Anatomie d’un instant : la finale de Coupe Davis 2010

By  | 21 février 2023 | 47 Comments | Filed under: Coupe Davis, Opinion

Llodra
La finale de la Coupe Davis 2010 a débouché sur la victoire (3/2) de la Serbie sur la France à Belgrade. Virant en tête à l’issue du double, l’équipe de France a regardé passer un train le dimanche, avec deux matchs à sens unique en faveur des Serbes. Au-delà des responsabilités des uns et des autres, le déroulement de cette rencontre permet de dresser un tableau d’ensemble des carences du tennis français.

De notoriété publique

Trois semaines avant la rencontre, Gaël Monfils et Michaël Llodra enflamment Bercy. Le premier atteint la finale en battant, pour la première fois de sa carrière, Roger Federer. Le second s’offre son plus beau parcours en Masters 1000 en dominant Isner, Djokovic et Davydenko. Pour le Parisien, Bercy est l’acmé d’une saison magnifique qu’il achève à la 23ème place mondiale, son meilleur classement (il culminera à la 21ème place quelques mois plus tard). En Coupe Davis, il remporte les trois doubles avant la finale, mais aussi deux simples à enjeu contre le n°1 adverse, Fernando Verdasco en quarts et Juan Monaco en demi.

Une semaine avant la rencontre, Novak Djokovic a essuyé une défaite sévère (6/1 6/4) des mains de Roger Federer en demi-finale du Masters, en n’affichant pas sa meilleure forme.

Viktor Troicki monte en puissance. A 24 ans, il vient de remporter son premier titre en simple à Moscou. En Coupe Davis, sur la route de la finale, il a battu Isner mais s’est incliné face à Cilic et Stepanek. Pour cette demi-finale à domicile face aux Tchèques, c’est Janko Tipsarevic qui sera le grand héros, en remportant ses deux simples face à Berdych et Stepanek. Forfait à Bercy, « Tipsa » est parti en lune de miel en amont de la finale.

Le vendredi, Gaël Monfils lance idéalement l’équipe de France en dominant aisément (6/1 7/6 6/0) Janko Tipsarevic. Novak Djokovic, n°3 mondial, remet les deux équipes à égalité face à Gilles Simon (6/3 6/1 7/5). Le samedi, Arnaud Clément et Michaël Llodra reviennent de l’enfer et remontent un handicap de deux sets pour l’emporter sur le fil face à Nenad Zimonjic et Viktor Troicki (3/6 6/7 6/4 7/5 6/4). Le dimanche, Djokovic étouffe Monfils (6/2 6/2 6/4). Pour le dernier simple décisif, Troicki est préféré à Tipsarevic. En face, la France joue cartes sur table : en laissant Gilles Simon dans les tribunes françaises durant le match Monfils-Djokovic, elle indique à l’équipe adverse que c’est Llodra et non Simon qui disputera le dernier simple. Troicki détruit un bien pâle Llodra (6/2 6/2 6/3) et offre à son pays une première victoire en Coupe Davis.

De mauvaise foi

Venons-en aux déclarations des uns et des autres suite à cette finale, parmi lesquelles il faudra séparer le bon grain de l’ivraie.

En décembre 2010, Michaël Llodra était le cauchemar de Gilles Simon : 5 victoires pour aucune défaite (ils ne se rencontreront plus jamais). Gillou expliqua cependant qu’en amont de la finale, il sentait Mika bien lent et qu’il parvenait, pour la première fois, à le contrer.

Michaël Llodra a eu l’égo chatouillé en apprenant que Gilles Simon était sélectionné à sa place pour le simple du vendredi.

Le match de Gillou le vendredi a été jugé insuffisant par Guy Forget et l’ensemble du staff. Le capitaine semble avoir indiqué à son joueur, dès le vendredi soir, que son week-end était probablement terminé.

Longtemps dominés par la paire serbe, Arnaud et Mika ont réussi une remontada absolument magnifique. Mais les commentaires a posteriori insistent sur l’influx nerveux que Mika a laissé dans ce double. En outre, si jamais le Parisien n’a perdu son service au cours de cette rencontre, c’est bien lui qui est apparu souvent en retard sur beaucoup de balles. Zimonjic et Clément ont, quasi-unanimement et dès le samedi soir, été salués comme les deux grands hommes de ce double. Quant à Troicki, c’est bien lui qui a craqué en fin de match.

Lors de ce double, Gilles Simon a relevé que Viktor n’était absolument pas gêné pour retourner le service de gaucher de Mika. Manifestement, il a été le seul à ce moment-là.

Que se sont dit Guy Forget et Gilles Simon le samedi soir ? Selon Guy, il n’a senti aucune véritable envie chez Gilles, qui était prêt à y aller en cas de besoin mais ne se sentait pas au mieux. Selon Gillou, le double a instillé le doute dans son esprit, il a indiqué à Guy qu’il ne sentait pas Mika dans sa meilleure forme et il s’est au contraire positionné pour aller sur le terrain, estimant avoir plus de chances de l’emporter que son coéquipier.

A quel moment les Français ont-ils compris que Tipsarevic serait remplacé par Troicki pour le dernier simple ? Dixit Gillou, le clan tricolore n’avait guère de doutes le vendredi soir, au vu de la prestation médiocre de Janko. Ce dernier semblerait d’ailleurs avoir trainé des pieds pour ce premier simple, et indiqué lui-même à ses coéquipiers qu’il ne se sentait pas du tout dans la même forme que pour la demi-finale de septembre. Pas du tout, répond Mika, qui dans le vestiaire le dimanche avant son simple se préparait encore à affronter Tipsarevic et non Troicki. Une version intermédiaire, émanant du clan serbe, mentionne que c’est en voyant Simon rester encourager Monfils depuis le banc tricolore lors du troisième simple que les Serbes n’ont plus eu le moindre doute : Viktor n’avait jamais pris le moindre set à Gilles, mais n’avait jamais affronté Mika.

Pourquoi Guy n’a-t-il pas envoyé Gilles dans le vestiaire avec Mika pendant le duel Djokovic-Monfils ? Parce qu’il ne voulait pas que Gillou embrouille son partenaire avec ses théories Bac+8 sur la stratégie en tennis (un peu de silence là-bas dans le fond). C’est la version de Lionel Roux, entraineur de l’équipe de France, et il n’y a pas d’autre version.

Quelques semaines après la rencontre, lors de l’Open d’Australie 2011, un journaliste de L’Equipe semble avoir croisé Viktor Troicki, qui le connaissait un peu. Le Serbe lui a demandé de saluer Guy Forget, qui avait eu l’élégance de ne pas lui avoir mis Gilles Simon dans les pattes.

Le meilleur pour la fin : Michaël Llodra a rappelé avoir eu une balle de break en début de match contre Troicki. L’eût-il convertie que le match aurait eu une physionomie différente.

De très mauvaise foi

Une fois que les opinions sont sédimentées sur un sujet, tout nouveau discours n’est abordé qu’avec l’impatience de décider s’il faut l’applaudir ou le honnir, et, partant, si celui qui parle est ami ou ennemi. Si vous vous sentez dans cet état d’esprit, abandonnez dès maintenant la lecture de cet article, elle ne vous sera pas utile. D’autant qu’il est toujours plus facile de réécrire l’histoire, comme je le fais à cet instant, que de la faire.

J’ai déjà fait mon coming out à propos de Gilles Simon, et les propos de Mika ne font que sédimenter davantage encore mon opinion. Mais je dois préciser tout de suite que dans cette histoire, mon ressenti au moment des faits – j’ai vu l’intégralité des cinq matchs en direct – est confirmé à 100% par les propos ultérieurs de Gillou.

C’est parti.

En bon capitaine qui suit ses troupes de près, Guy Forget a vu le Llodra-Djokovic de Bercy (victoire du Français 7/6 6/2). Sans rien enlever au match extraordinaire et totalement décomplexé du Parisien qui se produisait devant les siens, il ne fallait pas être grand clerc pour deviner qu’un Djoko remonté comme une pendule afficherait un tout autre niveau de jeu trois semaines plus tard devant son public de Belgrade. C’est donc une défaite quasi-certaine qui attendait Mika le premier jour. Choisir Gilles Simon, c’était à coup sûr l’envoyer au casse-pipe, mais ça présentait l’avantage de conserver l’euphorie de Mika jusqu’au moment du (probable) match décisif du dimanche. Un autre avantage de ce choix était de proposer à Djoko un adversaire (Gilles Simon) certes plus faible que lui, mais qui avait plus de chances de le faire travailler davantage et de l’entamer physiquement pour le reste du week-end.

En amont de la rencontre, Guy avait donc déjà en tête de faire jouer Gilles Simon le vendredi et Michaël Llodra le dimanche. Leur a-t-il expliqué ce choix à l’un et à l’autre ? Manifestement non, puisque les états d’âme de l’un et de l’autre ont transpiré dans la presse.

Gillou n’a pas démérité le vendredi, mais il est tombé sur un Novak monstrueux, qui a su plier le match en trois sets alors que la fin du troisième set s’annonçait incertaine. Il suffit de voir vraiment le match pour admettre que le monstre serbe était là et bien là, et pour anticiper que le même tarif attendait probablement Gaël le dimanche. Dire à Gillou que son week-end est probablement terminé dès le vendredi soir, c’est une erreur d’encadrement pachydermique vis-à-vis de son joueur. Mika pouvait être hors de forme ou même se blesser le lendemain lors du double, et il importait de le maintenir en alerte pour l’éventuel cinquième match. Mais c’est aussi une erreur d’appréciation, parce que le match de Gillou a été assez solide ; ce jour-là, face à ce Djoko-là, il n’y avait pas grand-chose à faire. C’est, curieusement, l’écho général du match perdu par Gaël Monfils deux jours plus tard face au même adversaire. C’est une chose de maintenir Gaël en situation en mettant en sourdine les faibles chances qu’on lui prête, c’en est une autre d’enfoncer Gillou et de le démobiliser pour le reste du week-end.

Le niveau de jeu affiché par Janko Tipsarevic le vendredi aurait dû interroger le staff tricolore. Là encore, encenser Gaël pour la qualité de son match ne devait pas faire oublier que Tipsa était passé franchement à côté. S’il en est un qui, le vendredi soir, devait être écarté de la suite, c’était bien lui ! Que l’équipe serbe maintienne le doute était de bonne guerre. Côté français, en revanche, il fallait vraiment avoir une focale mal réglée pour ne voir qu’un grand match de Monfils dans le premier simple. Entre un Troicki dangereux mais fébrile lors du double, et un Tipsarevic totalement hors de forme, il importait, a minima, d’examiner les deux hypothèses. Que Mika, 10mn avant de rentrer sur le terrain, s’apprête encore à affronter Tipsa, j’ai vraiment peine à y croire, à moins d’un amateurisme total au sein de l’équipe de France. Toutefois, le choix de garder Gillou dans les tribunes est avéré, et ici l’amateurisme n’est pas une hypothèse mais une certitude.

D’un point de vue purement tennistique, Michaël Llodra est passé à côté de son week-end. Aux côtés d’Henri Leconte et de Gaël Monfils, Mika figure au Panthéon des Frenchies fonctionnant à l’affectif. Si l’on se penche sur sa magnifique campagne de Coupe Davis 2010, un élément important était bien visible, tout comme à Bercy : il évoluait à domicile, devant un public qui le soutenait bruyamment. Mika avait pourtant, en 2010, 30 ans, et quelques années de haut niveau, au cours desquelles il n’avait jamais affiché une telle omniprésence au filet et un tel niveau de jeu. Sur un terrain lent et abrasif, trois semaines après de pic de Bercy et devant un public déchaîné contre lui, rien ne permettait d’affirmer qu’il allait remettre le couvert. D’où l’importance de l’examiner de près durant le double. Guy Forget et Gilles Simon ont bien vu le même match le samedi, et la conclusion devait s’imposer d’elle-même : c’est bien Mika qui était en retard pour frapper sa première volée, c’est lui qui a fait de nombreuses fautes directes, et Viktor s’est régalé en retours de service, annonçant, à bien des égards, la boucherie du lendemain. Ce double est à montrer dans toutes les écoles de tennis, car c’est la complémentarité, la persévérance et, en toile de fond, l’amitié entre Mika et Arnaud qui leur ont permis d’aller chercher ce point crucial. Reste que c’est bien Arnaud qui a tenu la baraque pendant les trois premières heures, et que les failles énormes dans le jeu de Mika, qui ont explosé au grand jour le lendemain, étaient bien visibles lors de ce double.

De franche mauvaise foi

Reste le point essentiel, qui dit tout, absolument tout, des manquements de cette équipe : la discussion entre Guy et Gillou sur le dernier simple. Le simple fait que chacun livre publiquement sa version des choses à propos d’un échange en tête-à-tête est en lui-même révélateur. Les deux hommes ne se comprenaient pas et ne se faisaient pas confiance. Et il était bien tard, ce samedi soir, pour régler ce problème-là.

Je me mets dans la peau d’un capitaine : un de mes joueurs vient me dire qu’il propose de remplacer son coéquipier qu’il a trouvé mauvais, et se pose en meilleur choix, incertain mais présentant de meilleurs chances de victoire finale. En tant que sélectionneur je dois être certain, absolument certain, qu’il n’essaie pas de m’enfumer et qu’il me parle sérieusement. A cette condition seulement, je ne le prendrai pas pour un prétentieux qui joue des coudes.

Si à l’inverse c’est la version de Guy qui est la bonne – Gillou ne véhiculait aucune énergie positive en vue de ce dernier simple – on ne peut que renvoyer le reproche au sélectionneur, qui a lui-même démobilisé son joueur le vendredi soir en lui indiquant que son week-end était probablement terminé. Ne pas le laisser retourner au vestiaire pour retourner la tête de Mika relève de la même logique.

De Guy Forget, le plus grand nombre retient avant tout un coup droit de fillette un certain dimanche de décembre 1991, du côté de Gerland. Il faut rappeler à Guy que c’est lui qui s’était ouvert, à la fin des années 80, dans les colonnes d’une certaine revue tennistique. Il y déplorait le manque de confiance de son capitaine qui sélectionnait Noah et Leconte dès qu’il le pouvait. Ce même capitaine, selon Guy, se disait qu’en sélectionnant un Noah hors de forme c’était quand même ceinture et bretelles pour lui, alors qu’en sélectionnant Forget il prenait des risques pour lui-même. C’est bien lui, donc, qui 30 ans plus tard consentait à sélectionner Gilles Simon par défaut pour une rencontre de Coupe Davis, tout en l’empêchant de dissoudre son sel dans l’eau de l’équipe.

De salubrité publique

Le fossé qui sépare les visions respectives de Guy Forget et Gilles Simon sur le tennis dépasse de loin le seul cadre de cette finale de Coupe Davis 2010. Et si Gillou manie la rhétorique avec une habileté certaine, c’est Guy, dans les colonnes de Ouest-France en 2017, qui a eu la meilleure formule : « Tu ne peux pas gagner un grand match de tennis en étant timide. Point barre. Se dire juste : « L’autre va rater et me donner le match », ça n’existe pas dans des moments comme ça. »

Il faut le comprendre, Guy. Son coup droit de fillette, il l’a déposé face à Pete Sampras et non face à Jim Courier. Il a échappé à la grande période du Kasparov de son époque, Mats Wilander, qu’il n’a jamais affronté en simple au cours des années 80. Il s’est bien pris quelques branlées contre Lendl, mais le croquemort d’Ostrava était de toute façon plus puissant que lui. Bref, rien ne le prédisposait à comprendre que l’actif – celui qui essaie d’imposer son jeu – pouvait se faire battre par le réactif – le contreur qui appuie sur le point faible de son adversaire et qui construit patiemment le point.

En témoignent ses longues années comme commentateur de Roland Garros, aux côtés de Lionel Chamoulaud. Il s’y emporta contre Sampras, qui temporisait trop face à Courier. Puis contre Federer, qui acceptait trop souvent l’échange face à Nadal. Notre Chamouille nationale a d’ailleurs bien retenu la leçon, puisque c’est lui qui était au micro, ce 5 décembre 2010, et qui exhortait Mika à faire service-volée encore et encore, alors que le Parisien se faisait éparpiller (8 jeux de service perdus).

A des degrés divers, Lleyton Hewitt, Guillermo Coria, David Ferrer, Rafael Nadal, Novak Djokovic, Andy Murray, et plus récemment Daniil Medvedev, Alexander Zverev et Casper Ruud, sont tous des joueurs réactifs. Convenons avec Guy Forget qu’ils ne pèsent pas bien lourd dans le palmarès de ce début de XXIe siècle, et que dans les moments critiques ils se sont systématiquement fracassés devant les attaquants pleins de panache.

Guy Forget a raté un train au tournant de deux millénaires. En tant que joueur attaquant, il a pu se raconter qu’il devait ses succès à la prédominance de son jeu d’attaque sur les contreurs de son époque. Ce n’est d’ailleurs pas complètement inexact, puisque les salles indoor très rapides de l’époque donnaient aux attaquants – et notamment aux gros serveurs – un énorme avantage. Mais la retraite sportive de Guy, en 1997, coïncida avec l’apparition de nouveaux cordages, suivis de près par les grands tamis, qui ont ajouté du contrôle à la puissance. Lorsqu’il s’est installé sur la chaise, personne manifestement ne s’est dévoué pour lui expliquer que le service-volée systématique n’était plus une option payante. Il faut imaginer le choc qu’il a subi en voyant Mika se faire découper à Belgrade par un sans-culotte qui se régalait en passings : Guy a pris en pleine face la réalité du tennis de haut niveau de 2010, qui n’était pas celle de 1990.

Non Guy, un contreur n’est pas un timide. C’est juste un joueur qui utilise ses propres armes pour gagner le point. Ces armes sont moins visibles pour le grand public, en tant que joueur tu as pu te raconter qu’ils n’étaient dangereux qu’à Roland Garros, en tant que commentateur tu n’as guère œuvré pour les décrypter, en tant que capitaine tu n’as rien fait pour les comprendre.

Le tennis français a pleuré ce 5 décembre 2010. Guy Forget n’est plus directeur de Roland Garros, ce n’est plus son cas qui importe. Ce qui importe, c’est d’admettre enfin que gagner salement vaut mieux que perdre avec panache. Ce qui importe, c’est de savoir combien d’entraineurs nationaux se repassent en boucle les images de Gerland en pleurant toutes les larmes de leur corps, combien inculquent à leurs jeunes espoirs le culte du service-volée et expliquent aux récalcitrants que toute autre option leur fermera les portes du haut niveau. Je ne sais s’il en reste, si c’est le cas il est plus que temps de leur montrer la sortie. Ce sera une œuvre de salubrité publique.

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Grand passionné de tennis depuis 30 ans.

47 Responses to Anatomie d’un instant : la finale de Coupe Davis 2010

  1. Perse 26 février 2023 at 11:15

    Un grand merci pour cette tribune anti-Forget ;)

    A propos des joueurs réactifs que Forget morigénerait bien pour l’être, Hubert Hurkacz est un exemple typique : il fait 1.96m, est délié, souple et pourtant on a l’impression qu’en fond de court ce n’est qu’un pousseur qui court derrière la baballe. C’est pourtant un excellent volleyeur et je l’ai déjà vu réaliser des accélération « gulbisiennes » mais ça fonctionne beaucoup mieux pour lui de construire les points jusqu’à pouvoir contrer.

    D’ailleurs, malgré sa qualité de petit jeu et de vollée, il se fait souvent transpercer et quand il accélère, il perd souvent le point, l’adversaire pouvant s’appuyer et rediriger à loisir la balle.

    Sur cette tournée indoor française, Arthur Fils fait au moins des résultats intéressants même si je n’ai pas l’impression d’une marge de progression énorme.

    Bonzi continue à suivre une progression (Kyrgios a régulièrement des éloges pour lui d’ailleurs) et après avoir été la terreur des challengers enchaîne une deuxième finale cette saison. Il semble vraiment que la clé pour lui est mentale, et celle de la légitimité : on a dû tellement lui seriner qu’il n’avait le potentiel dans la raquette qu’il s’est retrouvé dans une situation auto-réalisatrice.

    • Guillaume 28 février 2023 at 12:43

      Je suis d’accord. Cela fait 2x fois que je le vois gagner des titres en indoor (Metz puis Marseille) en laissant une horrible impression de limeur. Il est plus agressif sur terre ! Mais ça commence à être documenté le fait que les combinaisons en conditions de jeu (surfaces, balles…) sont in fine parmi les plus lentes du circuit, au niveau de la terre européenne, laissant de facto le dernier mot au contreur : celui qui « ouvre » le jeu a perdu.

      • Perse 1 mars 2023 at 11:36

        En tout cas, par rapport au tennis des 90′s, j’ai régulièrement l’impression que le terrain de tennis est trop petit chez les hommes.

        L’anticipation, la vitesse et la souplesse des joueurs sont telles qu’ils peuvent prolonger énormément les échanges, et en effet c’est le contre qui a le dernier mot le plus souvent.

        Le contrôle des raquettes modernes bénéficie énormément aux coups de défense à l’arrache et relativement peu centrés alors qu’un coup « parfait » est presque dangereux.

  2. Sam 26 février 2023 at 15:46

    J’ai lu ce matin le bouquin de Simon – ça se lit en une heure et c’est plutôt intéressant – et c’est assez rigolo, Rubens, de lire ton article dans la foulée…
    Simon revient longuement sur cet épisode de 2010 et dézingue proprement Forget avec des arguments que je retrouve pas mal ici : Forget et son amour du « beau jeu à la Française », en fait, le sien et qui dit à Simon dès le vendredi soir que son week end est terminé. Et surtout qui lui explique qu’il doit « aller au bout de sa logique » en remettant Llodra le dimanche. On a vu le résultat.

    • Rubens 26 février 2023 at 16:16

      J’ai bien précisé dans mon texte que ce que je raconte est mon ressenti d’alors. Je m’échinais à essayer de comprendre comment Gillou construit le point, mais j’étais bien loin d’imaginer que 10 ans plus tard il en ferait un bouquin.

      Je me suis longtemps demandé pour quelle raison Gillou n’avait pas mis le sujet sur la table plus tôt. Quelques mois après cette finale, il avait rué dans les brancards en amont du premier tour de la campagne 2011 contre l’Autriche, peut-être aurait-il dû aller, lui aussi « au bout de sa logique ». Mais je crois qu’il lui a fallu plusieurs années pour le mastiquer et le formuler comme il le formule dans son bouquin.

      La « logique » de Guy, c’est tout un conditionnement d’ensemble, qui concerne tous, absolument tous les membres du staff tricolore ce jour-là. La responsabilité de Forget est évidemment première, mais il ne semble pas y avoir eu une voix dissonante pour douter que Mika allait nous faire une Leconte. Ni une voix pour s’interroger a posteriori. Pas pour s’auto-flageller ou se fouetter en séance publique, mais juste pour constater que la « logique » a débouché sur Llodra se faisant massacrer par Troicki lors du match qu’il ne fallait surtout pas perdre. Que personne ne semblait avoir prévu que ça pouvait se passer ainsi. Et donc qu’une petite remise en question de leurs fondamentaux serait peut-être la bienvenue.

  3. Colin 27 février 2023 at 19:58

    Sympa et instructif de revenir sur ce week-end maudit (ah ah ah, j’exagère à peine). Tout ce que tu écris est fort bien documenté et argumenté. Mais j’avoue que j’ai toujours du mal avec la réécriture de l’histoire et les « …ça aurait tellement mieux marché si on avait fait ci au lieu de ça… ». Juste un seul argument (massue) en faveur de Llodra : il n’avait pas brillé qu’à Bercy. En quart il avait comptabilisé une victoire très importante et méritoire face à Verdasco, alors dixième mondial. Et en demie, il remet ça face à Juan Monaco (joueur assez banal, mais dont l’un des faits d’armes majeurs est d’avoir détruit en 3 sets secs un joueur français dont le prénom commence par un G, en avril 2013, lors de la première journée d’un Argentine-France de très sinistre mémoire pour le tennis Français, avant que l’immense Carlos Berlocq ne termine le job le dimanche dans le cinquième match, face à un joueur français dont le nom commence par un S).
    Bref mes conclusions sont que :
    1: Troicki était dans la zone ce jour là, et GS (tiens tiens? serait-ce le même?) aurait perdu aussi (quel que soit son H2H précédent contre celui qu’on surnommait à l’époque « le non-Euclidien » (ou encore Trotsky))
    2: Quoi qu’il en soit, il est un peu vain d’en parler car, en fait, on n’en sait rien (ce que je module immédiatement par une conclusion 2bis: ceci dit on s’en fout, car même si ça ne sert à rien, c’est tellement bon de s’écharper sur de tels sujets (sur lesquels pourtant on n’a aucune prise)).
    A noter que 15-lovetennis existait déjà en 2010 et que nous avons eu, déjà à l’époque, l’occasion de nous écharper allègrement sur ce sujet, entre les pro-Llodra d’un côté, les pro-Gillou de l’autre, et les pro-Troicki au milieu (non je rigole).

  4. Colin 27 février 2023 at 20:07

    Or donc, back in 2010… A chaud… Deux articles avant la finale :
    1/ Capri s’était déchaîné :
    Coupe Davis, la finale – tout ce qu’il ne faut pas savoir
    2/ Hasek avait été, comme à son habitude, factuel.
    And the winner is

    Suivi par des centaines de commentaires pendant et après, dont une proportion importante consacrée au dilemme « Gilles ou Mika??? » a.k.a. « Keskilaurait dû faire Forget? »

  5. Colin 27 février 2023 at 21:12

    Marrant, a posteriori, les pronostics de Hasek avant la finale. 80% de bon, mais les 20% qui manquent changent tout !!!
    Pronostics :
    Monfils bat Tipsarevic
    Djokovic bat Simon
    Llodra-Clément bat Zimonjic-Troicki
    Djokovic bat Monfils
    Llodra bat Tipsarevic

  6. Rubens 27 février 2023 at 23:11

    Salut Colin,

    Arrivé en 2018 sur ce forum, je n’ai pas vécu en direct bon nombre de vos échanges (et je le regrette). Alors de temps à autre je sors un petit truc pour m’insérer tardivement parmi les soldats de la 25ème heure.

    Parmi les arguments en faveur de Mika, il y en a un en effet qui est important : son passé en Coupe Davis et sa forme au cours des dernières semaines, en effet sans commune mesure avec le bilan rachitique de Gilou. C’est exact. Sauf qu’en suivant ce raisonnement, Leconte n’aurait jamais été sélectionné pour la finale de 91.

    Sur tous les autres aspects, la sélection de Llodra est discutable. Et le véritable problème, c’est l’ensemble de la grille de lecture de Forget, lui qui a dit a posteriori « quel que soit le critère, Mika était devant Gilou ». A minima, il aurait dû expliciter ces critères, puisqu’ils l’ont conduit à une erreur. Et éventuellement s’interroger en profondeur sur ces critères. Prétendre, en 2010, qu’en cas de tension il est plus difficile de tirer un passing que de claquer une volée, c’est abyssal.

    Gilou a été sélectionné pour la première fois en 2009, contre les Tchèques. Pour deux défaites en simple, face à Berdych puis Stepanek. En tant que sélectionneur, il revenait à Forget de se demander pourquoi Gilou était 6ème mondial à ce moment-là, et pourquoi il n’avait pas produit contre les Tchèques le niveau de jeu que suggérait son classement. Ca passe par de longues discussions avec le joueur. Soit tu considères que sa force ne repose que sur une boîte à astuces sans lendemain (vision Forget), soit tu rentres dans sa réflexion, afin de pouvoir mieux l’épauler par la suite, et surtout afin de savoir à quel moment il sera le meilleur choix. Si Forget avait choisi cette deuxième option, le bilan de Gilou en Coupe Davis aurait sans doute été moins calamiteux en amont de cette finale de 2010. Ou à tout le moins, les deux hommes auraient avancé en confiance et Gilou n’aurait pas eu sans arrêt l’impression de n’être sélectionné que par défaut.

    Quant à Troicki, on a bien vu le même match. Mais là encore, avec un adversaire s’appliquant à lui faire exactement ce qu’il espérait (service à 150 suivi au filet), il a pu jouer en toute décontraction. Je me rappelle encore de l’interview de Guy à la fin du match : « Je voyais bien que Viktor se régalait en retours et en passings, mais je n’allais quand même pas demander à Mika de rester au fond, c’aurait été encore plus terrible ». Voila Guy, c’est bien cela, il fallait que Mika reste au fond. Et à ce compte-là, Gilou n’aurait-il pas eu quelques arguments supplémentaires à opposer à Troicki ?

    • Colin 28 février 2023 at 12:02

      Rubens, même si je devais suivre ton raisonnement, je tiquerais toujours sur « puisqu’ils l’ont conduit à une erreur. » Erreur d’avoir sélectionné Mika? OK, c’était une erreur. Donc on refait le match, on rembobine, il ne fait pas l’erreur de sélectionner Mika, à la place il sélectionne Gillou. Et là, manque de bol, Troicki fait le match de sa vie, Gillou se délite à l’identique que lors de ses 3 matches précédents en CD (puis lors de ses deux matches (abo)minables en Argentine en 2013), la France perd la finale. Et Forget a fait, là aussi, une erreur.
      Bref rien ne permet d’affirmer que GS aurait gagné contre le Non-Euclidien, donc rien ne permet d’affirmer que le fait d’avoir aligné GS dans le 5ème match, n’aurait pas été AUSSI une erreur. Bref l’hypothèse selon laquelle Forget n’avait le choix qu’entre deux erreurs ne peut en rien être infirmée.
      Quant à la comparaison avec Leconte 92 elle ne tient qu’à moitié, because Leconte avait un historique en CD depuis 1982, tant en simple qu’en double (sans parler du reste de sa carrière), qui n’avait rien à voir avec celui de GS. Même si son classement était calamiteux fin 92, son potentiel était bien connu. Mais en effet c’était un pari extrêmement risqué. Ça s’est bien passé, tant mieux pour nous, mais ça aurait pu tout aussi bien capoter lamentablement (c’était à la limite du miracle, soyons francs).

  7. Guillaume 28 février 2023 at 10:34

    L’évidence, à chaud en 2010 comme aujourd’hui avec le recul et tout ce qui a pu se passer, c’est qu’entre Forget et la génération des Nouveaux Mousquetaires (au moins trois sur quatre d’entre eux), le courant n’est jamais passé. Ils ne se sont pas compris, pas fait la confiance quasi aveugle dont tu as besoin pour renverser les montagnes (chose nécessaire pour la France en Coupe Davis, tant à CHAQUE finale disputée depuis 82, exception faite peut-être de 99 où j’ai un doute entre Pioline/Philippoussis, le n°1 adverse était le joueur le mieux classé du week-end). Noah était très fort pour « embarquer » ainsi tout le monde derrière lui (91, 96, et 97 chez les filles), Forget avait su le faire avec le génération Grosjean/Clément/Escudé en raccrochant même des wagons (Santoro/Pioline)… Mais après clairement ç’a foiré. La faute à Guitou ? Oui, pour n’avoir pas vu le décalage avec les millenials qui arrivaient en équipe de France (« Noah ? Pour nous c’est un chanteur », dixit Gilles Simon à l’époque), ou s’il l’a vu, pas pu le corriger. Après, les torts me semblent largement partagés. Le capitanat Clément, tout aussi troublé que celui de Forget, SANS OUBLIER CELUI DE NOAH, même sauvé par la victoire tardive sur Steve Darcis et Ruben Bemelmans, montre bien que le quatuor était compliqué à manager.

    Sur Forget / Simon spécifiquement : tu ne peux pas faire plus opposé que Guitou et Gilou. L’un ne jure que par le jeu d’attaque, l’autre est un défenseur/contreur. L’un adore les palettes complètes et le tennis « champagne » quitte à rester bloqué sur les 90′s, l’autre professe de « ne jamais tenter un coup en touché sur un point important » et se vante de n’avoir jamais voulu ajouter le slice à sa panoplie à une époque où tout le monde le faisait pourtant, à commencer par Nadal et Djoko. L’un est un produit du sérail fédéral qui a embrassé le modèle, l’autre est un produit du sérail fédéral qui s’en considère victime, ou à tout le moins incompris – la sempiternelle histoire de l’enfant qui se construit en reproduisant le modèle parental contre celui qui se rebelle. Autant entre Guitou et Gaël c’est la frustration qui domine (mais pourquoi il ne concrétise pas son potentiel ?), autant entre Guitou et Gilou c’est l’incompréhension. Ils ne parlent pas la même langue. C’est d’autant plus ballot que le seul truc où ils se rejoignent, c’est que les deux aiment parler, en fait (mais aucun ne veut être celui qui écoute) :lol:

    Là-dessus enfin, un contexte spécifique à 2010 : quand arrive ce fameux 5e match décisif, Gilles Simon c’est 0 victoire / 3 défaites en matchs à enjeu. Rien d’infamant a posteriori par rapport au pedigree des adversaires (Berdych, Stepanek, Djokovic), mais à l’époque d’Ostrava Simon était 8e mondial, Berdych 22e et Step 18e, donc 2 contreperfs. Pas non plus d’exploit contre Djoko et finalement un bilan d’1 seul set gagné pour 9 perdus. Pas des débuts qui laissent entrevoir la naissance d’un grand joueur de Coupe Davis comme la France en a connu… ni qui incitent au coup de poker sur un match aussi important. On peut aussi imaginer que Forget était vacciné des coups de poker depuis celui de PHM en 2002, d’autant plus douloureux qu’il avait mal fini à 2 deux petits points de rien du tout près…

    Or en 2010 Llodra ne fait pas figure de coup de poker. Il a fait une super saison, a brillé en Coupe Davis… On peut aussi voir la part d’humain là-dedans. Llodra est un homme de base du mandat de Guy Forget. Arrivé dans le groupe comme sparring pour la finale de Melbourne en 2001, première sélection en quarts ou en demies en 2002 (je ne sais plus) sur la route de la défense du titre, taulier du double jamais décevant ni avec Santoro ni avec Clément pendant 8 ans… Tu peux penser aussi que Forget ne veut pas le priver de « son » grand jour. Récompense pour services rendus : je te laisse la chance d’être le Héros. C’est le genre de dilemme que connaissent un jour ou l’autre tous les capitaines et/ou sélectionneurs : comment ne pas continuer à faire confiance à tes grognards ? Comment être celui qui va les mettre de côté après tous les moments traversés ? On voit souvent ça en sélections de foot/basket/hand : tu reconduis le groupe avec lequel tu as gagné. Jusqu’à la fois de trop, et le crash (Italie 2006/2010, Espagne 2010-12/2014 en foot). Mais c’est humain de t’appuyer sur ceux avec qui tu as tout vécu. Aparté : et quand un sélectionneur, Didier Deschamps, manifeste peu d’états d’âmes vis-à-vis d’un de ses grognards, Olivier Giroud en l’occurrence, tout le monde crie à l’ingratitude du sélectionneur. Compliqué, tout ça… Si Forget écarte finalement Llodra au bout de toute cette campagne 2010 éclatante, et que Simon perd le 5e match, on peut penser que tout le monde lui tombe dessus aussi :smile:

    Bref. Tout ça pour dire que le choix ne me choque pas. L’erreur, elle est probablement de laisser Simon en tribunes et ainsi donner très tôt l’info aux Serbes de l’adversaire qu’ils auront en face d’eux. Vu les styles de jeu complètement opposés entre Simon et Llodra, laisser Troicki (ou Tipsy, puisque ce n’était pas non plus hyper clair du côté serbe) mariner sans savoir s’il allait devoir faire des gammes de fond de court ou tirer passings sur passings aurait probablement été un « + » non négligeable. Est-ce que ç’aurait été suffisant pour autant… Effectivement, j’ai toujours entendu que la raison en était que personne dans le staff ne voulait que Simon la mitraillette à paroles n’embrouille l’esprit de Llodra. La solution était-elle de lui coller un baillon pour l’empêcher de parler ? :mrgreen:

    Toujours est-il qu’on a perdu. Et la France, et cette génération, a entériné une relation bien plus contrariée à la Coupe Davis qu’on aurait pu croire vu la densité, la polyvalence et la diversité des options tactiques que le quatuor t’offrait.

    Mais il y a pire : en dommage collatéral, cette finale perdue chez nous mais gagnée chez les Serbes a transformé Novak en Djoko. Un mois plus tard, Nakunpoumon était devenu Supernovak. Inébranlable mentalement et invulnérable physiquement, prêt à prendre Nadal en 5 sets. Et tout ça grâce à nous !

    • Sam 28 février 2023 at 11:33

      Effectivement, « aller au bout de sa logique » impliquait probablement aussi qu’en cas de défaite de Llodra, la volée de bois vert -aucun jeu de mot ici sur « avec mon jeu d’attaquant – aurait été moins épaisse qu’en cas de défaite de Gilou.
      Ce dernier résume par ailleurs clairement sa vision du capitanat dans ces années là : ils n’en avait tout simplement pas besoin…

      • Guillaume 28 février 2023 at 12:00

        Nan mais même dans l’affect, ça me semble logique – et quelque part humainement sain – de faire ce choix. T’as un joueur que tu connais depuis 10 ans, avec qui tu as tout vécu, y compris les succès (2001), qui t’a toujours rendu ta confiance, y compris récemment… Je peux concevoir que ça soit inenvisageable pour le capitaine de le mettre sur la touche à un moment aussi important. Pas pour rien que je compare aussi avec Lippi, ou Del Bosque, considérés comme des très grands entraîneurs de foot à l’échelle de l’Histoire, qui ont aussi commis cette « erreur » de faire la compétition de trop avec le même noyau : je pense que quand tu as un pareil vécu avec des joueurs, il faut être sociopathe sur les bords pour être capable d’être celui qui leur dira « merci mon ami mais tu as fait ton temps, bye bye. » Alors quand en plus, dans le cas de Llodra, rien n’indiquait qu’il était grillé…

      • Guillaume 28 février 2023 at 12:07

        Quant à la conviction de Gilou qu’ils n’avaient pas besoin de capitaine, c’est vrai que notre mainmise sur le palmarès de la compétition dans les années 2010 lui donne raison :mrgreen:

        • Sam 28 février 2023 at 15:15

          …Si la Fédé voulait faire un vrai cadeau empoisonné à Gillou, elle lui proposerait le capitanat…!

          • Guillaume 3 mars 2023 at 09:54

            ça sera intéressant de voir ce qu’il va faire après, effectivement. Il a manifestement envie de continuer à donner son avis (participation récente à un docu sur la fin de carrière des sportifs, passage du DE…). Mais est-ce qu’il ira jusqu’à se mouiller ou est-ce qu’il préférera professer derrière le micro du consultant ?

            • Sam 3 mars 2023 at 10:13

              En tous cas de toute évidence on en prend pour trrrrès longtemps à entendre Gilou (« Tout le monde sait que Gilles aime parler » RF). Tandis que l’après de Richie sera probablement plus discret, que Jo continuera surement un moment de faire la mascotte de la machin Académie et que Gael…Bon, Gael…Bah, là je mise sur un disque à venir.

            • Guillaume 3 mars 2023 at 10:32

              Voilà un challenge à la hauteur de Gilou : devenir l’entraîneur de son poto Gaël pour les dernières années de sa carrière !

              Jo il fait du business avec Beef. J’avais loupé l’info qu’ils avaient investi aussi dans l’Open 13. ça leur fait donc Lyon, Metz (même si pas tout à fait entériné, les actionnaires minoritaires ayant posé un recours en justice), Marseille, un Challenger à Saint Trop, du padel… et j’oublie sûrement des trucs.

    • Colin 28 février 2023 at 12:10

      Tout à fait d’accord :
      1/ Forget donne à Mika, qui s’est illustré brillamment en quarts (Verdasco) et en demies (Monaco), sans parler du double évidemment dont il est le taulier depuis des années, l’occasion d’endosser le costume de héros du week-end (bon, ça a foiré, parce que le héros du week-end, en fait, c’était Trotsky. Dommage pour nous).
      2/ L’erreur, c’est de ne pas avoir lancé Llodra dans les meilleures conditions. Quoique… il l’avait économisé le vendredi. Mais en effet, il aurait dû maintenir le suspense vis à vis des Serbes. Ça n’aurait sans doute pas changé grand chose cependant.

  8. Rubens 28 février 2023 at 16:00

    Salut les tauliers,

    Vous noterez l’effort que j’ai produit pour que ma tartine, cette fois, ne soit pas trop longue. C’est vous-mêmes qui allez à l’os, en parlant de relations humaines.

    Guillaume, commençons par Forget-Llodra : en 2001 Mika n’était que sparring-partner. En 2002 leur relation a très mal démarré, puisque Guy a imputé la défaite en double (en demi face aux US à Roland) à Mika qui débutait. Le ton est même monté en 2003, face à la Suisse, je crois même que des noms d’oiseaux ont fusé dans la presse entre les deux. Mais en 2010, ils avaient laissé tout ça derrière eux, et ils avançaient en confiance. D’autant que le Parisien cochait toutes les cases favorites de son capitaine, puisque c’était un serveur-volleyeur.

    Restons sur les relations humaines, et regardons un autre exemple bien parlant : le quart de 92 face à la Suisse. On se disait qu’il ne pouvait être d’hommes plus proches que Noah, Forget et Leconte à la suite de leur victoire de 91. Quatre mois plus tard, le capitaine ne sélectionne aucun des deux pour les simples à Nîmes, ne les jugeant pas au niveau. Un choix qui a fait couler beaucoup d’encre à l’époque. On peut faire grief à Yannick d’avoir étalé dans la presse les reproches qu’il avait à leur faire, mais d’un point de vue strictement sportif le choix de prendre Boetsch et Champion pour les simples était crédible. Un magnifique exemple de mise de côté des affects personnels. De ce point de vue, on peut avancer que l’élève Guitou (en 2010) s’est avéré nettement moins doué que maître Yan.

    Colin, quand je parle d’erreur à propos de la sélection de Llodra pour le dernier simple, je ne prétends certainement pas que Gillou l’aurait emporté face à Troicki. Ce que je dis juste, c’est que lorsque le type en face de toi fait exactement ce que tu espères, il est facile de faire un super match. Mais si le type fait tout ce que tu détestes, ce sera beaucoup plus difficile. Je dis simplement que le match aurait été beaucoup plus compliqué pour le Non-Euclidien, comme vous l’appelez, avec Gillou en face, et que le résultat n’aurait pas été une boucherie en trois petits sets. Évidemment nous ne saurons jamais…

    Ce que j’interroge, ce n’est pas le choix de Llodra à la place de Simon ce jour-là. Ce que j’interroge, c’est l’ensemble des éléments de contexte qui ont conduit Guy Forget à ce choix. Car en effet, au vu du contexte, il était logique de sélectionner Mika. Vous avancez tous des arguments en faveur de Mika qui sont parfaitement valables.

    Mais quand vous dites que Forget risquait moins de se faire critiquer en choisissant Mika, il n’y a rien qui vous gêne ? En tant que capitaine, il devait faire le meilleur choix pour aller chercher le dernier point, ou le meilleur choix pour ne pas se faire critiquer ?

    Pourquoi donc Guitou avait-il dans son équipe un joueur, Gilles Simon, avec qui il n’avançait pas en confiance ?

    Pourquoi a-t-il enfoncé son joueur le vendredi soir en lui disant que son niveau était insuffisant ? A-t-il dit la même chose à un Gaël venant de se prendre le même tarif face à Djoko le dimanche ?

    Il y a donc bien une stratégie de Guitou en amont de cette finale, consistant à sacrifier le pion Simon le premier jour pour préserver Mika pour le dernier jour. En faisant totalement abstraction d’un élément qui aurait dû peser dans la balance : le niveau de jeu de l’un et de l’autre à ce moment-là. Même en mettant de côté le ressenti de Gillou, je n’ai pas trouvé que ce dernier était passé à côté le vendredi. Et j’ai trouvé Mika lent, vraiment lent le samedi. Et donc non, je ne pense pas que Gillou se serait fait dérouiller en 1h40 par Troicki.

    Colin, quand tu dis que sélectionner Gillou aurait également été une erreur, tu as raison dans ce contexte précis, c’est-à-dire dans le contexte réel de ce dimanche 5 décembre 2010 en prenant en compte les choses telles qu’elles se sont passées réellement. Sauf que le sélectionneur a tout, absolument tout fait pour miner la confiance de l’un et doper celle de l’autre. Et donc de bien préparer le terrain pour que le choix de Llodra, même à la lumière du verdict final, apparaisse comme logique.

    Il faut que je boive. Mais j’ai des choses à rajouter sur Mika. Beaucoup de choses.

    • Colin 28 février 2023 at 16:45

      « Mais quand vous dites que Forget risquait moins de se faire critiquer en choisissant Mika, il n’y a rien qui vous gêne ? »
      C’est pas moi, M’dame, c’est Guillaume !!!

    • Guillaume 3 mars 2023 at 10:20

      Hum non ce n’est pas moi non plus m’sieur, c’est Sam qui extrapole. Moi ce que je dis, c’est que l’expérience de 2002 l’a peut-être vacciné des coups de poker sportivement parlant. Pas vis-à-vis du qu’en dira t-on, juste vis-à-vis de la pertinence de l’option. Point. Au-delà de ça, je te laisse à ton interprétation du propos. Rubens, je te suspecte de ne pas porter Guitou, et à travers lui la Fédé, dans ton coeur :lol:

      • Sam 3 mars 2023 at 11:36

        En tous cas je rejoins 100% ce que suggère Rubens à travers l’exemple de 92 et le choix de Noah : le boulot d’un capitaine est de laisser les affects à leur place, c’est à dire dans la capacité à dire au joueur qu’il l’aime de tout son petit coeur, mais que pour autant, là, il a ou il n’a pas le niveau. De fait, je suspecte fortement Guytou d’avoir été envahi par la peur de déplaire à son pote Llodra, qui n’aurait d’ailleurs probablement pas manqué de faire étalage ensuite de sa susceptibilité (mais je ne voudrais pas faire de procès d’intention à Micka et son Jeu d’attaquant et Moi avec Mon Jeu d’attaquant et Moi avec mon Jeu d’attaquant et MOI et Moi et MOI).

      • Guillaume 3 mars 2023 at 12:39

        Et c’est là où je ne suis pas tout à fait d’accord. Enfin si, je suis d’accord sur la théorie. Mais comme on dit, « Je voudrais vivre en Théorie parce qu’en Théorie tout se passe bien » :smile: Mais la pratique montre que c’est plus compliqué que ça. Tu peux recaler ou rétrograder tes tauliers pour un quart de finale (ex de Noah 92) ou une Ligue des Nations (Deschamps) – ça s’avère même souvent un excellent aiguillon pour remobiliser les intéressés. Tu peux écarter quelqu’un qui n’est comme tu dis « pas au niveau » de manière évidente ou en pré-retraite dans un championnat exotique. Mais c’est manifestement plus compliqué de le faire sur la plus grande scène, finale de Davis ou Coupe du monde, quand il est question de joueurs raisonnablement « au niveau ». C’est pour ça que je prenais d’autres exemples, pour illustrer que Guitou, capitaine contesté sous ces latitudes, a fait des choix que d’autres entraîneurs, ou sélectionneurs, autrement plus indiscutables/indiscutés, ont également fait. Ces choix, Noah n’a jamais eu à les faire de manière frontale, n’ayant fonctionné que par mandats courts en Davis comme en Fed Cup – là est peut-être la solution pour n’être pas dépassé par l’affect, je ne sais pas.

        Tout ça restant évidemment des hypothèses. Il y a sans doute du vrai des deux côtés, et même un peu de tout ça dans l’ensemble des paramètres qui aboutissent à la décision finale. C’est terrible parce que je me retrouve avocat de Forget :lol: alors que, comme je disais au début, si les torts sont partagés c’est bien qu’il a les siens. Mais le rendez-vous manqué avec les Nouveaux Mousquetaires n’est pas que sa faute, et la suite (Clément, Noah) l’a largement montré. Et les autres sélectionnés de ces années-là, non membres du quatuor, auraient aussi beaucoup de choses à dire sur le sujet, je pense…

        • Sam 3 mars 2023 at 15:50

          Ah mais c’est justement là où la pratique doit s’appuyer sur une théorie solide ! Et effectivement, c’est plus compliqué dans la pratique de le faire, par exemple, sur une plus grande scène, personne n’en doute. Plus de pression, plus d’enjeux, plus de risques de critiques. Mais en fait, à partir de quand la scène devient-elle trop grande ? Et en réalité, c’est la scène où bien la représentation que l’intéressé Guytou s’en fait ? Parce que là, effectivement, si le « leader » – parce que c’est bien ça la question – n’est pas clair dans sa tête sur quoi il fonde ses choix, il devient vite une éponge affective à la scène, donc, et à la crainte que Llodra ne chouine. Comme on dit sur le sujet, la seule chose que le leader ne peut pas déléguer, c’est sa responsabilité…

  9. Rubens 28 février 2023 at 16:56

    J’en arrive à un autre os, dont vous avez discuté sur ce forum, je ne sais plus où (mais pas au moment de cette finale de 2010).

    Tout ce qui suit est un ressenti personnel.

    Je me suis mis en mouvement pour rédiger ce texte en écoutant un récent podcast de Michaël Llodra, où il revenait (entre autres) sur cette finale de 2010. C’est dans ce podcast qu’il étale ses états d’âme :
    – la douleur de sa non-sélection le premier jour,
    – sa fatigue mentale à l’issue du double,
    – et surtout sa conviction qu’en breakant au début du match contre Troickard il aurait donné à ce match une autre allure.

    Je lui donnerai raison sur un seul point, le deuxième. Mika, tu as dit à Guy que tu étais rincé ? Parce que c’est bien ce que nous avons tous vu le dimanche, et l’enjeu était tout de même une victoire en Coupe Davis. Une paille.

    Mika a été le Bernard Tapie de l’équipe de France. Lorsque la génération dorée Richie/Jo/Gilou/Gaël est arrivée en ordre dispersé en EDF, Mika était le pilier du double, mais aussi en passe de devenir le leader bis. Avec des chambrages, avec de la gouaille, avec des blagounettes dont je ne suis pas certain, par exemple, qu’elles aient aidé Richard Gasquet à se sentir à l’aise au sein de l’équipe. Au fil des années, il a instauré un magistère et un rapport de force implicite au sein de l’équipe, où il avait fini, en 2010, par faire la pluie et le beau temps.

    Guitou a manqué d’autorité face à lui. Soit par faiblesse, soit par aveuglement. Je penche davantage pour la seconde hypothèse, car son jeu d’attaquant en faisait non seulement un pilier du double, mais aussi une option séduisante en simple. Pour le reste, le capitaine ayant une génération d’écart avec ses joueurs n’était sans doute pas enclin à se mêler de leurs tocades internes.

    A la lumière du verdict de cette finale, il me semble évident que tout le monde a vu Mika plus beau qu’il ne l’était réellement, et qu’il prenait au sein de cette équipe une place démesurée. A côté de lui, Guy Forget avait quatre joueurs ayant atteint le top ten. Guillaume, on en avait déjà parlé, ils ont eu des frictions, des accrochages sur les habitudes de l’un ou de l’autre, sur les retards de Gaël, sur l’effacement de Richard, etc. Mais je n’ai jamais eu l’impression qu’ils aient eu, entre eux, des problèmes d’égo. Ou du moins, je n’ai jamais eu l’impression que le choix du capitaine ait été dicté par l’un ou l’autre qui jouait des coudes pour prendre la place du voisin. Et ce, quel que soit le capitaine (Forget, Clément, Noah). Avec Mika, j’ai cette impression. Très nette.

    J’ai écouté Guy aussi en podcast, il livre une anecdote super intéressante sur la finale de 2001 : deux semaines avant la rencontre, il explique à Nico Escudé que servir des secondes à 150 ne suffira pas contre Hewitt, et qu’il doit servir à 170 pour parvenir à le coincer en retour, quitte à faire des doubles-fautes. Nico bosse comme un bœuf sa deuxième balle pendant 2 semaines. Quand Guitou lui demande s’il est prêt, il répond que oui et qu’il a envie de tout bouffer. Et Guy précise bien « Nico n’était pas un fanfaron ». Et Nico a joint le geste à la parole : des secondes à 170 contre Hewitt, pas une double-faute en cinq sets et le résultat que l’on connaît.

    Dis-moi Guy, et Mika, n’était-il pas un peu, juste un peu, un fanfaron ?

  10. Colin 28 février 2023 at 18:42

    « – la douleur de sa non-sélection le premier jour, »

    Et si finalement, l’erreur avait été… de ne pas sélectionner Mika le vendredi?
    Il se serait pris 6/2 6/1 6/0 face à Djoko… Et la cote de Gillou serait subitement remontée pour le dimanche :mrgreen:
    Et là pour le coup il aurait vraiment senti sa douleur !

  11. Rubens 3 mars 2023 at 11:53

    « Rubens, je te suspecte de ne pas porter Guitou, et à travers lui la Fédé, dans ton coeur »

    Ce n’est pas totalement faux, mais il faut nuancer. Il faut bien avoir en tête les embûches du chemin menant un gamin vers le haut niveau. Soit sa famille est ultra-aisée, soit (et c’est le cas le plus courant) il devra en passer par la filière fédérale. La FFT a donc une importance capitale.

    Et j’observe une tendance très lourde dans le profil des joueurs issus du cocon fédéral : beaucoup n’ont pas d’affinité particulière avec la terre battue, beaucoup ont des « beaux jeux » techniquement parlant mais touchant vite leurs limites, et beaucoup passent une grande partie de leur carrière à soigner leurs blessures. Depuis 10 ans, j’ai vu notamment deux joueurs majeurs qui auraient pu jouer les premiers rôles (Lucas Pouille et Ugo Humbert) mais qui passent leur temps à l’infirmerie. La remarque s’applique aussi à Tsonga, Monfils et Gasquet.

    Or, cela fait 20 ans que nous avons sous les yeux un tennis de haut niveau qui est plus physique, plus exigeant, et marqué par une tendance lourdement favorable aux « réactifs ». Le tennis est un jeu darwiniste, dire que le jeu s’est uniformisé au plus haut niveau ne me semble pas tout à fait exact, je préfère le formuler ainsi : les actifs existent encore, mais les matériels (bien plus que les surfaces) permettent aux réactifs de les contrer plus facilement. D’où la prédominance des réactifs dans le top 100. Nous ne sommes plus dans les années 80, où les armadas suédoises et aztèques étaient inoffensives hors terre battue. Ni dans les années 90, où les salles étaient tellement rapides que le gros serveur bénéficiait d’un avantage énorme sur le relanceur.

    En 2010, au moment de cette finale, ce phénomène était déjà à l’œuvre, bien visible depuis plusieurs années. Juste avant ce cinquième match, je me doutais que Guitou allait choisir Llodra, parce que c’était la conclusion « normale » à laquelle toutes ses réflexions allaient le conduire, c’est l’ensemble des arguments que vous avez développés dans cette discussion. Mais moi j’étais mort de trouille, parce que Mika m’avait fait TRES peur la veille lors du double, et en cas de mauvais départ il n’avait absolument aucun jeu de rechange.

    Ce cinquième match a donc eu lieu, il a débouché sur un résultat. Ce que je reproche à Guitou n’est pas d’avoir fait ce choix-là. Ce que je reproche à Guitou, c’est l’absence de remise en cause à la suite de cette défaite. C’est cet écho général selon lequel Troicki était juste en feu et il n’y avait rien à faire contre cet adversaire-là. C’est la lecture du jeu de Guitou, dont nous avons profité pendant des années quand il était au micro pendant Roland, et dont il ne semble pas s’être écarté quand il était sur la chaise. De ce point de vue-là d’ailleurs, je crois que Gaël a dû le faire souffrir encore plus que Gillou :mrgreen:

    Et si je fais l’anatomie de cette finale-là, c’est parce qu’elle synthétise ce que je crois être une carence fondamentale de notre système fédéral, et sur laquelle personne ne semble s’interroger sérieusement.

    L’EDF a perdu d’autres finales, et en effet les choses n’y ont pas non plus été parfaites. Mais même mieux négociées, les finales de 1999, 2014 et 2018 auraient débouché sur des défaites. Et je ne suis pas loin de mettre 2002 dans le même sac. 2010 par contre, ça se discute :smile:

    • Guillaume 3 mars 2023 at 12:59

      Alors sur le côté fédéral il y aurait beaucoup à dire et ça nous emmènerait loin. Avec plaisir si je passe un jour par chez toi découvrir le Challenger local :smile:

      Sur la chute où tu reviens à la Davis, il y a clairement un dénominateur commun à nos revers, un véritable délire SM qui nous plombe à chaque fois : le choix, quand on reçoit, de jouer sur terre battue. Parce qu’on est la patrie du Grand chelem de la terre, on se sent systématiquement obligé de jouer nos finales sur cette surface. C’est flagrant : on joue sur terre (en l’ayant choisi) en 99, 2002, 2014 et 2018, on perd les 4 fois. On joue sur une autre surface (91, choisi ; 96, 2001, 2010 ; et 2017, choisi), on gagne 4 fois sur 5. On a en réalité (et ça corrobore ce que tu dis) rarement les joueurs, et jamais en nombre suffisant, de nos ambitions sur cette surface. Même quand, comme en 2002, le choix semble pertinent (Kafel sur la jante, Safin que ça saoulait de revenir jouer sur terre en novembre), notre vivier restreint sur la surface (Grosjean, Clément, et tant pis pour Escudé, notre DavisCupMan) nous met dans la panade quand un joueur, un seul (Clément) se blesse. On a un véritable syndrome de Stockholm vis-à-vis de la terre en France, à s’autopersuader que c’est « notre » surface alors que ça ne l’est plus depuis un bail.

      • Rubens 3 mars 2023 at 15:33

        Pour le challenger ce sera avec grand plaisir :smile: . Mais pas cette année, je serai absent 3 semaines en mai.

      • Sam 3 mars 2023 at 15:59

        Toutafé Guillaume ! Et à la limite, est-ce que ça a déjà été « notre surface », mis à part une brève parenthèse à la fin des années 20 ?Pour autant, l’identité tennistique Nationale probablement Chamoulisée perdure à faire le raccourci tennis/France/RG/Terre Battue, tandis que tous les gosses qui jouent au Nord de la Loire ne voient probablement la Sainte Terre qu’une ou deux fois par an, et à mon avis font tout pour y échapper. Ce sujet est d’ailleurs abondamment documenté, et pas que dans l’excellent livre de Simon Gilles (« Ce sport qui rend fou », au cas où il aurait échappé à quelqu’un).

        • Rubens 4 mars 2023 at 15:23

          Sam, je vais même t’en raconter une bonne concernant ta chère Bretagne : j’ai vécu dans la région brestoise entre 2012 et 2015, et je m’y suis un peu remis au tennis.

          Lors d’un tournoi, un type a repéré mon léger accent du sud, il venait du même coin que moi. Nous avons papoté un petit moment, à propos d’un club qu’on connaissait tous les deux, celui de Saint-Gaudens (en Haute-Garonne), avec des TB intérieures et extérieures. C’est alors qu’un jeune de 16 ans, qui nous écoutait, nous a interrompus : « Vous voulez dire qu’à Saint-Gaudens il y a des terres battues extérieures ?  » Il n’imaginait même pas que ça puisse exister ailleurs qu’à Roland !

      • Rubens 4 mars 2023 at 12:58

        Là, vous prêchez un convaincu. Mais, Guillaume, cette fois c’est toi qui reprends les argumentaires de Gillou :mrgreen:

      • Colin 4 mars 2023 at 19:03

        « C’est flagrant : on joue sur terre (en l’ayant choisi) en 99, 2002, 2014 et 2018, on perd les 4 fois. »
        Guillaume, tu peux rajouter 1982 dans ta liste, ça marche aussi et ça fait 5 sur 5.
        Mais cette unanimité de nos défaites en finales de CD sur terre battue choisie, ne doit pas pour autant faire oublier deux choses :
        1/ Le plus souvent, le choix de la TB en finale est surtout basé sur la croyance que notre adversaire est un peu moins bon sur TB que sur dur (bref on choisit en fonction des faiblesses supposées de nos adversaires, plutôt qu’en fonction de nos forces). En 1982, c’était net : on supposait que la TB était la surface la plus faible de MacEnroe (quant à Noah, il n’avait PAS ENCORE gagné à Roland). Rebelote en 1999, où l’on supposait de façon identique que Philippoussis et Hewitt (et Rafter s’il n’avait pas été blessé) étaient moins à l’aise sur TB qu’ailleurs. Même chose en 1999 avec Cilic. Par contre en 2002 (Safin, Kafelnikov) et 2014 (Federer, Wawrinka) là j’avoue que c’est moins évident.
        2/ Mais quoi qu’il en soit, je suis convaincu que les 5 fois, la France aurait perdu aussi sur une autre surface. Par exemple en 2002 rien ne permet de penser que Nicolas Escudé aurait été capable de rééditer son exploit de l’année précédente même si la finale avait eu lieu sur surface (ultra)rapide (sans aller jusqu’à un plancher en bois par exemple :mrgreen: ). A l’inverse, les français auraient sûrement tout aussi bien battu Darcis et Bemelmans en 2019 sur terre battue.

        Il n’empêche qu’on a tous été un peu surpris de voir McEnroe en 1982, Philippoussis en 1999, et Cilic en 2018 dominer nos Frenchies pourtant « supposés » plus habitués à la TB. Mais on n’insiste que trop rarement sur deux points (pour être honnête je n’ai quasiment jamais rien lu sur le sujet) qui je pense, expliquent bien des choses :
        1/ La TB indoor, ce n’est pas la même chose que la TB outdoor. Le fait qu’une finale de Coupe Davis sur TB se joue en indoor annule une partie des spécificités de la TB, je parle évidemment des conditions météo (vent et humidité) et de leur influence sur la surface.
        2/ Et en plus, même des non-spécialistes comme McEnroe, Philippoussis et Cilic sont, en réalité, tout à fait capables d’enchaîner un ou deux, voire trois matches à leur meilleur niveau sur terre battue (voire quatre ou cinq quand ils sont dans la forme de leur vie (Sampras 1996) et même 6 et demi pour McEnroe en 84 et Edberg en 89). Leur problème avec la TB, c’est l’enchaînement: plus les tours et les sets passent, plus leur niveau baisse, tandis qu’à l’inverse le niveau des purs terriens stagne.

        • Rubens 9 mars 2023 at 12:56

          Salut Colin,

          Totalement d’accord, sur tout ce que tu dis. Il n’est pas contradictoire de constater que l’EDF a perdu toutes ses finales jouées à domicile sur TB, et de dire que le choix de la TB se justifiait. En 82, avec le monstre McEnroe en face, lui mettre de l’ocre sous les pieds était le meilleur choix possible. Yannick ne l’a jamais battu de toute façon, mais si cette finale de 82 n’était pas gagnable sur TB elle ne l’était certainement pas sur une autre surface.

          Pour 1999, 2002, 2014 et 2018, c’est plus discutable, car comme tu le dis les adversaires savaient jouer sur la surface. Dans plusieurs cas, je crois que le calcul était de leur mettre une terre battue juste après le Masters, afin de leur rendre la transition aussi difficile que possible. La véritable question, c’est de savoir si nos propres troupes voyaient arriver la TB comme une bonne nouvelle, et ça j’en doute.

  12. Sebastien 3 mars 2023 at 16:15

    Passionnant article, passionnants échanges, bravo à tous !
    Ce donne envie de voir ces matches même si ce fut douloureux.

    Mais la plus terrible interrogation, à peine glissée par Guillaume.
    Comment les erreurs stratégiques de Guitou (si c’en sont) ont fait du Serbe essoufflé le super-monstre qui depuis a accumulé 378 semaines de N°1, lessivé Nadal au physique en 5 sets, devenir plus fort chaque année depuis 2018 ?

    Gluten, oeuf, pyramides et donc Guitou ?

  13. Guillaume 13 mars 2023 at 12:13

    https://www.eurosport.fr/tennis/atp-indian-wells/2023/pour-daniil-medvedev-indian-wells-est-un-combat-permanent_sto9507700/story.shtml

    J’adore Daniil. C’est l’un des derniers à l’ouvrir sur un sujet qui était autrement plus contesté il y a quelques années. Mais tant qu’à ce qu’il n’en reste qu’un pour dénoncer ces tournois de dur d’une lenteur abominables (et après les mecs se plaindront d’être blessés…), Medvedev n’y va pas à moitié. Il allume en conf, et il allume dans l’itw post-match à même sur le court :smile:

    Il m’avait fait marrer aussi avec la balle perdue réservée à Tsitsipas après la finale à Dubaï. Il bat Rublev en finale, et le Fanou qui n’avait rien demandé s’en prend une dans le speech du vainqueur, où Meddy revient sur la sortie de Tsitsipas à l’automne dernier où il disait en gros que Rublev était un bourrin – ce qui se défend en soi, hein. Mais ça m’a fait marrer que Medvedev décide de mettre son grain de sel dans l’affaire, X mois plus tard.

  14. Nathan 14 mars 2023 at 11:33

    Je change un peu de sujet et m’en excuse mais la victoire de Wawrinka sur Rune m’a fait plaisir, doublement plaisir.

    D’abord parce que le Suisse semble être de retour.

    Ensuite parce que le jeune Danois a un peu une tête à claques, comme Tsitsipas d’ailleurs. Qu’il soit coaché par Glouglou, le bavard qui n’a pas inventé la poudre, ne m’étonne pas.

    Il est vrai qu’il faut toujours se méfier de l’image des joueurs transmise par les médias. Et peut-être suis-je en train de rentrer dans le panneau. Ce n’est pas l’ambition que je reproche à ce joueur. Si on veut briller dans ce sport, il faut en avoir évidemment. Mais il y a de la vanité et de l’inélégance chez le Danois. Certes, l’essentiel qui devrait me préoccuper réside dans ses qualités tennistiques et athlétiques. Elles existent mais sont-elles si exceptionnelles que cela ? J’aime pas trop son coup droit. Je sens qu’il y a une faiblesse là-dedans. Il devrait plutôt se concentrer sur l’amélioration de ce coup.

  15. Rubens 15 mars 2023 at 10:59

    Medvedev a un art consommé du contrepied et de la fulgurance, et pas seulement sur le terrain. La bâche à Tsi² est juste sublime, le sens du tempo est éblouissant.

    Pour la surface, j’ai appris de longue date à me méfier des ressentis des joueurs. J’ai même vu Federer se plaindre de la même chose à l’US, c’était avant son premier tour, par la suite il a tracé sa route sans problème jusqu’en quarts et on ne l’a curieusement plus entendu. Je ne sais pas si Daniil en a remis une couche sur la surface après le match contre Zverev. Au passage, le match était assez sympa à voir, Alex est vraiment sur le retour.

    Quant à Rune, il est effectivement en train de se faire une sale réputation. Mais il a raison sur un point, il a fait un vrai mauvais match contre Stan. C’est marrant que le Vaudois se retrouve plus souvent qu’à son tour dans la position d’arbitre des élégances : il avait déjà eu un problème avec Nikkichou qui l’avait chauffé sur sa copine en plein match, et il est souvent sollicité pour commenter le comportement de ses adversaires. Stan peut être un sanguin, mais je ne l’ai jamais vu avoir un comportement anti-sportif sur le terrain. Les bad boys se lâchent face à lui, je ne sais vraiment pas pourquoi.

    • Guillaume 15 mars 2023 at 12:01

      Oui parce qu’en plus il a le sens de la formule, un timing à faire du stand up. Encore la bâche à Fanou tu peux imaginer qu’il l’a préparée, mais quand hier, en plein match, il lâche à l’arbitre « ça ce n’est pas du dur, le dur je sais ce que c’est, je suis un spécialiste », mimique à l’appui, ça respire la spontanéité.

      Dans le cas précis d’Indian Wells, ça n’est pas nouveau et tout le monde pointe la lenteur des conditions de jeu chaque année. J’ai encore suivi des échanges entre coachs sur les RS (Magnus Norman et oublié qui – peut-être Vallverdu), il y a unanimité à considérer que le combo surface / balle / météo est désastreux. Après c’est humain, l’éliminé en contreperf du 1er tour aura toujours plus envie de s’épancher sur le sujet que celui qui brandira le trophée en fin de semaine.

      C’est marrant effectivement à quel point Stan n’est jamais bien loin des embrouilles. Il y a deux choses qui expliquent ça, je pense : il n’est aucunement anti-sportif, mais il est sanguin, justement. Il a l’air de monter vite dans les tours si on le chauffe. Ensuite il ne connaît pas la langue de bois et s’est révélé un bon client médiatique en même temps que le joueur moyen faisait sa mue de champion.

      • Rubens 15 mars 2023 at 15:20

        Ce que tu dis pour Daniil me rappelle ce que disait un journaliste pendant Roland, au début des années 2000, à propos de Safin. Une météorite pouvait arriver à tout moment, y compris (et surtout !) à des moments particulièrement inattendus. Ils raffolaient du Marat, car d’un côté les conférences de presse le gavaient, pour lui c’était un rite masochiste et il les abordait avec une lassitude à peine dissimulée, et d’un autre côté il était capable de stupéfier tout le monde avec une sortie n’ayant rien à voir avec les questions posées. Eux faisaient le job, ils essayaient de ne pas trop l’emm… en répétant toujours les mêmes questions, mais ils étaient à l’affût. Medvedev-le-vieux était comme ça aussi je crois. L’âme slave je suppose.

        Je retrouve complètement cette tonalité avec Daniil. L’absence de surmoi, l’absence de filtre, l’absence de masque. C’est brut de décoffrage, et c’est naturel et spontané. Et c’est souvent très drôle aussi.

        « Je vais aux toilettes, et je serai aussi lent que le terrain »… :mrgreen:

        • Rubens 15 mars 2023 at 16:00

          Et il aurait même pu rajouter « je serai aussi lent que le terrain, mais pas aussi long que Tsitsi quand il prend ses pauses pipi :smile: :smile: :smile: « 

        • Perse 15 mars 2023 at 17:40

          « L’absence de surmoi, l’absence de filtre, l’absence de masque. C’est brut de décoffrage, et c’est naturel et spontané. Et c’est souvent très drôle aussi. »

          Le contraste est particulièrement flagrant avec Tsitsipas d’ailleurs.

          Mais c’est clair que Medvedev transmet un sentiment d’être bien dans ses pompes de façon générale, et il a la vivacité d’esprit pour avoir un peu de recul pour balancer ses piques.

          Sinon le Medvedev-Zverev n’a paraît-il pas été d’un énorme niveau de jeu mais je suis très surpris par les progrès de l’Allemand qui n’a plus rien à avoir avec le joueur de Rotterdam et plus avant de l’AO.

          Disputer des matchs remets bien en condition et il est tout à fait possible qu’il regagne un gros titre sur TB en mai à Munich par exemple à ce rythme.

          Celui qui m’impressionne en étant pourtant « ennuyeux » de visu c’est Norrie qui traverse ses tableaux et affiche des progrès constants d’un point de vue technique. Ainsi cette année, son coup droit aplati pris au sommet du rebond lui a rapporté nombre considérable de points. Déjà qu’il couvre très très bien le terrain et construit ses points avec 6 coups d’avance…

  16. Rubens 20 mars 2023 at 13:07

    Intéressante semaine californienne, et intéressant verdict final. Alcaraz me semble à nouveau lancé comme une fusée. Si son corps tient, il n’y a aucune raison pour qu’il ne soit pas un des grands favoris de Roland, avec l’Immonde évidemment.

  17. Guillaume 23 mars 2023 at 14:31

    C’est officiel : Carlito me réconcilie avec le tennis espagnol. Faut dire qu’en élève de Ferrero il perpétue la branche du tennis Spanish que j’ai toujours bien aimé :) Y’a longtemps que je n’avais pas pris autant de plaisir à regarder attentivement un match d’un joueur en me demandant « qu’est-ce qu’il encore nous sortir au prochain point ? » Il a une palette insensée : puissance dingue, toucher délicieux et maturité incroyable pour être au clair dans ses choix malgré son jeune âge. Dernier truc : son sang-froid et/ou imperméabilité à la pression. C’est Thiem qui faisait remarquer que ces gars-là (c’était après la demie contre Sinner) non seulement jouaient à une vitesse hallucinante, mais ne ralentissaient pas le tempo sur les points importants, assumant toujours une énorme prise de risques consécutive à leur style de jeu. On est loin de la philosophie gillesimonienne : « Ne jamais tenter un coup en touché sur un point important. » Carlito, un service-volée pour sauver une balle de break, une amortie sur balle de titre (BA) ou une accélération dans la lucarne sur balle de set, il y va. Et ça passe très souvent. Tout dépendra par la suite de son physique (que deviendra t-il quand/s’il perd son explosivité) et de ses propres moteurs intimes (1 Chelem ? Plusieurs ? Ou carrément l’envie de lorgner sur les records ?) mais il a un potentiel assez effarant. Et est incroyablement jouissif à regarder.

    • Nathan 23 mars 2023 at 15:47

      Moi aussi, j’ai regardé ses matches avec beaucoup d’attention…et de jouissance. Car ce gamin a un tennis jouissif. Il a tout. Tous les coups du tennis. La rapidité et vivacité. La puissance et la finesse. La filière longue, la filière courte. L’éclat, l’être qui n’a rien d’étant. Et at least but not last, la fameuse boite noire du tennis, celle qui résiste à l’analyse, qui est si difficile à travailler, qui s’échappe quand on croit l’avoir maîtrisée… je veux parler de la tarte à la crème de ce sport : le Mental.

      Dommage qu’il soit né trop tard dans un monde trop vieux ! Mais s’il était né un petit peu avant 2003, il aurait renvoyé l’Immonde dans ses Pyramides et son monde sans gluten et sans sincérité. Mais bon, peut-être qu’il n’est pas trop tard…

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