son quatrième US Pro en battant Frank Hunter en finale.

D’Ellsworth Vines…

En 1934, du sang neuf vint régénérer le « circuit » pro lorsque Ellsworth Vines, numéro un mondial en 1932, premier joueur à avoir remporté à la fois Wimbledon et le championnat des Etats-Unis depuis Tilden, passa professionnel. Devant 14 367 spectateurs, Vines (alors âgé de 23 ans) fit ses débuts au Madison Square Garden devant Bill Tilden, qui l’emporta 8-6 6-3 6-2,  la recette de la soirée dépassant 30 000 $. Cependant, Ellsworth Vines remporta la tournée contre Tilden par 47 victoires à 26. Cette dernière, qui se déroula dans 42 villes américaines, généra un record de recettes (243 000 $, soit près de 4 millions de dollars actuels) qui ne fut jamais dépassé par la suite. Bill Tilden remporta cette année-là son second French Pro, battant le Français Martin Plaa en finale en trois sets, tandis que Nusslein gagnait l’US Pro et que Vines s’imposait à Wembley. Tilden remporta également un autre match au Garden qui rapporta 20 000 $ de recettes, battant Cochet 7-9 6-1 1-6 6-3 6-3.

1935 fut l’année de la dernière grande victoire de Tilden qui, à 42 ans, remporta l’US Pro pour la deuxième fois, battant Kozeluh en finale sur le score étonnant de 0-6 6-1 6-4 0-6 6-4. Il atteignit également la finale de Wembley où il fut battu par Vines en cinq sets, ce dernier s’imposant également au French Pro (battant en finale Nusslein en quatre set). Vines remporta également la tournée principale contre Tilden, Stoefen, Barnes et d’autres joueurs. Devant 16 000 spectateurs au Madison Square Garden, l’Américain George Lott effectua ses débuts professionnels : Tilden ne rata pas l’occasion de le battre 6-4 7-5, puis remporta contre lui une tournée 73-27.

En 1936, 1937 et 1938, Vines remporta à nouveau la tournée principale d’abord contre Tilden, puis au cours des deux années suivantes contre Fred Perry, passé professionnel peu après son triplé historique à Wimbledon (1934-36). Sur le plan commercial, les tournées de 1936 furent décevantes et le promoteur Bill O’Brien’s y perdit de l’argent. En 1937, bien que Vines fût incontestablement le meilleur joueur pro et que la logique voulait donc qu’à l’occasion des débuts pro de Perry, celui-ci affronte Vines, Bill Tilden s’arrangea pour que le premier match de la tournée, disputée comme de coutume au Madison Square Garden, l’oppose à Perry en lieu et place de Vines. C’est ainsi que devant 15 132 spectateurs acquis à sa cause, Bill Tilden perdit pour la première fois un match au Madison Square Garden, sur le score de 6-1 6-3 4-6 6-0. A ce moment-là, on estime que Bill Tilden avait amassé 500 000 $ depuis qu’il était devenu pro six ans auparavant, c’est-à-dire une véritable fortune, l’équivalent d’environ huit millions de dollars actuels, une somme qui permettait alors d’acquérir beaucoup plus de biens immobiliers que ne peuvent le faire aujourd’hui 8 M$.

Cette même année 1937, les joueurs européens remportèrent des succès notables : Nusslein s’octroya le French Pro, battant Cochet en finale, et le Wembley Pro en s’imposant en cinq sets face à Tilden, tandis qu’en octobre Kozeluh remportait l’US Pro pour la troisième fois, battant Barnes en cinq sets. Cette édition 1937 de l’US Pro fut à l’époque qualifiée de premier tournoi « open » puisque les amateurs étaient invités à y participer. Mais aucun des meilleurs d’entre eux n’osa y participer, tandis que les rares amateurs de second rang qui s’y risquèrent furent immédiatement suspendus par la Fédération américaine (l’USTA). Ni Vines, ni Tilden, ni Perry n’y participèrent par ailleurs.

Vines et Perry furent les co-promoteurs de la tournée de 1938 qui les opposait, le premier l’emportant finalement 49 à 35. Fred Perry remporta l’US Pro contre Barnes et empocha les 690 $ de prix. Hans Nusslein s’imposa à Wembley, battant Tilden en cinq sets, et également au French Pro, toujours contre Tilden, mais en trois sets. « Big » Bill avait alors 45 ans.

… à Donald Budge

Compte tenu de ses résultats, il apparaît qu’Ellsworth Vines a donc dominé cinq années consécutives le petit monde du tennis professionnel, s’imposant notamment trois fois consécutives à Wembley alors que Perry réalisait au même moment son fameux triplé à Wimbledon. Ses victoires en tournées contre Perry, le meilleur amateur de l’époque, bien que serrées (32-29 en 1937 ; 49-35 en 1938) suggèrent qu’entre 1932 (alors amateur) et 1937, Vines était sans doute le meilleur joueur du monde. Il était classé comme tel en 1932 en tant qu’amateur et était alors supérieur à Tilden. Il n’est pas possible de savoir s’il était plus fort que Jack Crawford en 1933 – lequel rate alors d’un match le premier grand chelem – ni s’il était meilleur que Perry entre 1934 et 1936 mais c’est probable au vu de ce qui précède. En 1937, il était encore sans doute plus fort que Don Budge, déjà le meilleur joueur amateur. Pour la première fois par conséquent, le meilleur joueur du monde était un professionnel.

On ne peut en revanche assurer que Vines était toujours le meilleur en 1938, l’année du premier Grand chelem, réalisé par Donald Budge. En effet, peu après cet exploit et après avoir défendu victorieusement les Etats-Unis en Coupe Davis, Don Budge passa professionnel et l’on s’attendait généralement à ce qu’il soit dominé par Vines. Or, en janvier 1939, à l’occasion de son premier match en tant que pro, au Madison Square Garden, devant 16 725 spectateurs, Budge battit facilement Vines 6-3 6-4 6-2, peut-être parce que ce dernier n’avait joué que huit matchs, contre Perry, en Amérique du Sud au cours des derniers mois. Mais Don Budge confirma au cours des mois qui suivirent, s’imposant lors de la tournée de 1939 face à Vines (22-17 ou 21-18) et également face à Perry, son maître lors de sa période amateur (28-8 ou 18-11 selon les sources), qu’il avait également battu lors d’un deuxième match au Madison Square Garden sur un score sans appel : 6-1 6-3 6-0. En 1939, il battit également Vines en finale du French Pro, et Nusslein en finale de Wembley.

En 1939, au cours de cette première année professionnelle, Don Budge gagna plus de 100 000 $ (dont 75 000 $ garantis par contrat), une somme considérable qui représentait plus de la moitié des 204 503 $ de revenus de la tournée, soit environ 1,5 M$ d’aujourd’hui. Vines récupéra pour sa part 23 000 $ et abandonna ensuite le tennis pour se consacrer à une carrière de joueur professionnel de golf. On comprend dès lors que Budge n’ait pas jugé utile de participer à l’US Pro qui, à titre de comparaison, était doté de 2 000 $, dont 340 pour le vainqueur, en l’espèce Vines qui battit Perry en finale au cours d’un match mémorable (8-6 6-8 6-1 20-18).

Troisième partie : Après la guerre, l’âge d’or.

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Né l'année ou Rod Laver réalise son premier grand chelem, suit le circuit depuis 1974, abuse parfois de statistiques, affiche rarement ses préférences personnelles, aime les fossiles et a parfois la dent un peu dure...

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37 Responses to Le tennis professionnel avant l’ère Open (2/5)

  1. Ulysse 2 septembre 2009 at 13:20

    Voici donc le deuxième épisode parmis cinq, truffé de données et toujours agréable à lire. Encore trois à se mettre sous la dent… Le tennis avait l’air très différent dans ce temps et on a du mal à s’imaginer la dichotomie amateur / pro.

    J’attends avec impatience que tu abordes des époques illustrables avec des liens video. J’aimerais bien en même temps que l’histoire et les chiffres (Bud semble obsédé par les dollars, mais c’est ce qui plaît au public américain), voir le tennis joué sur le court dans ces temps anciens.

    Par exemple j’ai été surpris d’apprendre que le premier Wimbledon en 1977 se jouait sur un court de taille actuelle, mais dont le filet était nettement plus haut. Le vainqueur Spencer Gore a dégouté tous ses adversaires par une stratégie réellement innovante à l’époque : monter systématiquement au filet. Pas facile de tirer un passing convaincant quand le filet est remonté de 50cm. Du coup ce bon major Wingfield a revu sa copie et le filet a été rabaissé dès l’édition suivante à sa taille actuelle pour renforcer l’arsenal des baseliners qui ne disposaient sinon que du lobe pour s’imposer face à un volleyeur fou.

    • colin 2 septembre 2009 at 13:23

      Edit : 1877 (à moins que Spencer Gore soit un alias de Bjorn Borg?)

    • Franck-V 2 septembre 2009 at 13:32

      Cette nouvelle stratégie de Gore montant au filet ayant rapidement trouvé sa contre mesure par le ..lob alors inventé par un dénommé Frank Hadow dès l’année suivante.. sans s’occuper cette fois de la hauteur du filet.

    • Ulysse 2 septembre 2009 at 16:59

      Pour Franck-V,
      Je pense qu’un lob n’est efficace que si le volleyeur est pris en tenaille entre la menace du passing et celle du lob.

    • Franck-V 2 septembre 2009 at 17:14

      Rassure-toi, contre le lob, le smash n’a pas tardé à être inventé par un autre illustre inconnu ;-)

      ok, Ulysse, mais là on remonte à la genèse du tennis, les joueurs se trouvaient désemparés face à ces nouveaux coups et n’avaient sûrement jamais travaillé cela à l’entraînement.. pour autant qu’il y ait eu entraînement entre 2 brandy…

      Aux origines, et avec le matériel d’époque..il fallait surtout savoir renvoyer la balle de l’autre côté dans de bonnes conditions , le principe reste le même aujourd’hui bien sûr.. mais l’arsenal technique et tactique s’est sensiblement étoffé.

    • Franck-V 2 septembre 2009 at 17:40

      Ta remarque sur la hauteur du filet modifiée par Wingfield suite aux montées au filet de Gore est intéressante, alors que les dimensions du court demeuraient inchangées et peut contribuer à enrichir le débat.

      En effet, au risque de faire scandale ici, on peut se poser la question vu la révolution du jeu, physique, technique, matérielle et l’accent mis sur la puissance si les dimensions du court sont, 130 ans après, toujours adaptées à ce contexte et si le bon vieux Major n’y aurait pas remis son grain de sel.

      A part quelques insoumis qui se distinguent mais pour encore combien de temps…. dans les académies de tennis, on s’oriente tout de même vers une tendance monogame à grands coups de parpaing du fond du court et de sprints latéraux.

      Mais bon, jusque là, le tennis se porte bien, ce n’est qu’une question.

      Je pensais à un court moins profond, plus étroit en fond de court, plus large au filet, un carré de service réduit… hihi sacrilège, brulez-moi!

      Bon il serait plus simple de revoir les raquettes et les cordages, tout compte fait :-)

      • Antoine 2 septembre 2009 at 18:18

        Je crois qu’il suffirait simplement de diminuer la surface maximum autorisée des tamis..

  2. Franck-V 2 septembre 2009 at 13:29

    Deuxième volet tout ainsi instructif où il se confirme que l’inconnu ..Kozeluh est toujours autant incontournable, à lire le nombre de fois où ce joueur oublié est cité, face aux légendes de l’époque.

    Pour un adversaire régulier et même recherché par Richards pour alimenter sa tournée, qui a donc participé à la légende de ces rencontres, il est mal récompensé

    Il ne me semble (c’est même certain) pas avoir auparavant lu son nom, ne serait-ce qu’en diagonale.

  3. colin 2 septembre 2009 at 13:29

    Toujours aussi intéressant. Mais une question s’impose: au cours de ces tournées n’y avait-il pas une proportion non négligeables de matches arrangés?

  4. colin 2 septembre 2009 at 13:32

    Sinon, dans la famille « tronche de cake », Donald Budge pourrait être le grand père de Andy Murray

    OK je sors

  5. Jean 2 septembre 2009 at 14:16

    Passionnant à nouveau, en cette période presque mortifère de première semaine de GC avec ses pass « qualification directe au troisième tour » offerts aux meilleurs, ça fait du bien.

    Pour moi, les débuts du jeu, c’est compliqué, on n’y trouve pas vraiment de mythes fondateurs à la Joe Louis, Paavo Nurmi ou Jesse Jackson. Enfin si, des crocodiles, des Lenglen ou des Big Bill, mais tout cela fait un peu, comment dire… statues aux pigeons des allées de RG. Pas très rock’n’roll, pas d’histoire de pauvres types extraits de la pauvreté grâce à un talent venu d’on ne sait où, pas de fou courant seul dans la neige pendant des mois pour satisfaire une vision. Mais tes articles ainsi que les coms parviennent largement à m’intéresser au truc et à m’en donner une image plus colorée, comme celle d’une Lenglen consommatrice d’alcool et d’hommes. La bande son devient plus jazzy.

    D’autant que la question que tu abordes, le schisme entre le monde amateur traditionnel et le monde professionnel naissant, est valable dans nombre d’autres sports et certainement révélatrice de l’évolution des mentalités au cours du siècle passé. La compréhension de ce phénomène dépend d’un grand écart mental pas si évident pour moi du rôle du sport dans les sociétés pré-seconde guerre mondiale, de son origine bourgeoise et donc par nature amatrice. En fait, j’imagine qu’à l’époque, gagner de l’argent grâce à une activité de pur loisir physique allait un peu à l’encontre de la « morale bourgeoise » dont il est issu. Peut-être que je me trompes, mais la naissance du sport en tant que spectacle est tributaire de la dissolution de certaines valeurs dans l’ensemble de la société. En gros de la naissance d’une classe moyenne. De fait, j’imagine que la professionnalisation et la perte du contrôle par les fédérations des meilleurs (?) joueurs n’allaient pas sans une forme de dénigrement dans le monde amateur. Mais quand les dollars affluent…

    C’est Tilden la photo ? Don Budge, on commence à approcher du monde connu, il a donné des conseils à McEnroe.

    • Antoine 2 septembre 2009 at 14:27

      C’est Budge sur la photo (Cf. Infra)…Pour répondre à ton com, celui auquel tu fais référence dans le deuxième paragraphe de ton com, c’est Gonzalez ien sûr, chicano interdit de séjour dans les clubs huppés de Californie qui n’a jamais eu de prof et avait un raquette à 50 cents, mais cela c’est la troisième partie…

      Tilden a rendu le tennis populaire auprès des classes moyennes mais c’était encore un sport marqué, non par les valeurs bourgeoises, mais par les valeurs aristocratiques..Tilden étant lui même un paria en raison de ses moeurs..

    • Franck-V 2 septembre 2009 at 14:36

       » Lenglen consommatrice d’alcool et d’hommes »

      Euh justement, c’était aussi le cas de Tilden qui ne se génait pas pour promener ses « mignons » en tournoi, ce qui lui a valu de la prison..et a contribué à le laisser sur la paille à la fin de sa carrière., à défaut de s’entraîner dans la neige.

      Tilden est une icône du tennis.. mais sûrement pas des bonnes moeurs et du bon goût cosy autour des courts , ça dépasse la statue aux pigeons….

      Grande gueule même à la Ali, quand l’envie l’en prenait, dans son énorme main , 5 balles..pour 4 services gagnants et la 5° pour taper rageusement dedans.

    • Jean 2 septembre 2009 at 16:28

      Ouais, des anecdotes, c’est bon ça ! Si vous en avez d’autres… Ca personnalise et aide à comprendre comme cette évolution de statut est conjointe à l’évolution des mentalités. Tu as raison Antoine, j’ai bêtement tendance à confondre les classes, si je n’y prends pas garde.

    • Ulysse 2 septembre 2009 at 17:02

      Jean tu élèves sérieusement le débat. Ce genre de thème pourrait même mériter un papier complet.

  6. Antoine 2 septembre 2009 at 14:22

    Deux ou trois précisions: Guillaume a trouvé une photo de Budge pour agrémenter l’article mais le joueur n’est pas à son avantage puisque ce qui a fait la réputation de Budge était son revers..Tilden est passé à la trappe et j’y reviendrai.

    Le match en cinq sets auquel il est fait référence dans l’article entre Tilden et Cochet au MSG en 1934 a vu la victoire de l’américain sur le score de 7-9 6-1 1-6 6-3 6-3 (le score a sauté pour une raison inconnue)..

    Sur l’argent, c’est vrai que Collins, en bon américain, y fait référence à de nombreuses reprises. J’ai repris bon nombre de ces données (que j’ai converti en $ 2008) car je trouve les comparaisons historiquement intéressantes. Si l’on veut avoir une idée de ce que représentait ces montants non pas en $ constants (ce que j’ai fait) mais par comparaison avec le salire moyen, il faut encore multiplier les chiffres par 3 ou 4..

    Pour répondre à Colin, je n’ai pas lu qu’il y a avait des matchs arrangés et cela apparaît peu probable dans la mesure ou mis à part la somme garantie à l’avance par contrat au nouvel amateur recruté, ce qui était versé aux joueurs dépendait des résultats et il avaient donc un intérêt financier assez clair à gagner leurs matchs. Comme on le verra par la suite, dans les années 50, la répartition des gains fût une source importante de discorde entre Gonzalez et Kramer…

  7. fieldog38 2 septembre 2009 at 16:17

    Toujours aussi impeccable Antoine. Sobre, limpide et intéressant. J’espère que le reste est tout aussi bon…
    La scission tennis pro/tennis amateur rend la tentative d’établir une hiérarchie mondiale délicate mais le cheminement de ton raisonnement semble recevable et permet en tout cas d’établir qui était le ou les patrons.

  8. franckie 3 septembre 2009 at 10:59

    les choses sérieuses commenceront pour le suisse:
    hewitt,blake,davy,nole et « ? »

  9. Lionel 3 septembre 2009 at 13:52

    Encore une partie de l’opus sans prononcer le nom du dieu Suisse; quoique, dans 10 jours il risque bien d’égaler le record de Tilden de 6 victoires d’affilées.

    Tilden qui joua au meilleur niveau jsuque 45 ans. Etait-il hors du commun ou simplement en avance sur son temps, ou la concurrence était elle moindre?

    • Antoine 3 septembre 2009 at 14:16

      Il n’y a guère de doute à avoir sur le fait que Tilden était un joueur hors du commun, considéré comme le GOAT jusqu’à la fin des années 50, c’est à dire le moment ou l’on a commencé à dire que Gonzalez était au moins aussi bon et durablement dominant que lui…Son précis tactique et technique du tennis était cité par coeur dans les années 40 par Kramer et autres; il était très en avance sur son temps et a fait entrer le jeu dans l’ère moderne..Ce n’était pas un serveur volleyeur. Si j’en juge par ce que je peux lire sur lui, son style de jeu était très proche de celui d’un certain Suisse fort actuel..

      De fait Tilden n’a pas perdu un match important avant 1926, c’est à dire le jour ou il n’a pas réussi à remporter un 7ème titre consécutif à Forest Hills. Il avait alors 33 ans..Cochet et Lacoste ont mis fin à son invulnérabilité..

      Il a continué à être parmi les meilleurs jusque vers 1935, année de sa dernière grande victoire, comme indiqué dans l’article. Il avait alors 42 ou 43 ans (né en 1893)..et a continué à jouer à un niveau très bon par moments jusqu’à la guerre..

    • Guillaume 3 septembre 2009 at 14:38

      Un parcours qui évoque aussi un peu Rosewall, isn’t it ?

      • Antoine 3 septembre 2009 at 19:01

        C’est certain que dès que l’on pense longévité, il est difficile d’éviter Rosewall mais il y en a eu pas mal d’autres entre les deux..

      • Franck-V 3 septembre 2009 at 19:17

        A ce sujet, c’est curieux que la longévité des anciens soit souvent plus mise en valeur que celle des contemporains, j’entends post 70′s, comme légendes.

        On cite Tilden ou Rosewall pour constater que finalement, Connors ou Agassi, on a déjà vu mieux par le passé , mais ça peut aussi indiquer un degré de compétition qui n’avait pas la même intensité alors… tout comme les palmarès ne doivent pas se lire de la même façon.

      • Guillaume 3 septembre 2009 at 19:22

        C’est surtout que, si je me fie à des lectures Wikipediennes, Rosewall est le joueur qui a remporté le plus de GC, tournois amateurs et pros confondus.

        Pas mal pour un joueur qui reste toujours un peu dans l’ombre du mythe Laver et qui avouait avoir « joué au tennis jusqu’à un âge avancé, et n’avoir connu mes premières douleurs qu’à 60 ans ». Gros palmarès + longévité + absence de blessures, ça ferait rêver plus d’un tennisman actuel…

        Mais en parlant de ça, j’anticipe peut-être sur les parties suivantes..

        • Antoine 3 septembre 2009 at 19:26

          C’est vrai que Rosewall a remporté autant (voire un de plus) de grands titres que Laver, ce dernier disant que Rosewall a probablement été le joueur le plus sous estimé de l’histoire..La seule chose qui manque à Rosewall, c’est d’avoir gagné à Wimby, sinon, on en parlerait certainement autant..

  10. Antoine 4 septembre 2009 at 16:40

    Mieux vaut tard que jamais: demain 5 septembre lors de la « night session » sur le Athur Ashe, l’USTA organise une cérémonie en mémoire de Pancho Gonzalez à l’occasion du soixantième anniversaire de son doublé à Forest Hills en 48 et 49..Seront notamment présents Charlie Pasarell et « Little Pancho » (Pancho Segura) et un grand nombre de personnalités de la communauté hispanique aux Etats Unis..

    L’USTA a donc attendu 60 ans avant de rendre hommage au champion qui a été numéro un mondial durant huit années consécutives, un record sans précédent.

  11. Duong 4 septembre 2009 at 17:34

    je vais être honnête (et notamment par rapport au débat sur la longévité de Tilden) :

    autant je suis intéressé par le tennis des années 50 et surtout 60, autant pour moi, le tennis d’avant-guerre, je le vois comme quelque chose d’aristocratique, pas un vrai « sport de masse ».

    Plus le fait que 4 Français aient été parmi les tout meilleurs (voire plus : je note au passage comme souvent les allusions à Cochet numéro 1 au détriment de Tilden, alors qu’on parle toujours de Tilden, Tilden, Tilden : et notre petit Français ?) : pour moi c’est louche :-)

    Gonzales, Laver, je les ai vus jouer, oh certes pas beaucoup d’images, mais j’ai quand même vu du vrai tennis.

    Tilden, désolé mais les quelques très rares images que je vois sur le tennis de ce temps, pour moi, c’est un autre monde.

    Un type qui gagne tout dans un sport aristocratique peut-être considéré comme comparable à un type qui gagne tout dans un sport de masse ? Pour « l’Histoire », la « petite histoire », oui, ça fait toujours plaisir, mais non pour moi ça n’est pas équivalent.

    On notera que ma distinction ne repose pas tant sur le fait que le sport soit « rapide » ou non : normal avec les raquettes d’avant d’être moins rapide !

    mais le plus important pour moi, c’est de savoir si on a affaire à un sport de masse ou non.

    Dans le fond, Tilden faisait partie d’une caste de combien de privilégiés pratiquant le tennis ?

    Je conçois que ce que je dis est très subjectif, mais voilà, je dis ce que j’ai sur le coeur, et que je pense vraiment.

    Laver, Gonzales, encore une fois je ne les mets pas au même niveau : le tennis était encore un sport un peu « bourgeois », pas totalement de masse, deux pays dominaient de manière insolente (USA-Australie) mais on n’était plus tout à fait dans l’aristocratie comme avant-guerre (d’ailleurs le fait qu’il y ait eu pas mal de champions anglais avant-guerre va pour moi dans le sens d’un sport « aristocratique » ;) ).

    • Guillaume 4 septembre 2009 at 17:48

      C’est vrai que 3 Français dans le top 5 mondial c’est louche ;)

    • Antoine 4 septembre 2009 at 19:33

      Je comprends bien ton point de vue. C’est dans les années 20 que le sport en général a pris une ampleur importante et est devenu populaire en ce sens que les spectacles proposés ont commencé à attirer les foules comme le montre d’ailleurs l’article puisque le MSG était plein pour ces matchs. Le tennis, sport aristocratique s’il en est n’échappe pas à ce développement et Tilden a une large part de responsabilité dans le développement du tennis aux Etats Unis, sa démocratisation si l’on veut, c’est à dire son extension aux classes moyennes. Il faut se souvenir que les Etats Unis dans les années 20 étaient un pays riche, la première société de consommation avec le développement de l’automobile etc..Les pays européens ne connaîtront pas de niveau de vie équivalent avant les années 60 et mon impression est que le tennis est, en Europe, demeuré jusqu’à la fin des années 60 un sport très élitiste.

      Je ne connais pas les chiffres concernant le nombre des licenciés aux Etats Unis mais ne serait pas surpris qu’il soit important dès les années 20 avant d’exploser après la guerre. Par contraste, en France le nombre des licenciés ne devait pas être beaucoup plus important à la fin des années 60 (à peine 100 000) qu’il ne l’était dans les années 20. C’est au cours des années 70 que le nombre des licenciés de la FFT explose pour atteindre 1,15 million en 83 avec la victoire de Noah. Il a légèrement baissé ensuite (un plus bas à 1 million au début des années 2000 avant de recroître depuis. C’est le premier sport individuel et le deuxième après le foot, sports collectifs ou individuels confondus.

      Bref, il est raisonnable de dire que le tennis n’est pas devenu un psort de masse en Europe avant les années 70 alors que c’était depuis longtemps le cas aux Etats Unis et en Australie, depuis la dernière guerre au moins.

      Pour en revenir aux français que tu évoque Duong, il faut se souvenir que des 4 mousquetaires, trois seulement étaient vraiment bons: Lacoste et Cochet (7 GC chacun), Borotra (4GC). Brugnon était un bon joueur et un excellent partenaire de double mais n’a jamais gagné un GC. Ceci à un époque ou les GC signifiait assurément qq chose puisqu’il n’y avait pas encore de pros..

      C’est Lacoste qui en 1926 met fin à la domination de six années de Tilden (1920-1925) et il est numéro un mondial en 1926 et 27, devant Borotra en 26,devant Tilden en 27. En 1928, Cochet le supplante, Tilden est troisième. En 29, Cochet est toujours numéro un, Lacoste est 2, Borotra 3 et Tilden 4. En 1930, Cochet est toujours numéro un mais Tilden repasse 2ème..avant de passer pro comme l’article l’indique..

      Il y a eu deux années 26 et 29 ou les trois premières places étaient détenues par des français. Ce n’est pas prêt de se reproduire avant un moment ! A eux trois ils ont gagné 18 GC et remporté six fois la Coupe Davis..

      Ce qui fait que l’on parle davantage de Tilden que des trois français, c’est qu’il a dominé de façon implacable pendant six ans, qu’il est demeuré très bon très longtemps et qu’il a eu une influence énorme sur le jeu. Difficile cependant de le considérer comme le représentant d’une caste puisqu’il était surtout considéré comme un paria en raison de son homosexualité..

  12. Alex 7 septembre 2009 at 01:18

    je lis cet article instructif d’Antoine (pléonasme) et me vient une question : y a t-il des joueurs gays,à fortiori des champions ? Depuis Tilden,au sujet duquel je ne savais rien ? Car depuis que je m’intéresse à ce sport,jamais entendu la moindre rumeur sur un type.Ils sont tous du « bon côté »,macqués avec le sexe opposé,dans la « norme » quoi ! Et je me dis d’un coup,que ce n’est pas très statistique tout ça !..Hummmm.. A quand un coming out qui viendra bouleverser l’ordre bien établi des choses ??

    Chez les femmes,Navratilova a été « identifiée »,Amélie Poulain (Potro) aussi,mais chez les hommes,cela semble tabou..

    Vamoooos Tildeeeeeeeeen !!!.. ;)

    • Antoine 7 septembre 2009 at 09:32

      Je pense que ta remarque est juste et je ne connais qu’un seul exemple analogue mais il date: Van Cramm, qui a gagné Roland Garros et 34 et 36 était gay et surtout anti-nazi ce qui lui a valu d’être emprisonné par la gestapo en 38, puis envoyé sur le front de l’Est durant la guerre..

  13. Bastien 7 septembre 2009 at 04:07

    Ce qui est sûr, c’est que notre bon Richard coeur de hamster, lui, n’est pas une tapette. Il n’a jamais franchi la ligne blanche en matière de moeurs.

  14. Duong 8 septembre 2009 at 10:29

    Merci à Antoine, dont je viens seulement de lire le commentaire, très précis sur cette question de la démocratisation aux Etats-Unis et en Europe.

    Pour Brugnon, il me semblait avoir lu une fois qu’il était peut-être le « plus doué » mais bon, je ne sais pas ce que ça vaut, disons qu’il y avait 3 top-joueurs et un très bon.

    Pour les joueurs gays, il y en a évidemment mais c’est un tabou complet et personne ne se déclare ouvertement : voici un article :

    http://www.out.com/detail.asp?id=23936

    • colin 8 septembre 2009 at 11:55

      …pas pu m’empêcher de rigoler à la lecture de cette déclaration d’Agassi, juste après une victoire à Roland-Garros: “happy as a faggot in a submarine”

    • Antoine 8 septembre 2009 at 14:06

      L’article est intéressant; effectivement pour l’instant, personne chez ces messieurs n’a fait son coming out..tandis que chez ces dames, il y a plusieurs exemples de premier plan: Billie Jean King, Navratilova, Mauresmo..

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